La conférence de presse tenue par Ghannouchi a été donnée, cette fois, à la Cité Tadhamon. C'est dans la cacophonie d'un quartier populaire enclavé dans la laideur des boutiques de friperie et des produits bas marché que le parti de Rached Ghannouchi choisit d'organiser une rencontre médiatique. On l'aurait bien compris, Ennahdha veut prouver que le parti puise sa légitimité du fin fond de la Tunisie, d'une base habitants les quartiers les plus démunis, et elle en est fière. Pour y arriver, il faut emprunter le cheminement labyrinthique des rues et des ruelles, avant de franchir un groupe d'agents de l'ordre qui se tenait un peu plus loin, au coin de la rue qui donne sur le siège du parti de Rached Ghannouchi. «J'ai toujours encouragé le leadership féminin » s'exclame Gahnnouchi qui évoque la question de la femme. « Et puis vous avez à l'ANC des leaders de la gente féminine. » dit-il. Le leader d'Ennahdha ne croit pas si bien dire, car à écouter les propos quelque peu invraisemblables et frivoles des députées nahdhaouies qui prennent la parole, on souhaiterait de tout cœur que « ces leaders » restent hors propos jusqu'au moment où le parti saura fabriquer de vraies guerrières de la cause féminine dans sa version islamique. Et puis qu'en est-il des propos pour le moins outrageants de Habib Ellouz à l'encontre de la femme? Pour y répondre, Rached Ghannouchi préfère faire dans la dentelle. « Cheikh Habib Ellouz a nié avoir fait ces déclarations quant à l'excision des filles. C'est uniquement sa prise de position par rapport à la question qui l'engage. S'il n'aurait pas nié ces déclarations, notre position aurait été différente. On ne se réfère pas à des enregistrements ou autres car nous sommes des politiques et non pas des commissaires de police. »dit-il. Et que pense le Cheikh et son parti de cette pratique affreuse dont la finalité n'est autre que l'assujettissement de la femme et la limitation de ses droits ? Cheikh Rached est clair sur cette question et s'aligne sur la prise de position de son parti « C'est une pratique étrange à nos traditions de Tunisiens. Et puis cela n'a aucune assise charaïque. » Et si la pratique n'a aucun fondement dans la loi islamique pourquoi alors un député nahdhaoui en parle même s'il s'agit de son opinion personnelle? Cela n'est-t-il pas une manière de conclure à la percée du wahabbisme sous nos cieux, lequel entre par la grande porte et s'installe à l'ANC pour faire la politique de la Tunisie ? Rached Ghannouchi ne le répètera pas assez, en fait, « Le wahabbisme est une pensée qui fait son entrée en Tunisie même si la majorité fracassante des Tunisiens sont adeptes d'un Islam modéré sunnite malékite. » fait-il remarquer répondant ainsi à la question du – Temps- On croirait le cheikh sur parole, cette fois, car cela ne dépend pas de lui en fait ni de ses semblables, mais du degré de conscience des Tunisiennes et des Tunisiens qui sauront au moment opportun faire front à un danger rampant venu d'un autre temps. Rached Ghannouchi insistera, par ailleurs, sur le respect qu'il voue tout comme son parti à la femme tunisienne et à l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes tout en précisant que les cellules nahdhaouies dont notamment celle des femmes et des jeunes travaillent actuellement d'arrache-pied pour se reconstituer et améliorer leurs rendements. Quant à la Convention d'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes, CEDAW Ghannouchi déclare ne pas être au fait de toute sa teneur. Mais il est des questions de principe, selon lui, qui constituent une ligne rouge à ne pas dépasser et que son parti rejettera illico presto « La structure de la famille est indiscutable. Une famille est faite d'une femme, d'un homme et de leurs progénitures. Notre parti ne permettra en aucun cas l'éclatement de la notion de famille au profit d'autres schémas étranges à celui de la famille musulmane équilibrée. » Mona BEN GAMRA
«Nida Tounes est un parti en cours de formation dont l'identité n'est pas encore définie », déclare Ghannouchi S'agissant de Nida Tounes Rached Ghannouchi fait dans le genre pince-sans-rire. « Nida Tounes n'est pas un parti à part entière. Il est en cours de formation. Il n'a pas encore défini son identité. Le parti n'a pas encore résolu les tiraillements entre la frange de gauche et celle des rcdistes ou destouriennes dans sa composition.», fait remarquer Rached Ghannouchi en répondant à une question quant à une probable négociation avec le parti de Béji Caied Essebssi et à son soutien à Ennahdha. « Ameur, est-ce que Nida Tounes a soutenu Ennahdha dans le vote de confiance à l'ANC ? » avance Ghannouchi, de tout sourire, s'adressant à Ameur Laraiedh, le président du bureau politique d'Ennahdha. Il y a de l'ambiance dans l'air.