En Tunisie, comme partout ailleurs dans le monde, la journée d'hier était à l'heure de l'abolition de la peine de mort. Dans notre société avec ses conservatismes et rigidités, l'abolition n'est pas évidente. En plus des obstacles juridiques, certains obstacles psychologiques s'y opposent comme l'envie d'assouvir le désir de vengeance. Certains pensent que la peine de mort contribue à dissuader les criminels. Certains brandissent l'argument religieux pour l'interpréter de façon statique et dire que l'Islam autorise l'exécution de la peine capitale. D'autres et ceux là mieux avisés et vivant leur époque diront que la religion reconnaît le droit de pardonner. Habib Marsit, un des fondateurs de la section de Tunis d'Amnesty international, a affirmé au Temps : « chaque fois qu'il y a un crime odieux, on remet sur le plateau la peine de mort. L'atrocité des crimes n'est pas un argument pour défendre la peine capitale. Dire que l'exécution de la peine capitale va mettre fin aux crimes ne résiste pas à la réalité. Depuis la nuit des temps que l'humanité l'applique, vainement les crimes odieux persistent ». Il constate que la peine capitale n'a pas d'effet coercitif, ni dissuasif, ni préventif pour ce genre de crimes. Lorsque des crimes abominables sont perpétrés, on est dans une logique de réactions subjectives. A l'occasion de la journée mondiale d'abolition de la peine de mort, Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), Amnesty internationale - section Tunisie et la Coalition tunisienne pour l'abolition la peine de mort, ont lancé un nouvel appel aux partis politiques et particulièrement aux partis de la Troïka pour qu'ils clarifient leur position sur la peine de mort. Les trois organisations constatent que « plusieurs développements encourageants en matière de promotion des standards internationaux des droits humains ont pu être observés en Tunisie très rapidement après la chute de Ben Ali. Il est essentiel que la Tunisie rejoigne le camp des abolitionnistes et consacre l'abolition de la peine capitale non seulement en pratique mais également en droit». Il faut dire que depuis 1991, un moratoire sur les exécutions a été observé dans le pays. Le 14 janvier 2012, le président Moncef Marzouki, avaient commué les condamnations définitives à la peine capitale de 122 détenus en prison en perpétuité. La Tunisie a signé la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 21 décembre 2012 portant sur le moratoire. Toutefois, la Tunisie n'a pas ratifié le deuxième protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques portant sur l'abolition de la peine capitale. Le code pénal tunisien contient la peine de mort. Les tribunaux prononcent des condamnations à la peine capitale. Selon le rapport annuel d'Amnesty international de 2013, « la peine de mort était maintenue en Tunisie. Selon les informations disponibles, neuf condamnations à mort ont été prononcées». D'ailleurs, Amnesty International avait lancé avant les élections du 23 octobre 2013, « le manifeste pour le changement en 10 points ». De même l'Institut Arabe des Droits de l'Homme en collaboration avec l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH), l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), l'Ordre National des Avocats (ONA) et le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a pris l'initiative de proposer à la signature le « Pacte de Tunisie pour les Droits et Libertés ». L'abolition de la peine de mort est incluse dans ces textes. Les différents partis avaient été appelés à adhérer au Manifeste des 10 points. L'année 2014, connaîtra de grands rendez-vous électoraux. Les partis politiques sont appelés à se « prononcer en faveur de l'abolition de la peine de mort, à prendre des mesures efficaces pour garantir le moratoire, encourager et soutenir l'inscription du droit à la vie dans la nouvelle Constitution. La rédaction de la nouvelle constitution est en effet une occasion historique pour garantir les engagements internationaux de la Tunisie en matière des droits humains». Au Maghreb, tous les pays observent un moratoire de fait, à l'exception de la Libye où la peine capitale est toujours appliquée. La dernière exécution remonte à 1987 en Mauritanie, 1993 en Algérie et au Maroc. La Tunisie sera-t-elle pionnière dans les pays arabes et musulmans en prononçant l'abolition de la peine de mort ?