Nous l'avons, une fois appelée « la mal-aimée » mais le fait d'être laissée en dehors des « grands » circuits touristiques, la protège des foules bruyantes de touristes pressés et rend sa visite agréable. La cité, orgueilleuse d'être antérieure à Carthage, grand port et place commerciale très importante dans l'Antiquité est proclamée ville libre en 144 avant J.C. lors de la destruction de Carthage punique. Puis elle est promue au rang de capitale de l'Afrique romaine. Les consuls Metellus et Marius y débarquent pour combattre Jugurtha en 106 et 107 avant J.C. Elle est le théâtre d'importants évènements de la lutte entre partisans de César et de Pompée. Caton le jeune – dit Caton d'Utique – le petit fils de celui qui prônait la destruction de Carthage, s'y suicide en 46 avant J.C. parce que César est vainqueur à Thapsus. Et puis, avec la renaissance de Carthage, l'invasion vandale, l'assèchement de son port et surtout l'arrivée des troupes arabes, Utique disparaît et sert essentiellement de carrière durant des siècles. Pourtant, mieux mis en valeur, son site, son petit musée et son aire de repos pourraient en faire une halte instructive et agréable sur les chemins de Bizerte et de Ghar el Melh. Elle pourrait être, avec Oudhna / Uthina, un site à présenter aux visiteurs pressés ou très occupés venant à Tunis. Ghar El Melh Les alentours de ce bourg, ex- Porto Farina, présentent bien des attraits. Les villages fondés par les andalous chassés d'Espagne par la reconquête chrétienne au XVIIème siècle sont curieux. Kalaat El Andalous et son magnifique pont de pierre, El Alia et ses chardons à carder, Metline perchée, à cheval sur son ravin, El Azib sur le Cap, Raf-Raf, ses raisins et ses broderies, Sounine et sa plage superbe, Ras Jebel et son marché aux fruits et aux légumes, la forêt du Rimel et bien d'autres sites encore sont à découvrir. Quel est le nom de la ville punico-romaine que l'avancée de la mer dévore inexorablement, à moins d'un kilomètre au Sud de Cap Zebib, dans l'indifférence coupable des Autorités du Patrimoine ? Sa citadelle résiste héroïquement ! Mais pour aujourd'hui, contentons-nous, au sens propre, de Ghar El Melh. La cité fut probablement la Rusucmona punique. Elle se développa certainement à l'époque romaine parce que la Medjerda rejetait ses alluvions, qui combleront le port d'Utique et le golfe antique de Tunis, bien plus au sud, vers Sidi Thabet et le Jebel Nahli. Au XVIème siècle, Charles Quint, qui veut attaquer Tunis, y fait escale. Aux XVIIIème et XIXème siècles, les beys en font une place forte maritime dotée de forts, d'un grand port et d'un arsenal. La Goulette le supplante parce que les sables de la Medjerda l'étouffent. Mais, le bourg reste un port actif d'exportation des blés tunisiens. Les autorités du protectorat français transforment les forts ottomans en bagnes. Après un « moment d'hésitation », après l'Indépendance, Ghar El Melh, prenant conscience de ses atouts, se débarrasse de ses bagnards, se dote d'un beau port de pêche, restaure ses forts et son port antique, assure la promotion de sa plage et devient une cité attachante. On peut y acheter presque toujours de beaux poissons frais et, le long des routes, des légumes ainsi que des fruits délicieux. Un important festival international de la photo s'y installe. De grands projets de mise en valeur s'y font jour. Le bourg redevient la « racine » du « Beau Promontoire », le promontoire d'Apollon : le Cap Sidi Ali El Mekki. Après la visite de la ville et une longue baignade dur l'immense plage, un pique-nique ou un déjeuner dans une des guinguettes s'impose. La promenade sur le Cap, à elle seule, vaut le déplacement. Les petites criques au pied de la dune boisée, le sanctuaire, à demi souterrain, consacré à Sidi Ali El Mekki, le petit marabout plus traditionnel dédié à Sidi Hadj M'barek au bout du promontoire, les derniers vestiges punico-romains à demi ensablés à l'extrémité du Cap, au ras de l'eau, les grandes carrières d'origine antique et sans doute recreusées au moment de la construction des fortifications de la ville justifient une promenade facile d'une heure, le long d'une mer de turquoise. Il faut prendre le temps de s'arrêter un moment à l'ombre d'oliviers vraiment millénaires qui ceignent, comme un collier, un petit puits surmonté d'une margelle en ogive, au pied du marabout de Sidi Hadj M'barek. Allez-y et vous sentirez remonter les souvenirs des versions latines de Virgile faites durant l'année de Terminale. La corde et le seau invite à se désaltérer. N'ayez aucune crainte : les pèlerins boivent cette eau fraîche tous les jours. Le site « Ramsar » La Tunisie, dans le cadre de la Convention de Ramsar sur les zones humides d'importance internationale, signée en 1971, a privilégié, pour les protéger, une vingtaine de zones humides, en particulier la lagune de Ghar El Melh et le delta actuel de la Medjerda, plus de 10.000 hectares en tout. Cette zone, très importante, comprend trois types de biotopes : des rivages marins rocheux, des plages de sable et de galets ainsi que des eaux d'estuaire. La lagune de Ghar El Melh couvre plus de 3.500 hectares. Sa profondeur, comprise entre 9 et 15 mètres au XVIIème siècle, n'est plus que de 1,5 mètre actuellement. Elle héberge une riche faune benthique et halieutique qui contribue au maintien de la biodiversité régionale. Et surtout, pour les promeneurs et les curieux, elle sert d'abri à de très nombreux oiseaux d'eau à qui elle fournit, en ce moment, un lieu de repos particulièrement favorable. Il est difficile d'observer, excepté en été, avec un « masque » et un « tuba », les 45 espèces de poissons, tels que l'anguille, la sole, la daurade et les mulets, les algues et les coquillages que l'eau dissimule. En barque lentement ou à pied silencieusement, équipé d'une bonne paire de jumelles et chaussé de bottes courtes, en longeant calmement les joncs et les salicornes ou les roseaux, on peut observer énormément d'oiseaux dont certains très rares tels que les glaréoles à collier. La lagune qui communique avec la mer par trois « graus », est alimentée, de façon irrégulière et intermittente par de petits oueds côtiers. Elle est remplie d'une eau saumâtre semblant convenir à des canards sauvages qui se sédentarisent, des bécasseaux, des aigrettes blanches, grandes et petites, de petites échasses aux longues pattes grêles et roses, des spatules, des marouettes, des râles d'eau et de multiples passereaux qui nichent et se nourrissent entre les buissons bas. Et quand on est fatigués, ivres de grand air et de soleil, on peut choisir entre un pique-nique sous les pins ou à l'ombre d'oliviers millénaires, une grillade dans une des rôtisseries de la ville ou un succulent poisson grillé, entre autres mets délicieux chez … – allons, il mérite bien une ligne de publicité ! – « Ahmed » au bord de la plage. En cette saison, il vaut mieux lui téléphoner d'abord : il est très souvent « complet » plusieurs heures mais tout le reste : nature, promenade, vestiges historiques et petits repas sont disponibles toute l'année.