Le mausolée partiellement restauré. La symbolique, le rituel et le spirituel Jamais de tout temps, l'édifice de Sidi Bou Saïd n'a été envahi par les visiteurs comme fut le cas la veille du Mouled ! Le Saint et sage Sidi Bou Saïd n'a jamais été aussi convoité et sollicité comme la soirée du 23 janvier 2013. Le froid de canard n'a pas dissuadé ces milliers, oui milliers de personnes à sortir de chez elles, pour aller se recueillir, se réunir, lire du coran en l'honneur de notre Prophète Mohammad, dont on fête la naissance, et sur l'âme du Saint Sidi Bou Saïd, après l'outrage fait à son tombeau et à sa mémoire. Sidi Bou Saïd ressuscité On était 19h. Les gens commençaient à affluer en direction du célèbre mausolée de Sidi Bou Saïd. Quoi de plus normal, vu que c'était la veille de la fête du Mouled. Sauf que pour cette année, les festivités ont un gout suave particulier. Et pour cause, on célébrait la réouverture de la «zaouia» qui est classée dans le Patrimoine mondial par l'Unesco, depuis 28 ans. En pénétrant les lieux, l'on est emporté par une ambiance spirituelle et quasi-religieuse. Lumières tamisées, murs imbibés d'encens et des fantômes ressurgis du passé. Lustres, bougies, livres saints et étoffes illuminaient les lieux. Une aura mystique et assez particulière enveloppe les lieux, transportant l'âme dans les méandres jubilatoires et enchanteurs de notre mémoire collective. Psalmodies, complaintes, incantations, éloges au prophète, chants soufis et religieux téléportèrent les âmes présentes et réjouirent l'oreille. Une palette riche et variée de notre patrimoine musical traditionnel était offerte au public venu en grand nombre. Les visiteurs venus de diverses villes et villages étaient dans la majorité munis de livres saints et de recueils contenant les chants coutumiers. Chanteurs d'un soir, ils accompagnèrent les sages habillés pour l'occasion de chachia et de djellaba tunisienne. Recueillis, pieux et visages graves mais sereins, les visiteurs suivirent à la lettre le rythme tantôt envoutant tantôt paisible des psalmodies. Durant les entre-actes, les youyous résonnèrent rajoutant à l'ambiance, un ton de fête. La preuve en est, des hommes vêtus de notre costume traditionnel tunisien et auréolés de leurs sourires communicatifs, distribuèrent les pâtisseries traditionnelles (baklavas et «ghraybas») et la fameuse «assida» à tout va. La presse nationale et étrangère était présente. Plusieurs politiciens, comédiens et artistes étaient aussi sur place. Le brûlé se le disputait à l'encens On se bouscula, on se hâta pour revoir ces lieux si valeureux et riches, de par le passé, pour vérifier l'avancée des travaux de restauration, l'état de ce vestige. Mais l'on est frappé par cette odeur de brûlé persistante. S'accaparant les lieux, l'odeur de la fumée qui a ravagé le mausolée, se le disputait aux senteurs de l'encens qui brûlait et des multiples bougies allumées pour l'occasion. Incendié il y a de cela 12 jours, le mausolée a été totalement ravagé et des livres saints très rares sont partis en fumée. De grands travaux de restauration ont été menés ces derniers temps pour rendre à l'édifice sa splendeur. Néanmoins, faits à la hâte pour l'ouverture des portes à l'occasion du Mouled, le mausolée demeure terriblement marqué par les flammes. La petite salle où se trouve la tombe du saint Sidi Bou Saïd est encore cruellement amochée. L'architecture en est effroyablement affectée. Les murs sont toujours noircis et sentaient le brûlé. La faïence séculaire arrachée, les arcs en ogive et le toit artisanal typiquement tunisien étaient troués et abîmés. Triste constat. Ces restes d'un vestige entourant le tombeau du saint, cristallisent le ravage des soubresauts politiques et théologiques qui assomment ce petit pays paisible qui était le nôtre. Certains tentent de réécrire l'Histoire, mais d'une drôle de manière. Le reste du mausolée était remis en état. Les couleurs rouge et vert éclaboussaient les lieux et leur redonnaient toute leur splendeur. Les festivités ont duré plus de quatre heures. Après quoi, une centaine de personnes se sont réunies spontanément au célèbre café El Alia qui juxtapose le mausolée. Les habitués des lieux et les visiteurs d'une nuit se sont groupés et commençaient à chanter ensemble la «Hadhra» et les chants médiévaux et ancestraux tunisiens en hommage à la religion et à notre prophète Mohammad. L'ambiance était à la tolérance, aux sourires et à la fraternité. En un mot : un bon paysage typiquement tunisien qui est fidèle à celui que l'on connaît du Tunisien typique. Bien loin du chamboulement politique qui tend à plonger ce même Tunisien dans la sinistrose la plus complète. Melek LAKDAR
Un mausolée incendié à Douz Au moment de l'écriture de ces lignes, on apprend qu'un énième mausolée vient d'être lui aussi victime des rétrogrades. Celui de Sidi Mohamed El Ghouth, situé à Douz (gouvernorat de Kébili), est le troisième mausolée incendié dans la même région. Où va-t-on et comment l'Etat et le ministère de l'Intérieur comptent-ils réagir, outre dénoncer ces actes par de simples communiqués qui ne servent à rien ? Par ailleurs, quel sort est réservé à cette kyrielle infinie d'édifices ravagés par les flammes de l'ignorance ? Les verra-t-on restauré et pris en main aussi rapidement comme c'est le cas du mausolée de Sidi Bou Saïd ? Ou même les Saints n'échapperont-ils pas à l'iniquité régionale ?