Certes, la « sagesse populaire » conseille : « En avril ne te découvre pas d'un fil. En mai, fais ce qu'il te plait » ! Cela ne vous empêchera pas de sortir très souvent en ce moment pour profiter de la « Nature en fête ». Allez fêter le printemps dans le Cap Bon : il n'est pas réservé aux seuls visiteurs étrangers ! CHEMIN FAISANT Pour aller dans la région de Nabeul, on peut choisir différents itinéraires. Le moins intéressant des parcours, mais le plus rapide – aujourd'hui, nous ne sommes pas pressés ! – est celui qui emprunte l'autoroute jusqu'à la sortie « Hammamet » et qui mène par la grande route C.28-27 jusqu'à la sortie de Béni Khiar. Là, on prend une route toute neuve qui remonte vers Béni Khalled et on s'arrête à la borne kilométrique indiquant : « Nabeul 13 km ». On peut choisir de « musarder », faire l'école buissonnière – c'est souhaitable pour aller dans la campagne ! – à partir de Soliman, puis Menzel Bouzelfa, Béni Khalled et Bir Drassen. Attention : évitez de prendre la route vers le bourg de Somaa ! La borne « Nabeul 13 » est le premier objectif à atteindre. Mais personne ne vous empêche, puisque vous faites l'école buissonnière de flâner en chemin, de vous arrêter pour boire un café, n'importe où il vous plaira. Les bourgades de l'intérieur se prêtent bien à une « pause-café ». Le quartier Andalou, au cœur de Soliman, est très agréable. La « grand-place » de Menzel Bouzelfa a été conçue, nous semble-t-il, non pas pour faciliter, « fluidifier » la circulation, mais surtout pour retenir le visiteur de passage. Auparavant, nous ne manquions pas de conduire les gens qui ne la connaissaient pas jusqu'à la grande et belle zaouïa consacrée à Cheikh Mohieddine Abdelkader Jilani qui aurait vécu de 1077 à 1176. Il était, nous a-t-on dit, un savant et jouissait d'une immense réputation. Une grande confrérie musulmane lui est rattachée : la Kadriya qui est apparue en Tunisie au XIIème siècle, « portée » par Abou Médien Chouaïeb, appelé aussi Sidi Médien. En septembre 2012, la zaouïa a été vandalisée. Est-elle destinée à disparaître comme beaucoup de sites historiques voisins ? Près du bourg de Belli, l'agglomération de Jedida recouvre vraisemblablement la ville de Menzel Bachou qui a été la capitale administrative et économique du Cap Bon, vers le XIIème siècle. Entre Bir Bouregba et Hammamet : Thinissut, Siagu et même Pupput agonisent et retournent à la nature. Tout près de Bir Drassen, il est difficile de découvrir les vestiges de la ville antique de Chullu ou Chul. Dommage ! Arrivé à la borne marquée « Nabeul 13 km », nous empruntons la piste forestière qui prend de l'autre côté de la route et nous laissons nos véhicules à proximité de l'entrée du Parc animalier que M. Chapelle : un industriel de Nabeul est en train d'aménager. LES FLEURS DU PRINTEMPS Bien sûr, chemin faisant, vous avez remarqué les énormes boules dorées des mimosas. Tout le long de votre « chemin buissonnier », les talus et les fossés, étaient couverts d'herbe drue, émaillée d'innombrables fleurettes que les pluies récentes ont fait pousser. En ce moment, les « marguerites » dorées ou mauve se mêlent au tapis de « liserons » aux cornets tout roses ou tricolores : bleu, blanc au cœur jaune. En restant dans les fleurs bleue, les « clochettes » des vipérines concurrencent les fleurs, très curieuses avec leur « pointe » noire au cœur, des bourraches qui ont, comme les feuilles, exactement le goût du concombre. Goûtez-les ! On peut encore trouver des mauves sauvages dont les dernières petites feuilles tendres méritent d'être cueillies. Elles permettront de préparer une « khobbiza » délicieuse. Ne