Peut-il exister une plage où l'on peut satisfaire un maximum de « caprices » ? Certes, Bir Jeddi, sur la Côte Nord du Cap Bon. Sa piste d'accès, sablonneuse, à certains endroits rebute la foule des estivants. Comme il n'y a pas de gros bourgs aux alentours, les baigneurs locaux, surtout en fin d'été, sont assez rares. De toute façon elle est assez grande pour que les groupes d'estivants soient à près de cent mètres les uns des autres. L'approche La route nationale n° 26, joignant Soliman à El Haouaria, longe la Côte Nord du Cap Bon. Nous ne nous lassons pas de la fréquenter. Passé le carrefour avec la petite route menant à Menzel Témime, avant d'arriver au bourg de Zaouïet El Megaïez, à une trentaine de kilomètres avant El Haouaria, il faut ralentir pour ne pas risquer de ne pas voir la pancarte, « intermittente », indiquant Bir Jeddi et la petite route menant à ce village. Elles sont, souvent masquées par la végétation, sur le côté gauche de la nationale. Dans le hameau de Bir Jeddi, la route goudronnée devient une piste carrossable puis se divise en deux. Il faut prendre celle de gauche : elle est beaucoup plus large et en bon état, malgré certains passages de sable. Moins d'un kilomètre plus loin, elle entre dans une forêt récente plantée essentiellement d'acacias et d'eucalyptus qui embaument l'été. Mais le sol, couvert de feuilles sèches, « craint » énormément les « mégots » jetés imprudemment par les fenêtres des autos : gare aux incendies ! Puis, la piste devient rectiligne et file droit vers la plage. Chemin faisant, des voies forestières s'ouvrent à droite et à gauche. Elles invitent à la promenade sans risque de se perdre. On est dans un reboisement artificiel destiné à fixer des dunes de sable éolien qui avançaient vers l'intérieur du Cap Bon depuis « Port Prince » jusqu'à El Haouaria. Cette belle forêt littorale, longue d'une vingtaine de kilomètres, presque sans interruption, est quadrillée par des pistes parallèles à la mer, recoupées régulièrement par des voies perpendiculaires. Les rectangles font moins d'un kilomètre de long face à la mer. En tournant donc toujours dans la même direction : à droite ou à gauche, on se retrouve à son point de départ après avoir parcouru près de 3 kilomètres, soit une heure de marche facile en forêt sur un sol souple : du sable tapissé de feuilles sèches où les dénivelés dépassent rarement trois mètres ! Au printemps, de superbes orchidées telles la grande Barlia robertiana ou l'Orchis longicornu et la Genaria bifolia, toutes deux rarissimes, se cachent au pied des buissons de lentisque. A cette saison, un peuple d'oiseaux migrateurs hante les frondaisons à la recherche d'un biotope convenable : de nombreux rapaces tels que l'élanion blanc, bientôt nicheur local et les tourterelles des bois qui viennent du Sud. Elles roucoulent encore en fin d'été. Sont-elles alors des précoces qui reviennent déjà d'Europe ou des « fainéantes » qui ont fait leur couvée dans ces bois ? A la limite des champs cultivés, plantés de tomates ou de piments, on voit courir des cailles comme des rats. Dans les bois, nos passereaux endémiques : pinsons, serins, verdiers volètent. Beaucoup de gens soient surpris par le silence qui règne dans la forêt. En été et surtout en fin d'été, les oiseaux finissent d'élever leur deuxième couvée. Leur occupation presque exclusive est le nourrissage des oisillons. Ils ne perdent pas leur temps à chanter, inactifs sur une branche. La plage Un peu avant d'y arriver, une grande piste prend à gauche, en oblique, par rapport à la voie principale qui mène directement à une immense plage de sable. Nous préférons prendre la grande piste de gauche. Elle nous conduit, au sortir de la forêt, sur un petit cap formé essentiellement par les vestiges d'un bourg antique appelé M'raïssa