Une « Route de l'Ouest » nous a conduit, lors d'un article précédent jusqu'à une oblique joignant Haïdra / Ammaedara antique à Makthar / Mactaris romaine. Une autre promenade pourrait nous mener à travers une grande région, un peu oubliée hélas, s'étendant de la Dorsale aux rives du Chott. La Tunisie des montagnes : la Tunisie ocre a l'orée de la «Tunisie des montagnes », on ressent un regret : on voudrait s'arrêter là. Mais Makthar et Thala ne sont pas encore équipés d'hôtels-restaurants satisfaisants. Une initiative, une « aide » gouvernementale ou privée pourrait résoudre facilement ce problème. Nous avons laissé les voyageurs dans la région de Makthar avec la possibilité, de rejoindre Sbeïtla ou d'aller vers l'Est : le Jebel Serj et ses grottes magnifiques. On peut aussi choisir de s'éloigner de Makthar par une route magnifique qui se faufile entre les monts, vers l'Ouest, vers le camp militaire de Souk El Jemâa, vers Hammam Zouakra / Thigibba dont la nécropole mégalithique est l'une des plus importantes de Tunisie, puis vers Henchir Mided / Mididi dont certains tombeaux mégalithiques, dotés de dalles coulissantes, ont été conçus pour être réutilisés et enfin vers Rouhia. Quelques kilomètres plus loin, la ville de Sbiba, l'antique Sufes offre le spectacle de son développement agricole impressionnant. A proximité des ruines d'une forteresse byzantine, une ancienne basilique chrétienne pratiquement ruinée constitue aussi les vestiges d'une mosquée : Jemaâ Sidi Okba qui daterait de la conquête musulmane. Les Jebels Tiouicha, à l'Ouest et l'énorme massif du M'ghila, à l'Est, attirent irrésistiblement les marcheurs et les chasseurs. Quelques tours de roues permettent d'arriver à Sbeïtla. La mise en valeur du site de l'antique Sufetula est remarquable. Nous avons beaucoup apprécié les petits murs, de quelques décimètres de haut, qui délimitent les bâtiments antiques : ils « donnent à voir ». Ils permettent aux « non-spécialistes » de pouvoir « voir » des maisons, des temples, une huilerie, des églises qui, autrefois, n'étaient que des alignements de petits tas de pierres. Le forum, sa grande porte monumentale et ses trois temples, parfois illuminés de nuit, forment un ensemble grandiose. Le festival de Sbeïtla, connaît un succès grandissant. Un séminaire universitaire s'y déroule régulièrement. Ses travaux présentent un intérêt certain. D'autres voyageurs se dirigent vers Thala. Ce bourg, très dynamique, a-t-il été la grande ville dans laquelle Jugurtha avait fait construire un palais qui abritait ses enfants ? Si les vestiges de l'époque romaine à la sortie de la ville sont peu étendus, toute la région est parsemée de monuments mégalithiques dont un superbe alignement de pierres dressées, le long de la route qui mène à Kasserine. Des routes sillonnent actuellement toute la région. Elles conduisent les chasseurs vers Remada / El Ayoun, le pays des Fersex / Frechich, excellents combattants mais souvent rebelles, connus depuis l'époque romaine. De là, on peut rejoindre Sbeïtla, en se faufilant entre les Jebels Douleb et Tiouicha. A la sortie de Thala on peut aussi choisir de s'enfoncer dans les forêts de pins du Jebel Bireno puis rejoindre Foussana et Kasserine ou décider d'emprunter la grande route qui mène directement à Kasserine. Kasserine, l'antique Cillium, le Jebel Chambi, le point culminant de la Tunisie … Toute cette région mérite une présentation particulière. On peut regretter que le succès de Sbeïtla, toute proche, ait fait, un peu, oublier l'intérêt que présente Kasserine qui devrait être, elle aussi, une ville-étape sur « La Route de l'Ouest » qui continue normalement vers la Tunisie des steppes, passe par Gafsa – dont nous parlerons bientôt – serpente éventuellement dans les oasis de montagne et débouche dans le Jérid : La Tunisie des oasis. La Tunisie des steppes : la Tunisie des origines très brièvement, avant de quitter Kasserine, avec regret, évoquons d'abord le poème de cent dix vers