En collaboration avec l'Association « Brachylogia », l'Institut Supérieur des Langues Appliquées de Moknine vient d'organiser le premier Séminaire des Etudes Brachylogiques (SEB 1). Le concept de brachylogie, « vient de la rhétorique classique et peut être considéré comme synonyme de brièveté, de court, dans une première perception de vulgarisation et dans un objectif pédagogique ». Perçue comme une variante de l'ellipse, la brachylogie « apparaît comme une figure du discours à même de se présenter comme un mini discours ayant sa structure propre et sa logique spécifique de fonctionnement ». Cependant, la recherche académique tend aujourd'hui à conférer à cette notion « une étendue pluridisciplinaire et une implication allant de la littérature aux arts, à la philosophie, à la science, à la société et aux nouvelles technologies. ». En fait, et à une échelle très large, la brachylogie est porteuse d'une philosophie du monde adaptée à la modernité. La société de demain sera foncièrement brachylogique, assurent les spécialistes. Déjà, la fin du XXème siècle et le début du XXIème sont marqués par la prédominance du bref, du court, du petit, du micro dimensionnel : spots, clips, SMS, slogans politiques, genres littéraires mineurs, engouement pour la miniaturisation, investigations scientifiques de plus en plus portées sur le détail microscopique et les structures fragmentées, etc. De sorte qu'il n'y aurait nulle peine à se convaincre de « l'étroite parenté entre la brachylogie et les expressions numériques du monde moderne ». Même dans les conceptions architecturales, on privilégie davantage la structuration de l'espace autour de la petitesse. L'exemple du Japon est édifiant, à ce sujet : « Depuis le jardin japonais du décor intérieur et du haïku jusqu'aux nouvelles initiatives architecturales, le Japon est un vrai laboratoire de mise en valeur de la logique brachylogique comme fondement essentiel et principe majeur de sa construction sociétale et de sa contribution civilisationnelle. » Fédérer les sciences et mieux connaître l'homme La brachylogie induit donc plus d'une discipline ; c'est un concept sur lequel travaillent les analystes du discours, les chercheurs en littérature de toutes les langues, les philosophes, les sociologues, les psychologues, les phonologues, et les musicologues aussi !. En définitive et en jetant un regard sur la diversité des disciplines que représentent les conférenciers du séminaire, on se rend compte à quel point le concept de brachylogie est si proche de chacun de nous et si présent dans le quotidien des individus et des communautés répandus sur la planète. D'autre part, et outre le fait que ce concept fédère toutes les disciplines de recherche et de création, même celles qu'on croyait inconciliables comme la littérature et les mathématiques à titre d'exemple, les études brachylogiques promettent d'amener « de nouveaux enseignements et d'autres vérités sur l'homme et son environnement, sur son potentiel relationnel et ses insuffisances, sur sa capacité créatrice et les limites de sa puissance » ! Interview : Le Pr. Mansour M'henni, Président de l'association « Brachylogia » L'entretien d'une heure que nous avons eu avec le Professeur Mansour M'henni, président de l'Association Brachylogia, a porté entre autres sur des volets de sa réflexion développée dans la conférence inaugurale : « La brachylogie, retour d'un concept ou repenser le nouveau dans un concept antique » (dont nous citons des extraits dans l'article). Notre compte-rendu de l'interview ne reviendra donc pas sur ces aspects, mais retiendra surtout le premier bilan que M. M'henni établit du séminaire et les perspectives que cette rencontre peut ouvrir dans plus d'un domaine de recherche. Le Temps : Vous semblez très satisfait de ce premier Séminaire des Etudes Brachylogiques. Mansour M'henni : « Comment ne pas l'être en relevant le grand soin mis par l'Institut Supérieur des Langues Appliquées de Moknine dans l'organisation de cette rencontre scientifique qui a enregistré une présence remarquée des étudiants et qui s'est distinguée par la haute qualité des communications présentées. Ce premier séminaire a atteint un de ses principaux objectifs, à savoir celui d'ouvrir de nombreuses voies de recherche pour un concept qui, à première vue, peut paraître difficile à cerner, voire même rebutant. L'ambiance était conviviale et d'une franche gaîté. Travailler sur la brachylogie, c'est travailler sur le bonheur ! Ce fut une journée autrement réussie dans la mesure où, en plus de la curiosité que son thème a suscitée et aiguisée, elle a donné lieu à de nouveaux rendez-vous et à des projets inédits : nous envisageons par exemple d'organiser un certain nombre de conférences qui ciblent les étudiants du mastère et les jeunes doctorants intéressés par la brachylogie. Nous négocions aussi la possibilité d'un cursus doctoral autour de ce concept. Par ailleurs, il a été décidé que le Séminaire des Etudes Brachylogiques devienne périodique et se tienne au moins une fois par semestre. A l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (Ibn Charaf), une conférence du Professeur Patrick Voisin est déjà programmée pour le 3 mai prochain ; elle portera sur « Martial (poète latin), champion de la Brachylogie ». Autre bonne nouvelle : les travaux de la journée seront bientôt publiés.» Le Temps : On n'a pas remarqué de participation étrangère à votre séminaire de Moknine. « C'est délibéré de notre part. Nous avons voulu que le séminaire soit interne, je veux dire, qu'il soit consacré exclusivement aux chercheurs tunisiens. Au demeurant, le concept de « brachylogie » nécessitait un effort préalable de vulgarisation du concept, même auprès des collègues. » Le Temps : Les activités de votre association « Brachylogia » ont certainement besoin d'être soutenues médiatiquement. De quel apport vous sont à cet effet la radio, la télévision et les journaux ? « Jawhra F.M. a diffusé en direct un entretien avec moi, le journal électronique Tunivisions a de son côté sorti un article sur le séminaire et promet de publier des comptes rendus des communications. Cependant, force est de reconnaître que le contexte tunisien actuel, notamment sur le plan politique, oriente l'intérêt des médias vers d'autres sujets que culturels ou académiques. Il faudrait mettre en place toute une stratégie de communication pour recentrer cet intérêt sur le savoir et la recherche, deux vecteurs primordiaux de développement plus que jamais menacés ces derniers temps, sous nos cieux » Les à-côtés du séminaire * Le premier Séminaire des Etudes Brachylogiques s'est tenu mercredi 17 avril 2013 à l'Institut Supérieur des Langues Appliquées de Moknine (Université de Monastir). Les travaux furent répartis en deux séances, le matin de 9 heures à 13 heures et l'après-midi de 15 heures à 17 heures. *La journée a donné lieu à dix communications présentées respectivement par le Pr. Mansour M'henni (Université El Manar), le Pr. Mohamed Zinelabidine (Université de Tunis), Mme Zouhour Ben Aziza (Université El Manar), Mme Hayet Khiari (Université de Sousse), le Pr. Samir Marzouki (Université de la Manouba), M. Mustapha Trabelsi (Université de Sfax), M. Maher Guezmil (Université El Manar), Mme Mayça Dhouibi (Université de Kairouan), et Mohamed Saâd Borghel (Université de Monastir) *Le premier Congrès Mondial de Brachylogie se tiendra en octobre 2014 à Tunis.
