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Les desseins obscurs d'une exclusion «démocratique»
Loi sur l'Immunisation de la Révolution
Publié dans Le Temps le 18 - 06 - 2013

Les élus de l'assemblée nationale constituante se pencheront très prochainement sur l'étude et le vote d'un projet de loi organique relatif à l'immunisation de la révolution.
Quoi de plus normal que l'adoption d'un projet pareil au lendemain d'un soulèvement populaire qui a chassé du pouvoir un dictateur. Il s'agit même de concrétiser un objectif de la révolution.
Il est vrai que l'Establishment du temps de Ben Ali était tristement célèbre pour son opportunisme, son népotisme et son clientélisme, faisant fi de toutes les législations et réglementation en vigueur pour mettre en exécution le vil dessein d'une dictature qui a su maintenir le peuple tunisien en otage durant deux décennies au moins.
L'oligarchie au pouvoir se faisait aider par des vassaux et autres barbouzes afin de spolier le propriétaire d'un bien ayant pignon sur rue, l'actionnaire majoritaire d'une entreprise prospère ou simplement un citoyen nanti. Les plus récalcitrants subissaient les affres d'une machine redoutable, l'Administration publiques, dont certains de ses fonctionnaires étaient les sbires de la persécution administrative. Une persécution dont la sévérité était telle qu'il lui suffisait de miroiter la menace pour que la victime cède sans ménagement.
Qu'elle soit centralisée, déconcentrée ou décentralisée, cette administration était le bras séculier de la convoitise gargantuesque de la Nomenklatura au pouvoir.
Le RCD dissous était plus proche du lobbysme que du partisan, ses ramifications tentaculaires servaient à étreindre jusqu'à l'étouffement tout ce qui pouvait se dresser contre le pouvoir en place.
Ses disciples étaient plus des courtisans que de militants. Accéder à l'antre de la machine et gravir rapidement ses échelons se faisaient plus sur la base de l'allégeance cupide que sur celui du militantisme partisan.
Le soulèvement populaire du 14 janvier 2011, a balayé d'un trait cette situation et il était normal que les protagonistes et autres pantins d'une dictature étêtée répondent de leurs actes devant leur responsabilité légale et surtout politique, puisque cette dernière est souvent exclue du champ de compétence du code pénal, bien qu'elle soit dans certains cas aussi nocive si ce n'est plus virulente que la responsabilité légale.
L'abrutissement d'une population à travers un choix médiocre de politique d'éducation nationale mis en œuvre par un ministre est à mon sens plus dangereux que le détournement des deniers publics par ce dernier. Sa responsabilité politique est avérée, pas sûre que celle pénale le sera malgré les conséquences fâcheuses et l'impact négatif de ses choix sur des générations entières d'élèves et d'étudiants. Le cas tunisien regorge, hélas, d'exemples aussi navrants les uns que les autres. Le dernier en date en est le système LMD dont le parrain est un ministre de Ben Ali qui n'a jamais été inquiété pénalement pour sa responsabilité à mettre en œuvre un système, qui de l'avis de tous les intervenants, fut et continue à être un désastre.
Il était alors important que l'itinéraire de la transition démocratique tunisienne soit jalonné par un texte permettant d'immuniser cette révolution, pour que ceux de l'ancien régime mis à l'écart ne renaîtront pas de leurs cendres et ne recouvrent pas leurs privilèges d'antan, avortant ainsi cet élan merveilleux que nous avons vécu le 14 janvier, et qui a affranchi les Tunisiens d'une inféodalité honteuse.
En la matière, la Tunisie a rejoint le concert des nations qui ont vu des révolutions éclatées sur leurs sols. Ces pays se sont faits aider par « Commission de Venise », instance reconnue à travers le Monde pour son expertise et son expérience en matière de processus démocratiques.
Les pays, qui ont commis la faute de ne pas élaborer un texte immunisant la révolution comme la Roumanie post Ceausescu, ont vite déchanté devant le retour en grâce des forces contre révolutionnaires communistes sonnant le glas à l'euphorie de tout un peuple.
Protéger la révolution tunisienne à travers un mécanisme juridique devient dés lors une nécessité et une revendication absolues devant impliquer tous ceux qui rêvent d'un lendemain radieux.
