Ce sont des paysages divers, des productions agricoles variées et des réalisations humaines d'époques très différentes qui justifient le titre de cet article. Toutes ces « curiosités » – nous n'en décrirons que quelques unes ! – sont situées aux alentours de Grombalia. A la gloire de dionysos De quelque côté qu'on approche de Grombalia, à partir d'Hammamet ou de Tunis, les superbes orangeraies de Menzel Bouzelfa, les magnifiques exploitations viticoles récentes, nous « parlent » du XXème siècle. Mais le nom de Grombalia pourrait venir du carthaginois : « Groum » : le front, et « baal » : le seigneur dieu. Grombalia aurait donc été une « place forte » défendant Carthage. Nepheris punique, toute proche, aurait été prise d'assaut par Scipion en 148 avant J.C.. Elle gardait le « Grand Gouffre » qui protégeait la métropole punique entre le Jebel Ressas et les collines du Mornag. Plus loin, les Romains ont construit Tubernuc / Aïn Tébournok voisine. Khanguet El Hajjaj rappelle le saint pèlerinage des musulmans qui étaient attaqués au départ, quant leur bourse était pleine, tandis que l'énorme et le plus ancien chai construit, à l'aube de la colonisation, par la famille Licari, fait écho aux domaines Saint Augustin, Neferis ou Atlas, voisins qui prouvent que la viticulture se développe de nouveau dans cette région où elle existait depuis les Carthaginois. Grombalia, elle-même, tient sa place dans cette diversité. Après avoir été, peut-être, Ad Mercurium romaine, elle a été un village andalou implanté par un riche seigneur musulman, d'origine espagnole : Mustapha de Cardenas chassé par l'Inquisition, avant de devenir la « Capitale » de la vigne sous l'impulsion de nombreux viticulteurs, italiens en particulier. Quasi ruinée, en 1964, au moment de la nationalisation des terres agricoles, par le départ des exploitants étrangers, la viticulture n'a survécu que grâce aux efforts de l'U.C.C.V.T. (Union des Caves Coopératives Viticoles Tunisiennes). Récemment, grâce à de gros investissements, à la plantation de nouveaux cépages et surtout à l'arrivée d'éminents œnologues, la vinification connaît un développement qualitatif et quantitatif important. En se souvenant qu'à l'époque romaine, et sous le Protectorat français, c'était une activité exportatrice, on peut souhaiter qu'elle retrouve ses lettres de noblesse à l'Etranger. Nous regrettons seulement qu'elle ne soit pas mieux présentée aux millions de touristes étrangers qui flânent sur les plages du Cap Bon, du Sahel et de Tunis à moins d'une heure de route. Pensons aux multiples manifestations – et au « tapage médiatique » qui les accompagne ! – organisées en Champagne, en Bourgogne et dans le Bordelais. Quel touriste du Sud de la France, n'entend pas vanter les vignobles du Var, des côtes du Rhône et du Languedoc tandis qu'en Italie et en Sicile, « Marsala » et « Chianti » sont à l'honneur. Pourquoi les chais tunisiens sont-ils aussi timides et silencieux ? Souffriraient-ils d'un complexe d'infériorité ? Sidi Messaoud Nous quittons Grombalia et empruntons la petite départementale C. 35 qui enjambe l'autoroute. Nous nous dirigeons vers le Sud-Ouest, vers Aïn Tébournok. A 2-3 kilomètres de Grombalia, une grande piste très carrossable nous invite à tourner à droite vers le Henchir Sidi Messaoud. Le mausolée abritant la sépulture du saint est à 2 kilomètres environ de la route. Sidi Messaoud est un personnage important puisque la colline voisine s'appelle le Jebel Sidi Messaoud. Sa sépulture est pratiquement en ruine au pied d'un très vieil olivier. Sidi Messaoud est encore vénéré actuellement mais le mauvais état de la Koubba qui l'abrite reflète, selon une légende locale, sa volonté de faire obstacle à toutes les tentatives de réparation ! Une source voisine est consacrée à Lella Halima, vénérée elle aussi. Dans une petite falaise de grès voisine, un « hanout » : tombeau rupestre berbère a été creusé. Il porte de nombreuses traces d'écoulement de cire parce qu'il fait l'objet d'une certaines pratiques cultuelles pour avoir servi de lieu de méditation et de prière à Sidi Messaoud. Un peu plus loin, au pied d'un vieil olivier, il subsiste les vestiges d'une M'zara : amoncellement votif de pierres. Nous sommes bien en présence d'un véritable puzzle de croyances et de cultes différents datant d'époques très diverses. Les marcheurs, qui auront laissé leur véhicule au bord de la route, à la garde d'agriculteurs, peuvent observer les vestiges d'un aqueduc d'époque romaine, coupé par la voie menant à Sidi Messaoud, à un kilomètre environ de la route. Il alimentait certainement Grombalia. Ils constatent aussi les méfaits des chèvres en longeant des haies de figuiers, tous « taillés » à 1,5 mètre du sol ! Sidi Bou Zekri En face de la piste menant à Sidi Messaoud, une petite route goudronnée, conduit à la koubba de Sidi Bou Zekri. Ce marabout était aussi un personnage important puisque sa sépulture est implantée dans un Henchir au pied d'un Jebel. Ils portent, tous deux, son nom. La route, à gauche de la départementale C. 35, mène directement à la Koubba et à la zaouïa perchées sur un éperon de grès. Sidi Bou Zekri est un marabout très vénéré actuellement dans toute la région. Derrière la zaouïa, on découvre un très curieux monument taillé dans un rocher isolé. Il peut être difficilement appelé « hanout » tant il diffère de la forme habituelle de ces sépultures, sans doute, préromaines. L'ouverture cintrée du « monument » se trouve au milieu d'une plate forme à laquelle on accède par trois marches taillées dans le rocher. La « chambre sépulcrale », de dimensions très modestes, est un cube de moins d'un mètre d'arête environ. D'autres excavations entaillent le rocher. Leur destination est bien mystérieuse, la datation du « monument » aussi. Est-ce que ce sont les ébauches et les vestiges de haouanet ou des emplacements réservés à des « cérémonies cultuelles » ? Pourquoi personne n'étudie ces vestiges berbères ? Personne ne veut savoir que les Berbères étaient là avant tout les autres ? Un peu plus loin, on vous montrera les restes d'un autre hanout détruit puis, sur un mamelon rocheux, contigu à la zaouïa, sous un vieux caroubier, des « cuvettes » dont l'une est munie d'une « rigole d'écoulement », sont creusées dans le roc. A quoi servaient-elles ? Y aurait-il eu, au-dessous, un hanout, dont elles auraient protégé, des eaux de pluie, la porte d'accès ? Seraient-elles les vestiges d'une « aire de pression » d'olives broyées dont on aurait extrait l'huile ? A quelle époque ? Il semble que le dialogue – la cohabitation ! – des cultures et des cultes se soit réalisé sur la terre tunisienne, depuis bien longtemps ! Les amateurs de marche à pied, peuvent très bien, comme nous l'avons dit, laisser leur voiture à la garde d'un agriculteur, et s'en aller, à pied, de bon matin vers l'un ou l'autre des marabouts, rejoindre le deuxième et revenir vers la voiture. La promenade ne mesure qu'un peu plus de 6 kilomètres en tout, ce qui nous semble être à la portée de tout le monde. En toute saison, cette promenade, aux alentours de Grombalia est aussi facile qu'attrayante. A la belle saison, les vignes offrent leurs grappes opulentes et la brise fait frissonner le feuillage des oliviers où les tourterelles roucoulent. En automne, les feuilles rousses des vignes annoncent les vendanges. L'hiver, des groupes de cueilleurs et de femmes récoltent les olives en « peignant » les rameaux tandis que les grives se croisent dans le ciel.