comptons pas les superbes orchidées protégées par les buissons épineux des calycotomes soyeux aux fleurs d'or. N'y touchez pas si vous n'avez pas de gants : les orties à pilules sphériques ou à chatons allongés sont superbes. On en fait des « veloutés » délicieux et pleins de vitamines, parait-il, ainsi que des jus d'orties qui sont d'excellents insecticides « bio » de jardin. Les seules « marguerites » que nous reconnaissions à coup sûr sont les camomilles aux fines feuilles découpées et à odeur particulière. Un peu partout, par plaques dans les champs, les coquelicots « éclatent » tandis que discrètement le « chardon marie » dresse ses « houppettes » roses ou mauves le long des routes. Mais, allons marcher dans le bois. D'abord, on profitera de l'ombre et du sol souple, sableux. Puis, on sera sensible à l'odeur balsamique des pins. Ensuite, on percevra les roucoulements éperdus des tourterelles des bois, migratrices. Elles arrivent du sud au début avril et vont en Europe en passant par le Cap Bon qui n'en est qu'à 150 kilomètres. Mais, certaines se dépêchent de nicher et d'élever une couvée en Tunisie. LES IMMIGRES Avec les tourterelles, un monde d'oiseaux se croise au Cap Bon. Sur les pistes, les huppes s'ébrouent dans la poussière ou se gavent de fourmis. A l'orée des champs, les cailles qui viennent d'arriver, s'envolent avec un petit cri argentin. Plus rare, le « roi des cailles » part à vos pieds. C'est un polygame convaincu qui abandonne sa femelle dès qu'elle est fécondée et un migrateur émérite. En bordure de forêt, les passereaux : pinsons, verdiers, serins, fauvettes, linottes vont et viennent, récupèrent des pailles ou des brins d'herbe pour construire leur nid. Tous chantent, sifflent à perdre haleine, chacun essayant d'attirer, de retenir son partenaire et de délimiter son territoire. Les moineaux ne sont pas les derniers à piailler et à se quereller bruyamment. Parfois, une puis deux perdrix – elles sont en couple en ce moment – s'envolent à grand bruit. Les martinets tout noirs avec leurs ailes en forme de faux se livrent à un ballet aérien avec les hirondelles. Il parait qu'ils dorment en vol et ne se posent pas durant leurs premières années de vie ! Les guêpiers au plumage bariolé et les rolliers bleus au dos marron sont de véritables joyaux qui reviennent avec les beaux jours. Si vous avez de la chance, un rossignol vous consacre un récital, tandis qu'une pie grièche expose ses prises piquées sur les épines d'un buisson. Dans le ciel du Cap Bon, région privilégiée : située sur une grande voie de migration des oiseaux, des rapaces planant fréquemment. Le petit faucon crécerelle roux qui fait souvent du « surplace » à petits coups d'ailes rapides, l'épervier et le faucon pèlerin sont capturés par les fauconniers d'El Haouaria et de Kélibia, pour la chasse. Souvent un milan à la queue plus ou moins fourchue ou un busard des roseaux qui va chasser sur les lagunes de Korba ou de l'Oued Lobna rayent l'azur. Parfois, un rapace tout en ailes : queue et têtes dépassant à peine, glisse dans le ciel en « miaulant » : est-ce l'appel printanier de la buse ? Depuis quelques années, le petit élanion blanc, au plumage très clair et aux ailes noires, à peine plus gros qu'un pigeon, nous rend visite au printemps. Il vivait peut-être plus au Sud auparavant. Vous voyez et nous n'avons pas dit un mot de merveilleux papillons, de multiples petites sauterelles qui fusent à nos pieds, des lézards petits et grands qui fuient à toute vitesse. Allons, ne vous enfermez plus : le «renouveau» s'est installé, profitez-en avant que la chaleur n'ait roussi le paysage.