La décision prise à la quasi majorité des intervenants dans la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique qui a débouché sur l'adoption d'un décret- loi , dont l'article 15 a exclu certaines personnes, connues pour leur allégeance à l'ancien régime, de se présenter aux élections du 23 octobre. Cette interdiction valait pour une année et le but recherché, par ailleurs légitime, consistait à ne pas parasiter cette joute électorale.
Le travail devait se poursuivre avec la mise en place d'une assemblée nationale constituante dont la légitimité allait envelopper cette révolution d'un film protecteur en mettant en œuvre une loi sur la justice transitionnelle ayant pour but de solder les comptes des années de tyrannie et d'aboutir à une réconciliation nationale qui aiderait la Tunisie à mener à bien le chantier de sa deuxième république. Un ministère a même été créé dans ce sens et un éminent juriste y a pris ses quartiers.
Hélas, ce processus allait être altéré par des petits calculs de politique politicienne depuis que la Troïka au pouvoir a senti le danger venir et la concurrence exacerbée de la part d'un parti soupçonné d'être le dernier refuge des transfuges du RCD dissous :Nida Tounes.
Des soupçons qui pèsent aussi sur le camp adverse à ce dernier parti, coupable d'après certains de pratiquer la même politique du RCD dissous et de donner l'asile à ceux qui le rejoignent pour étoffer ses rangs, fussent- ils, les morbides architectes de la décadence de la Tunisie pré révolutionnaire.
Ceux là, constituent une manne électorale d'une grande importance capable de faire pencher la balance en faveur de celui qui les accapare. L'argument de l'immunisation de la révolution devient un simple prétexte de concurrence politique déloyale aux mains d'une troïka majoritaire à l'ANC.
Le timing, les mécanismes ainsi que l'absence de recours juridictionnels constatés dans le projet de loi sur l'immunisation de la révolution ne laissent plus l'ombre d'un doute sur les vrais objectifs de l'adoption d'une telle loi.
S'agissant du Timing, il convient de souligner que ce projet de loi a été présenté par un certain nombre de députés appartenant à 5 groupes parlementaires au début du printemps 2012. Des groupes parlementaires et des partis qui rodent dans le giron du parti Ennahdha ,qui les maintient en survie en les intubant politiquement en contre partie de l'exécution des basses besognes en sous traitance . Leur dévouement n'a d'égal que leur appréhension de plonger dans les dédales de l'oubli et du dépotoir de l'Histoire, une fois la transition démocratique achevée.
La déclaration fracassante de BCE en janvier 2012, sorti de son silence pour fustiger une prestation gouvernementale qu'il a considérée chaotique, laissant entrevoir des velléités de retour sur la scène politique, a fini par empresser certains à déposer ce projet de loi. Une déclaration qui lui a attiré les courroux de ceux qui avaient salué sa prestation quelques mois auparavant pour avoir mené le pays vers des élections démocratiques et transparentes. La prétendue “sénilité” de BCE est entrain de défier les plus émérites des gériatres. Elle apparait et disparait chez ses adversaires au gré des vicissitudes politiques de l'octogénaire !
Depuis, le projet de loi a été enterré dans le bureau de la présidence de l'ANC, sans que sa menace ne disparaisse, telle une épée de Damoclès sur la tète de ceux visés par la dite loi. Les derniers sondages donnent BCE et son parti en tête de liste, le front destourien des anciens caciques se met aussi en place. Il était temps de dépoussiérer le projet et de le remettre sur la table.
En ce qui concerne les mécanismes d'exclusion prévus par ce projet, il convient de souligner qu'ils sont de nature à confirmer nos appréhensions d' utiliser cette loi comme un collimateur dans lequel les concurrents politiques indélicats et récalcitrants à faire obédience sont les plus visés. La noblesse d'une telle loi protégeant la révolution vient définitivement d'être ensevelie.
Outre la période d'exclusion de 7 ans (5 ans et 10 ans seront proposés comme des éventuelles amendements lors des plénières) retenue par la commission de la législation générale à l'ANC, les articles deux et trois de ce projet inquiètent par leurs contradictions flagrantes.
