Après les luttes politiques, les dissensions idéologiques, l'extrémisme religieux, et le terrorisme, la Tunisie postrévolutionnaire serait aussi exposée à la montée de clivages d'ordre ethnique, selon certains commentateurs et protagonistes qui visent, à ce sujet,une poussée de revendications identitaires de la part de la population berbère du Sud tunisien. Dans la foulée de l'effervescence populaire généralisée ayant agité la Tunisie, après le triomphe de la révolution tunisienne, le 14 janvier 2011, certaines manifestations ont été organisées, dans la Capitale Tunis, entre autres, pour revendiquer la reconnaissance et la réhabilitation de la langue et de la culture berbères, en Tunisie, tandis qu'une association avait été créée en vue de concrétiser ces revendications. Elle avait placé son travail dans la continuité de l'action menée, dans ce sens, de manière timide, depuis près de 40 ans, par l'Association de sauvegarde du village berbère de Douiret, installée au centre culturel de Bir Lahjar, à Tunis. D'après des citoyens d'origine berbère établis dans la métropole de Tunis, interrogés dernièrement, le mouvement identitaire berbère continue de bénéficier d'un suivi très sérieux dans les villages berbères du Sud tunisien, savoir Douiret, Chéninni, Iamajjout, Zraoua, Guermassa et Matmata, notamment, situés sur la bande territoriale entre Gabès, Médenine et Tataouine. L'un d'eux, boulanger de son état, nous a dit qu'à l'instar de tous les mouvements de ce genre, il ya les modérés et les excessifs. Les premiers dont notre interlocuteur, préconisent une réhabilitation dans le cadre de l'attachement à l'identité arabe de la Tunisie où la langue et la culture berbères deviennent une composante reconnue et pratiquée dans le cadre de cette identité arabe , l'Islam qui est la religion de tous, ne posant pas problème. Toutefois, bon nombre de berbères en Algérie, ceux du Mzab, dans le Sud, sont des ibadhites kharijites, alors que la doctrine religieuse dominante dans les pays d'Afrique du Nord est le malékisme sunnite. L'autre partie, celle des excessifs, revendique une autonomisation de la composante berbère. D'après ce même interlocuteur, quelques uns des éléments excessifs rêvent d'une résurrection de la nation berbère, dans une patrie propre, en tant que projet à long terme. Homogénéité, dite-vous ? Un mouvement en faveur de la ‘'réhabilitation'' de la population noire de la Tunisie avait été enregistré, en Tunisie, au lendemain de l'indépendance, sous le gouvernement de Bourguiba, au plus fort du mouvement en faveur des droits civiques aux Etats Unis d'Amérique, au début des années 1960. Sans atteindre le degré de véritable dualisme démographique et ethnique, entre arabophones et berbérophones que connaissent l'Algérie et le Maroc, la communauté berbère en Tunisie, peu nombreuse, est restée attachée à la pratique de la langue et des coutumes berbères dans les villages où elle est regroupée. Mais l'empreinte berbère est grande, dans toute la Tunisie, comme dans les noms des lieux et des villes. Contrairement à ce que ressassaient les discours officiels sous les anciens régimes de Bourguiba et de Ben Ali, l'ère postrévolutionnaire, en Tunisie, malgré sa courte durée, a montré que la population tunisienne est loin d'être une population homogène, et qu'elle recèle tous les facteurs de divisions, en allant du tribalisme et du régionalisme, aux différences d'inféodation religieuse, idéologique, et ethnique. C'est dire que la notion d'unité nationale qui revient en force, dans le discours officiel, en ce moment, reste à définir .