Qui se retiendra demain de participer à la célébration du deuxième anniversaire de la Révolution ? Déjà, à Tunis, le Ministère de la Culture a un peu trop tôt occupé le terre-plein de l'Avenue Habib Bourguiba et y a implanté tentes, studios, stands et écrans géants. Depuis jeudi dernier, des peintres (confirmés ou en herbe) exposent ou achèvent des tableaux, pour la plupart esthétiquement médiocres ou sans la moindre originalité créative. On se demande d'ailleurs si cette activité débordante que les « artistes » engagés par le Ministère pour animer l'artère principale du centre-ville, ne vise pas à obstruer les marches prévues par les différentes formations politiques pour le même anniversaire. L'invasion prématurée de l'Avenue a tout l'air d'avoir été préméditée à des fins essentiellement sécuritaires. Mais pourquoi tant d'espaces investis avant l'heure par le Ministère de la Culture ? A notre connaissance, ce département n'a pas le monopole des commémorations révolutionnaires. Et puis, si comme le confirment nos sources, la « fête » culturelle se prolonge jusqu'à demain, ce serait une mesure inique de la part des autorités municipales et du Ministère de l'Intérieur, d'accorder cinq jours à la culture et à peine une matinée aux manifestations des partis politiques, à celles des syndicats et aux mouvements des organisations de la société civile ? Cela demande des éclaircissements qui peut-être ne viendront de nulle part ! En tout état de cause, il y aura un embouteillage monstre demain, non seulement à cause des « obstacles » culturels disposés, paraît-il, de manière étudiée sur l'Avenue mais à cause du nombre considérable de manifestations que l'on prépare par ailleurs pour l'occasion. Dans un mouchoir de poche ! Il y aura par exemple, la marche du Front Populaire et de ses alliés de circonstance, Al Joumhouri et Al Massar,pour laquelle on a choisi la statue d'Ibn Khaldoun comme point de départ. Nida Tounès appelle ses partisans à un rassemblement devant le nouveau siège du Mouvement, après quoi la marche partirait en direction de l'Avenue Habib Thameur pour entrer ensuite dans l'Avenue Habib Bourguiba et gagner enfin la Place des Droits de l'homme. Cependant, nous avons appris que plusieurs propositions d'itinéraires étaient encore à l'étude, samedi matin : comme par exemple d'emprunter la Rue Mokhtar Attia en direction de l'horloge puis vers la Place des droits de l'homme, donc sans passer par l'Avenue. En tout cas, l'exiguïté de l'espace qui environne le siège posa pas mal de problèmes aux organisateurs, surtout que les dirigeants du Parti s'attendent à la participation d'environ 5000 manifestants qui viendraient de toutes les régions et les villes du pays. Sur un autre plan, nous croyons savoir que Nida Tounès et le Front populaire ont signé un pacte moral de non-agression au niveau des slogans de leurs marches respectives. Ennahdha aussi est en train de se mobiliser pour une présence massive, demain, sur l'Avenue symbolique : et là aussi il faut s'attendre à une foule islamiste de quelques autres milliers d'hommes et de femmes. Ceci sans compter la participation du Mouvement salafiste Attahrir qui peut réunir, à lui seul, quelques milliers d'adhérents. Ajoutez à tout ce monde, les cordons sécuritaires que déploiera le Ministère de l'Intérieur : il faudrait plus de mille hommes à notre avis pour contenir les débordements et imposer la discipline à toutes les parties en présence. Ce sera à coup sûr une mission extrêmement délicate, et l'on craint déjà que les différentes manifestations ne dégénèrent pour le moindre prétexte. Pas de marche pour l'UGTT En ce qui concerne l'UGTT, son bureau exécutif a appelé à un rassemblement sur la Place Mohamed Ali, mais aucune marche sur l'Avenue n'est envisagée. La commémoration commencera donc à dix heures et s'achèvera après le discours de Hassine Abbassi, le secrétaire général de l'Union. Au sujet de ce rassemblement, un syndicaliste très proche du Bureau Exécutif de l'UGTT donne peu de chances de réussite à la manifestation : « A mon avis, il n'y aura pas beaucoup de monde devant le siège, ce lundi. En effet, l'information n'a pas été communiquée à l'échelle conséquente ; on est samedi après-midi et aucune banderole ni aucun affichage ne sont visibles sur la Place. D'aucuns pensent que cette incurie est délibérée, et il y a de quoi leur donner raison, même si personnellement je reste persuadé qu'une telle négligence est due au programme trop chargé des responsables de l'Union. Toujours est-il que le rassemblement du 14 janvier prochain ne pourra pas réunir la foule des grands jours. » Pour conclure, nous dirons que demain, c'est à qui se lèvera le plus tôt et occupera le premier les « positions stratégiques » de l'Avenue. Espérons tout de même que le mot d'ordre ne sera pas : c'est à qui dégainera le premier ! Car dans ce cas, il vaut mieux rester chez soi et tant pis si la Révolution se voit obligée de sauter son deuxième anniversaire ! A moins que les fameuses « Ligues » pour sa protection ne veuillent une fois au moins la protéger pour de bon !