En effet, l'article 2 énumère les qualités des personnes visées par l'exclusion. Il s'agit de tous ceux ayant occupé une responsabilité dans les rouages de l'Etat tunisien durant la période allant du 7 novembre 1987 jusqu'au 14 janvier 2011. Cependant, des pans entiers des responsables sont exonérés en leurs qualités de gouverneurs, de délégués, de omdas, d'ambassadeurs, de consuls, de gouverneurs de la banque centrale, des élus à la chambre des conseillers, des présidents de communes..
Si l'argument avancé pour justifier de telles dérogations trouve un point d'ancrage dans un souci d'équité, dans la mesure où ce projet de loi ne doit pas se transformer en une chasse aux sorcières. Force est de constater, que la vérité est ailleurs. Il s'agit tout simplement de ne pas tomber dans la contradiction entre les dispositions de cette loi et les décisions passées antérieurement à elle par le gouvernement dirigé par la Troïka.
Sinon comment justifier, à titre d'exemple, la présence de Chedly Ayari à la tête de la banque centrale de Tunisie, alors qu'il fut nommé par Ben Ali à la chambre des conseillers. Cette sélectivité permet de faire le tri entre les individus en fonction des intérêts partisans ou de gestion courante de l'Etat. Qui a parlé de double discours ?!!!!!
De plus, Qui était le plus virulent en matière de dépassement, un délégué, un omda ou un gouverneur corrompus avec les pleins pouvoirs dans son périmètre géographique, ou un ministre, souvent un technocrate, appelé à la rescousse, dont la tâche se résume à se charger de questions purement techniques de son département, et incapable de rendre le tablier sans tomber en disgrâce?
L'article 3 quant à lui, interdit à ceux exclus dans l'article deux de se présenter à toutes les fonctions futures au sein de l'Etat tunisien. L'interdiction cette fois ci touche les emplois et les qualités qui n'ont pas été visées dans l'article deux, agrandissant le champ d'exclusion. L'objectif est d'une évidence certaine. Travailler avec ceux de l'ancien régime pour les joutes électorales prochaines en garantissant leur obédience et surtout leur reconnaissance à travers la dérogation de l'article 2 pour les jeter après, une fois le travail effectué et la machine électorale acquise. Plus machiavélique, tu meurs !
Pour ce qui est des moyens de recours, on estime que cette loi ne garantit pas le seuil minima du procès équitable tels qu'il a été préconisé par la « commission de Venise », et faisant fi de toutes les conventions internationales garantissant le droit de défenses à tous ceux qui tomberont sous la coupe de cette loi. En effet, elle serait en contravention du Pacte des Droits Civils et Politiques de 1966 que la Tunisie a ratifié et en particulier ses articles 14 (présomption d'innocence) et 15 (individualité des peines).
Le projet de la constitution dans son article 146 inséré dans le très controversé chapitre des dispositions transitoires apporte sa hideuse contribution quant à cet acharnement légal, en prohibant aux tribunaux de l'ordre judicaire ainsi qu'au tribunal administratif de connaitre du litige relatif à la constitutionnalité des lois pendant une période de trois ans qui suit la mise en place de la cour constitutionnelle.
En clair, il s'agit d'obstruer la dernière voie de recours juridictionnel possible pour ester en justice contre cette loi dans la mesure où le plaignant ne peut demander aux tribunaux d'annuler l'exclusion. Le seul recours demeure formel. Il s'agit d'ester devant le tribunal administratif pour l'indexation ou le retrait d'un nom en cas d'erreur sur la personne. Ce dernier recours formel pèche par une autre bizarrerie juridique : Le caractère déraisonnable des délais (1 mois pour demander l'indexation d'un nom et seulement 1 semaine pour présenter un recours contre).
Le projet loi sur l'immunisation de la révolution dans son acception actuelle est de nature à nourrir des polémiques dont on se serait bien passées dans le contexte difficile de la transition démocratique, et ce ne sont pas les propos de Rached Ghanouchi en faveur de la limitation du nombre de responsables impliqués qui calmera les tensions. Un tel projet a déjà vidé la justice transitionnelle de tout son contenu ce qui n'augure de rien de bon pour la suite de la saga de la transition démocratique tunisienne.
* Juriste, Enseignant chercheur à l'université tunisienne et homme de media


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