actuellement ou Siminina dans l'Antiquité. Dépêchez-vous d'aller la voir : la mer la ronge inexorablement. Un pêcheur local s'est aménagé un abri dans une citerne éventrée dont la voûte est percée du trou de la margelle. Choisissez : vers le Nord-Est, vers El Haouaria, s'étend une longue plage de sable, avons-nous écrit. Trois kilomètres plus loin, environ, les marcheurs amateurs d'histoire découvriront les vestiges d'un et même de deux bourgs antiques au lieu dit Dagla. Ils sont légèrement en retrait d'un cap qui porte les ruines d'un « corps de garde ». Il en existe un autre, de l'autre côté, à moins d'un kilomètre au Sud-Ouest du Cap de M'raïssa. C'étaient, nous a-t-on dit, des postes de douane et de surveillance des côtes, peut-être à l'époque husseinite. A l'Ouest du Cap de M'raïssa, des vestiges de carrières antiques échancrent les avancées rocheuses de la côte. Certaines semblent avoir été abandonnées en pleine exploitation : les « saignées » séparant les blocs à extraire de la roche-mère sont encore visibles. Sont-ils les derniers souvenirs d'une occupation de l'époque byzantine ? Voilà de quoi satisfaire les randonneurs et les amateurs de « vieux cailloux ». Les baigneurs n'ont qu'à se jeter à l'eau d'abord peu profonde. Les plages conviennent parfaitement aux familles ayant de jeunes enfants. Equipés d'un masque, d'un tuba et de palmes, les amateurs d'oursins se régaleront. Il y en a vraiment beaucoup, même en fin d'été. En semaine, de nombreux petits poulpes viennent s'installer dans les anfractuosités des rochers, tout près du bord. La fourchette solide servant à extraire les oursins de leur cavité, permet de déloger les poulpes de leur trou. Très souvent, on les repère au tas de petits cailloux tout propres qu'ils ont rassemblés pour obstruer l'entrée de leur repaire en essayant de se dissimuler. Pratiquement, on ne voit qu'un œil ou un morceau de tentacule ! Certes, il faut aller assez loin vers le large pour espérer tirer au harpon de belles pièces. Mais la promenade est d'autant plus intéressante qu'elle est agrémentée par la découverte de débris d'épaves antiques : un col d'amphore, fréquemment ou les deux parties d'une meule en pierre qu'on utilisait naguère encore en Tunisie. Il devrait y avoir sur des fonds de 8 à 10 mètres, des jas d'ancres, mouillées en désespoir, pour essayer d'empêcher le bateau, poussé par le vent du Nord, violent, d'aller se fracasser sur les rochers de la grève. Certainement, les blocs des carrières étaient évacués par la mer plutôt que sur des chariots cheminant sur des pistes – mal – pavées. Voilà pour les baigneurs. Puisque nous parlions des vents, les amateurs de planches à voile seront contents d'apprendre que les voitures arrivent sur le sol dur du cap de M'raïssa à une quinzaine, mettons une vingtaine, de mètres de la mer. Le transport des planches et de leur voile n'en est que plus court. Quand aux amateurs de pêche, ils préfèreront venir en semaine quand il y a très peu de monde sur la plage. Certains « spécialistes » du « surf-casting » équipés de grandes cannes qu'ils placent sur des supports plantés dans le sable, attendent pendant des heures que le « mécanisme » ultrasensible, installé au bout de leur canne, indique qu'un poisson mord à l'hameçon. Ils ont le choix entre les fonds caillouteux au Sud-Ouest du cap et ceux de la grande plage située au Nord-Est. Nous avons vu de belles pêches aussi bien de grosses daurades que de magnifiques mulets : les grosses femelles de « Kerchou », au ventre gonflé d'œufs, qui approchent des plages à la fin de l'été. S'il vous manque un coin à pique-nique, vous avez encore le choix entre l'ombre de la forêt voisine et celle des parasols. Les plages de Bir Jeddi offrent un large éventail de plaisirs dont on devrait profiter sans modération.