Elles sont 59 femmes à faire partie des 216 députés élus au sein de l'ANC, soit 27.57%. Une présence jugée médiocre et encore timide révélant une participation politique effective très faible de la Tunisienne. Voilà deux gouvernements post-élections où la femme est négligée malgré sa participation à toutes les actions de protestation et de lutte contre l'absolutisme. Pour ce faire, une rencontre a été co-organisée par le CREDIF (Centre de recherches, d'études et d'information autour de la femme) et l'ONU Femmes (Haut Commissariat des Nations-Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes) sous le thème «Les femmes tunisiennes et l'action politique». La conférence a été l'occasion pour débattre sur la question de la place de la femme tunisienne et sa présence effective sur la scène politique depuis l'avènement du 14 janvier. Le débat était hautement animé grâce à la présence remarquable d'une trentaine des femmes activistes dans la vie associative et politique. Jointes par des universitaires, des sociologues et des élus de la Constituante, ces Tunisiennes ont débattu longuement sur la situation actuelle de la femme à l'échelle nationale : ses droits, ses devoirs, son rôle en termes d'acteur fondamental dans l'instauration de la démocratie, dans la lutte contre les violations des droits de l'Homme et dans les grandes décisions politiques. La Tunisienne et le politique Un discours donné par la directrice générale du CREDIF, Mme. Dalinda Bouzgarou Lagrech et la représentante du bureau l'ONU Femmes Tunisie, Mme. Hela Skhiri, a soulevé la question des obstacles qui entravent la participation réelle de la femme tunisienne dans l'action politique. Un milieu dominé par les hommes. Il suffirait de voir la composante des grandes instances gouvernementales ou syndicales où la présence des femmes est quasi-inexistante. La parole a été donnée à des universitaires spécialisées en civilisation arabe. Ces dernières ont noté que malgré la présence féminine remarquable d'élues au sein de l'ANC, la femme tunisienne demeure écartée du pouvoir lors des décisions de grandes envergures à l'instar du remaniement ministériel, du changement du gouvernement ou à la tête des partis politiques. Elles demeurent sources d'inspiration et non une force d'action et d'agissement. Lors du débat, certaines femmes n'ont pas partagé cet avis. Elles trouvent, que contrairement à ce que l'on veut véhiculer, la Tunisienne moderne demeure libre de ses choix politiques et la femme politique s'impose dans la prise des décisions au sein des commissions constituantes, dans le vote pour ou contre telle ou telle loi et dans la modification de certains textes qui leur semblent inadéquats ou inappropriés à l'instauration des balises de la démocratie. Au fur et à mesure que les discussions avançaient, on notait une certaine discorde dans les points de vue. Un schisme patent divisait la salle en deux camps, les politiciennes conservatrices qui défendent l'appui religieux dans le préambule de la Constitution partant du principe que l'Islam a donné à la femme toute sa valeur et celles qui pensent que le retour itératif à la Châriaa présente un péril aux droits fondamentaux de la femme en tant qu'acteur actif et solide dans la transition démocratique. Dans le même contexte, Mme. Hela Sekhiri (représentante des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, (bureau de Tunis), a énuméré les divers facteurs qui expliquent la faible représentativité de la femme dans le paysage politique, à commencer par la responsabilité et la charge familiale et le poids des dogmes sociaux et culturels. D'ailleurs, une étude effectuée sur les listes électorales a montré qu'il y a une grande différence entre la participation féminine et masculine. Néanmoins, certaines expertes et universitaires ont avoué, que quelque part, c'est à la femme aussi d'en assumer la responsabilité. La passivité de la gent féminine dans le politique L'absence de la femme politique en cette Tunisie postrévolutionnaire n'est pas à l'image de la vraie Tunisienne qui s'est toujours battue et pour ces droits et pour ceux de sa famille et sa patrie. Egale de l'homme, elle a toujours été à l'épicentre des batailles sociopolitiques et économiques. Il faut dire que la Tunisie pullule de femmes activistes politiques qui sont devenues des icônes à l'échelle internationale. Et pourtant, une simple étude peut montrer, qu'aujourd'hui, cette même Tunisienne, brave, forte de son intelligence et son entêtement, ne revendique pas sa place réelle au cœur des chamboulements politiques. Pire encore, les présentes ont condamné ces femmes tunisiennes elles-mêmes mais qui «au nom de la religion, sont totalement contre la sauvegarde des acquis de la femme et préfèrent la reléguer au statut orientaliste de la femme-objet ou esclave» aidant le désir fantasmatique de ces prédicateurs et pseudo-prêcheurs qui ne cessent d'envenimer les rapports hommes/femmes dans le dessein de réaliser un projet sociétal qui n'est pas le nôtre où la Tunisienne n'est que la subalterne de son mari, père, conjoint, frère, ou ami... Ces forces rétrogrades se sont encore illustrées et exprimées le lendemain de la Journée mondiale de la Femme. Prenant leurs désirs comme réalités, certains élus ont remis sur la table la fameuse histoire d'excision en osant même la qualifier d'esthète ! Rebelles, les Tunisiennes tiennent encore plus à défendre leur place dans tous les secteurs, surtout là où tout le destin de la patrie se joue : la politique. Les activistes tunisiennes incitent les femmes à mieux défendre leur rôle et leurs voix dans les soubresauts d'ordre politique et de ne plus se contenter du statut de simple muse, inspiratrice ou compagne. Possédant tous les qualificatifs intellectuels et toutes les compétences qu'il faut, la Tunisienne doit s'affranchir du machisme du mâle et prouver qu'elle est capable de gérer et de guider lorsque les enjeux sont grands dans le paysage politique. La Tunisienne, de par son éducation, ses études et son expérience, peut se permettre d'être ambitieuse, avoir une carrière politique réussie et a le droit d'accéder aux plus hauts postes de responsabilité politique. Elle peut, si elle le désire vivement, être une leadership dans le domaine politique qui demeure encore à dominance masculine. Une représentativité féminine discriminatoire Le nouveau cabinet du gouvernement Larayedh compte une seule femme ministre et deux Secrétaires d'Etat. Cette médiocre représentativité de la femme au sein de son gouvernement a été hautement contestée par le MDER (Mouvement démocratique pour l'édification et la réforme qui a qualifié d'«absurdes» les arguments avancés par le nouveau Chef du gouvernement provisoire. La quasi-absence de la femme dans la nouvelle composante gouvernementale est perçue comme «une discrimination envers la femme tunisienne et une dévalorisation des compétences féminines dont dispose le pays...L'absence criante de la femme des postes de décision et du pouvoir est injustifiée. Il est insensé de l'exclure sous prétexte de manque de temps ou de caractère spécifique de la phase transitoire» a déclaré le parti MDER.