Il est évident qu'un des objectifs que veulent atteindre les terroristes est d'arriver à mettre en échec le dialogue national, en attendant la destruction de l'Etat tunisien. Avec la suspension de ce dialogue, cet objectif est partiellement atteint. Beaucoup d'espoirs avaient été nourris avec le démarrage du dialogue national, après trois mois de pourparlers et de discussions parallèles pour lui réunir toutes les conditions du succès. Le nom d'Ahmed Mestiri, figure emblématique du combat pour la démocratie a été associé malgré lui à l'échec de ce dialogue. Au sortir des dernières tractations, Houcine Abbassi, secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et porte -parole du Quartet parrainant le dialogue n'a pas caché sa déception. Il a annoncé la suspension du dialogue tout en se disculpant des conséquences de pareille décision. « Le dialogue n'a aucun sens en absence d'engagement de certains partis au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Le Quartet n'est pas disposé à poursuivre le dialogue dans cette ambiance dépourvue d'esprit de consensus. Nous avons pris des distances vis-à-vis de toutes les parties, mais nous n'avons pas vu d'approche claire pour le dialogue. En plus plusieurs parties a essayé de faire capoter le dialogue ». Le quartet est déterminé à faire réussir le dialogue. « Le destin de la Tunisie réside dans la résolution de ses problèmes par le dialogue, rien que le dialogue », affirmait Houcine Abbassi. La suspension du dialogue ne veut pas dire que le Quartet va tourner les pouces. Il va reprendre les discussions pour repartir du bon pied, avec une plate-forme plus solide pour le dialogue. Il a rappelé aux protagonistes que le fait de camper sur des positions dures est une attitude stérile et négative. Il estime que tout le monde doit revenir au dialogue et le dialogue doit réussir. Depuis hier les contacts ont repris pour dépasser les difficultés. Le secrétaire général de l'UGTT, interpelle ceux qui agissent pour faire obstacle au dialogue, qu'il les dénoncera devant l'opinion publique. Au cas où les partis politiques n'arrivent pas à trouver un consensus sur la personnalité qui dirigera le prochain gouvernement, le Quartet assumera ses responsabilités en avançant des noms alternatifs. « Nous n'allons pas nous contenter d'observer », promet Houcine Abbassi. De son côté Hamma Hammami, au nom de treize partis qui ont participé au dialogue national a imputé l'impasse et le blocage à Ennahdha et à la Troïka. Concernant la candidature d'Ahmed Mestiri, il pense que sans se référer au passé militant de l'homme, on a besoin d'un homme pour le présent et l'avenir. La question principale est celle des critères auxquels doit répondre le candidat. Est-ce un candidat qui « rassure et présente une garantie morale », comme ils l'ont dit, ou un candidat qui va travailler 12, 14 ou 16 heures par jour, un véritable chef de gouvernement comme le stipule la petite Constitution ? Le chef de Gouvernement doit décider, désigner, suivre et contrôler. « La question de l'âge et des capacités intellectuelles et physiques est importante. Ceux qui défendent la candidature d'Ahmed Mestiri, parlent d'un travail de 3 ou 4 heures par jour. Nous voulons un chef de gouvernement qui travaille plus », clame Hamma Hammami. Par ailleurs, la tentative de complot au sein de l'Assemblée Nationale Constituante, pour que la majorité s'accapare tous les pouvoirs a été dénoncée. « Depuis vendredi dernier, on ne parle que de la manière avec laquelle la Troïka va garder le pouvoir, en cherchant des garanties. Même le parti du président qui tout en ne participant pas au dialogue a tout fait pour le saboter. Ils veulent par leur comportement faire passer l'idée qu'ils ont fait des concessions en participant au dialogue et en cédant le pouvoir. Ils oublient que la légitimité électorale est arrivée à terme depuis le 23 octobre 2012. Ils assument la responsabilité de l'impasse ». Les treize partis vont se concerter pour examiner les différents choix possibles pour faire face à la nouvelle situation. Les partis qui ont signé une déclaration commune sont Al-Massar, le Front national tunisien, le Courant populaire, Nida Tounès, le parti des Travailleurs, le parti des Patriotes Démocrates Unifié, Afek Tounès, le troisième choix, le mouvement tunisien de la Liberté et de la Dignité, le parti populaire progressiste, le Mouvement des Démocrates Socialistes, Al-Moubadara et le parti républicain maghrébin. Le divorce entre le Front National de Salut et Al-Joumhouri d'Ahmed Néjib Chebbi est pratiquement consommé. Hamma Hammami, a annoncé qu'il n'y aura plus de coordination avec ce parti. Ahmed Néjib Chebbi a soutenu la candidature d'Ahmed Mestiri à la présidence du Gouvernement avec un engagement qui a surpris ses amis de l'opposition. Il s'est démarqué par une initiative personnelle contraire à la position du Front de Salut. Nombreux observateurs affirment qu'Ahmed Néjib Chebbi a convaincu son proche allié Mestiri d'accepter d'être candidat. Yassine Brahim, secrétaire général d'Afek Tounès, a réagi sur sa page officielle facebook pour dire que « la mauvaise intention de la Troïka dirigée par Ennahdha était évidente dès le départ. La volonté d'imposer ses positions ne cadre pas avec un dialogue visant le consensus. La Troïka sous la direction d'Ennahdha tient mordicus au pouvoir…Je doute qu'ils aient une vision politique de la situation, comme s'ils sont entrés dans une opération suicidaire ». Rached Ghnannouchi, président d'Ennahdha est inflexible. Il a affirmé que tout en tenant à la reprise du dialogue le plus tôt possible, Ahmed Mestiri, candidat d'Ennahdha est la personnalité la plus qualifiée pour cette étape ». Comment évolueront les choses ? Avec autant de partis qui sont contre sa candidature, Ahmed Mestiri devra peut-être ne pas se précipiter pour le poste de chef de gouvernement, aussi honorable soit-il. Les prochains jours le diront.