Ils avaient tout, pour ne pas se rencontrer. L'un est natif de Tunisie, l'autre vient du Japon. Deux cultures, deux mondes aux antipodes. Mais, en matière de dialogue, par le biais de l'Art, nos deux artistes en connaissent un rayon. Et croient viscéralement, fondamentalement, en son universalité. De quoi abolir toutes les frontières. Walid Gharbi est violoniste, et il joue également du « rabeb ». Créatif, et ouvert à toutes les influences musicales, toutes latitudes confondues, il n'a eu de cesse d'expérimenter tous les genres à la recherche de cette harmonieuse musicale qui ne recule en rien devant la différence des modes, mais tend à les apprivoiser pour enrichir un répertoire, autant imprégné d'authenticité qu'enclin à l'encontre d'une modernité qui viendrait, non pas en trafiquer le sens, mais,lui donner un supplément d'âme. Yosuke Yamashita, pianiste de jazz de renommée internationale, qui possède, outre un esprit, autrement inventif, et audacieux, un talent rare : celui de jouer du piano, non pas seulement avec ses doigts, mais aussi avec ses coudes, n'a apparemment par la phobie des mélanges, à l'échelle musicale cela s'entend, puisqu'il était déjà parmi nous en septembre 2010 pour se produire au Festival de la Médina, en compagnie de Walid Gharbi, mais également Hatem Ammous (percussionniste). Ce fut, déjà un mariage heureux, entre free-jazz japonais et musique traditionnelle tunisienne. Le pianiste japonais avait interprété : « Tarnima » et « Bab El Médina » de Walid Gharbi, quand ce dernier interpréta une composition du jazzman japonais. Il faut rappeler que Yosuke Yamashita n'avait jamais, jusqu'alors, collaboré avec un musicien arabe, comme il ne s'était jamais produit dans un pays arabe ou africain. Gageons qu'il n'a pas eu à le regretter puisqu'il était parmi nous, il y a quelques jours à Tunis pour le tournage d'un documentaire qui lui est consacré avec en palimpseste, la Tunisie, mais à travers sa rencontre avec le musicien Walid Gharbi, comme une sorte de prisme, qui renvoie à son propre regard, sa vision en tant que pianiste de jazz chevronné de cette Tunisie, post-révolution, notamment, qui devra compter avec ses artistes, lesquels ne ferment pas portes et fenêtres, mais s'ils ont les pieds bien fixés dans leur terreau, ne craignent pas de rencontrer le vaste monde. Cela donne de surprenants métissages musicaux, et des mariages heureux qui abolissent toutes les distances. Ce documentaire qui sera montré par la suite, à la télévision japonaise, sera l'occasion de montrer à travers une sorte de portraits, croisés de deux artistes : l'un japonais et l'autre tunisien, un autre visage de la Tunisie, que celui tristement relayé par à-coups, de chaînes en chaînes, comme celui d'un pays qui irait à sa perte, mais plutôt un pays qui produit des artistes qui valent le détour du regard. Cela étant, Walid Gharbi, qui s'était réfugié au Canada, au lendemain de la révolution tunisienne, a d'autres projets dans son sac. Mais aussi d'autres rendez-vous avec la musique, puisqu'il sera à Ottawa au mois de juillet, pour présenter son « Neige et Sable » de plus belle facture. Avec la chanteuse et rapiste canadienne Christie Audrey, muni de son violon, et de son « rabab » celui qui affectionne les dialogues en musique, montrera comment le Nord peut rencontrer son Sud. La neige et le sable brûlant du Sahara, pour une fusion dont on attend le meilleur. Donné à voir, et à entendre surtout, en 2012, « Neige et Sable », tout comme « Jasmin rouge », son autre spectacle qu'il a voulu, comme manière d'hommage à la révolution tunisienne, en rappelant que le jasmin ne fut pas blanc, mais rouge du sang des martyrs, et présenté également en 2012 au Canada, comptent parmi les créations les plus abouties de l'artiste. Lequel n'a certainement pas dit son dernier mot puisqu'il continue ses balades en musique, ici, et ailleurs, à la rencontre des bruissements du monde.