« L'affaire Dürer » d'après le regard de l'artiste visuel franco-canadien, Frank Morzuch, mercredi dernier au Centre d'Art Vivant du Belvédère. Malheureusement, la conférence projection n'a drainé que de rares amateurs d'art malgré l'exposé intéressant proposé par le conférencier qui a exploré de manière pratiquement scientifique autrement dit par A+B les questions liées aux travaux de gravure d'un grand artiste allemand du 16ème siècle Albrecht Dürer interrogeant spécifiquement le point de vue à partir duquel s'exerce la vision. Dans son analyse des œuvres de Dürer il s'est 'intéressé aux chiffres et à leur incidence spatiale. « L'affaire Dürer » a exigé un travail de 13 ans, une sorte d'enquête iconologique, développée comme une œuvre d'art où la fiction est très vite rattrapée par la réalité. En 2004, Frank Morzuch fonde avec sa femme Zouleikha Djedid et le photographe Alain Buttard le collectif Carte Blanche pour commander à des artistes un «parcours sensible» rédigé comme une partition qu'il appartient au promeneur d'interpréter. Invité à exposer à Tataouine, par le Ministère tunisien de la Culture et de la Protection du Patrimoine avec le soutien de l'Institut Français de Coopération à Sfax, il se passionne pour Guermassa village troglodytique au fort pouvoir spirituel. Cela donne «Attariqa», un projet de résidences artistiques et de développement durable et équitable que le récent printemps arabe rétablit dans sa dimension tant culturelle qu'humanitaire. Démonter la mécanique Sous le titre générique : «L'affaire Dürer», le conférencier a fait une lecture de quatre gravures de Dürer : « Melencolia » I, « Le Chevalier », « Adam et Eve », « la Mort et le Diable ». Son système d'analyse un peu hermétique pour les profanes nous mène des prémices de l'image digitale à ses prolongements subliminaux en transformant l'espace du regard en une aire mathématique qui se superpose au réel. A travers ce travail, Morzuch fasciné par le carré a pu accéder à l'univers mental de Dürer. « Le carré et le cube, lorsqu'ils sont confrontés à la nature, restent, à mes yeux, l'exemple le plus saillant de la parfaite mainmise sur notre environnement. Ils nous définissent, en pensées comme en actes », explique-t-il et de poursuivre « Je ne m'étais jamais intéressé à Dürer, encore moins à ses gravures. Je travaillais sur un carré chiffré à 9 cases que j'avais tracé en anamorphose, dans lequel j'intervenais comme dans un jeu de marelle en sautant d'une case à l'autre, ce qui me faisait paraître tantôt grand, tantôt petit alors que le carré semblait dressé verticalement au centre de la photographie. En reliant, dans leur ordre progressif les chiffres à l'aide d'une corde à tracer, j'obtins un losange flanqué de deux ailes inversées. En découvrant, dans Melencolia I, le carré à 16 cases j'y appliquai aussitôt ma méthode et fus surpris de la concordance entre la composition de la gravure et la forme du diagramme obtenu, comme si je me trouvais devant la charpente qui aurait permis la construction de l'ensemble. Personne n'avait encore fait ce rapprochement, tout au plus avait-on établi, sans fondements précis, une relation entre la date d'exécution de l'œuvre en 1514 et les cases 15 et 14 qui coïncident avec la date du décès de la mère de l'artiste. Je voulus en savoir plus, et me mis à étudier Dürer, sa vie, son œuvre et l'époque qui l'a vu naître ». Aujourd'hui, Morzuch, qui a embrassé l'islam, s'intéresse aux signes de la culture amazigh et plus particulièrement au tissage dont les figures ont des points communs avec le numérique et les point avec les pixels. Il tente d'établir des ponts entre le soduku et le tapis berbère. Ce rapprochement entre tradition et modernité, culture du Nord et Culture du Sud ne fait que souder les artistes des deux rives et fait évoluer l'art en lui donnant un caractère universel.