gravés sur la façade du « mausolée des Flavii » dédié à Flavius Secondus. Une autre inscription indique que le mausolée abritait les restes de ce personnage et plusieurs membres de sa famille. C'est, sans doute, ce mausolée et un autre, en partie détruit, situé sur la rive de l'oued Derb, qui a permis de nommer Kasserine : « Les deux ksars ». Les amateurs de records monteront évidemment vers le sommet du Jebel Chambi – le « toit de la Tunisie » : 1544 mètres d'altitude – et le Parc National qui y a été aménagé en 1980. Plus de 6000 hectares sont entourés par 60 kilomètres de clôture. La flore abondante et variée – pins d'Alep, genévriers de Phénicie, chênes verts, buissons de cistes, d'alfa, de diss et de romarin – varie avec l'altitude et abrite une faune curieuse : hyène rayée, gazelle de montagne, mouflon à manchettes, aigle de Bonelli, aigle royal et même, parfois, le grand vautour fauve. Les randonneurs peuvent se laisser tenter par de très belles promenades dans tous les massifs boisés voisins. Les amateurs d'histoire s'arrêteront à Thélepte et regretteront que le site soit pratiquement abandonné et … continuellement pillé ! Puis, en remontant vers le Nord-Ouest ils passeront par Oglet Bou Haya et par Bir Bou Haya, ensuite par le site magnifique de « Henchir El Goussa » dont on ne connaît pas le nom exact, avant d'arriver à Aïn Bou Dries. Les berges d'un petit oued tout proche abrite Aïn Meterchem, un des plus importants sites préhistoriques, paléolithiques, de Tunisie : « La Tunisie des origines » ! De Thelepte / Feriana à Gafsa, on pourra aller voir le site préhistorique d'El Mekta, caractéristique de la civilisation « Capsienne ». Capsa : Gafsa à l'époque romaine ! Ce gisement a livré les premières « sculptures » de formes humaines connues en Tunisie. Une source d'El Guettar abritait le plus ancien « monument cultuel » du monde ! Sur le site même de la ville de Gafsa, des bifaces paléolithiques ont été trouvés. Les alentours sont parsemés d'une vingtaine de sites préhistoriques situés autour de Redeyef, Metlaoui, Moularès : « la Tunisie des origines » ! Gafsa est une des plus anciennes villes de Tunisie. C'était déjà une ville fortifiée du royaume de Jugurtha en 107 av. J.C. Elle aurait été fondée, dit la légende, par un dieu : « Hercule libyen ». Sa position stratégique au carrefour des grandes voies commerciales joignant le « Nord » au « Sud » du Sahara et l'Algérie à la Libye, lui a valu, alternativement, d'être une grande cité prospère, « la cité aux cents portes » et un bourg ruiné, toujours reconstruit. Si les remparts byzantins ont tenu en respects les tribus berbères et les premières incursions arabes, la ville a capitulé en 669 face aux armées d'Okba Ibn Nafaa. Elle a conservé durant tout le Moyen-Âge une population abondamment latinisée et christianisée. Comme les habitants du Jérid voisin, les Gafsiens se sont rebellés à plusieurs reprises contre le pouvoir central. Ses remparts et sa Kasbah ont été démantelés et reconstruits plusieurs fois. Sa kasbah occupe sans doute le site de la forteresse byzantine. Allez, nous pourrions choisir de quitter la région de Gafsa soit par la route « directe » qui mène à Tozeur, Nafta : « La Tunisie des oasis », qui est, elle aussi, le fruit du miracle de l'eau dans le désert, soit par la route des oasis de montagne : Tameghza, Chebika. On peut emprunter aussi une voie plus « aventureuse », mais parfaitement carrossable, qui passe par El Guettar, Bir Oum Ali et la traversée du Chott. Mais là, si on arrive dans la Tunisie des oasis, on atteint celles de Kébili, de Douz et de Régim Maâtoug qui ne ressemblent pas à celles de Tozeur et de Nafta. Dans notre article précédent, nous parlions de régions « authentiques », pittoresques et de sites intéressants et variés, le long de la « Route de l'Ouest ». Aux côtés de la Tunisie des oasis, nous pensons que les montagnes et les steppes sont, au moins, aussi intéressantes que les autres régions de la Tunisie.