Il serait temps de changer de culture. Les Banques Centrales sont perçues dans l'imaginaire collectif comme le gardien du temple. A l'époque du dirigisme économique, la Banque est d'autant plus Centrale qu'elle dicte les règles prudentielles, veille à leur application et sanctionne les contrevenants. Une espèce d'épée de Damoclès suspendue sur la tête des banques et prête à trancher des têtes avec, pour punition extrême, « le taux d'enfer », le purgatoire des banques. Oui, en filigrane, c'est la morale financière que défend l'action prudentielle et rédemptrice de la Banque Centrale. Mais, partout dans le monde, avec les renversantes fluctuations de la haute finance, le clientélisme et l'éternel bras de fer entre l'OMC et la Banque Mondiale avec ce FMI qui arbitre (partialement), les Banques Centrales ont-elles leur aura d'antan ? Prenons en exemple la crise déclenchée par les « subprime » américains : elle met de nouveau en lumière les dérèglements des crédits et l'opacité des risques. Oui, la FED a détendu ses taux (en contradiction avec une politique engagée quelques temps auparavant) et a déversé des quantités importantes de dollars sur les marchés, augmentées d'un destockage analogue de la part de la BCE. Or, cela va à l'encontre de l'orthodoxie prônée autant par le président de la FED (Ben Bernanke) que celui de la BCE (Trichet). Cela veut dire que les Banques Centrales en sont réduites à colmater les brèches, elles qui sont, pourtant, censées réguler la finance internationale. Les dérives, chez nous, sont patentes. Pas plus que les autres Banques Centrales étrangères, la nôtre use encore de dénonciations vertueuses ou des rappels à la morale financière. Sans doute, assure-t-elle toujours une croissance raisonnable de la masse monétaire, selon les besoins de l'économie. Mais cette croissance peut subir des fluctuations exogènes : les valeurs des actifs, l'évolution des endettements, la mobilité des opérations internationales... autant de phénomènes qui échappent à son contrôle. Et alors elle utilise son principale levier : le maniement des taux d'intérêts, qui servent à sélectionner les bons investissements. Mais là encore, la BCT fait face à la propension de certaines banques à sélectionner les mauvais investissements, dans un marché financier fermé, opaque, conservateur et peu enclin à se renouveler. Et alors, nous sommes plutôt dans un décor contrasté : seule la BCT défend encore l'image nostalgique et pure de la « banque à papa » tandis que quelques unes parmi nos institutions bancaires naviguent en eaux troubles, croyant naviguer en haute mer.