En marge de la visite qu'effectue ce week-end le roi Mohamed VI à Tunis, l'UTICA (Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat) a organisé hier conjointement avec la CGEM (la Confédération Générale des Entreprises du Maroc) un forum économique visant à bâtir des synergies entre les deux pays de la rive Sud de la Méditerranée et à scruter les opportunités d'affaires entre les deux parties. Les échanges commerciaux entre les pays ne soutiennent pas la comparaison par rapport aux potentialités présentes et le niveau des investissements demeure infime. Comment configurer et concevoir les intérêts communs de manière à faire des deux pays un tremplin pour l'internationalisation ? Quels sont les obstacles qui entravent le développement des affaires ? : Telles sont les principales problématiques débattues par les panélistes. Tenant un langage responsable, dépouillé d'éloges inutiles à vanter les liens d'amitié et séculaires de partenariat entre les deux pays, le fait est là : des reconnaître restreignant le boom des échanges et des investissements tuniso-marocains n'en manquent pas. Particulièrement l'achoppement de l'éphémère Union du Maghreb Arabe (UMA) restée lettre-morte. Malgré la multitude des accords bilatéraux et multilatéraux, la création et l'impulsion de cet espace commun est pour l'instant utopique. 1% d'échanges tuniso-marocains « Le volume des échanges commerciaux ne dépasse pas 1% du total des échanges des deux pays : 0,45% pour le Maroc et 1,1% pour la Tunisie. Nous espérons doubler ce niveau d'échange qui reste en deçà des espérances et nous pouvons le faire si la volonté y est », affirme Wided Bouchamaoui, présidente de l'UTICA. Elle a mis l'accent lors de son discours d'ouverture sur l'importance de l'intégration entre les deux pays notamment en matière d'investissement et de la complémentarité, en mettant de côté l'esprit concurrentiel. « Nous voulons attirer davantage d'investisseurs Marocains en Tunisie et vice-versa. La Tunisie dispose d'avantages compétitifs, d'un tissu industriel développé et d'un capital humain compétent », ajoute Mme Bouchamaoui qui considère que le Maroc et la Tunisie peuvent être une plate-forme idéale à l'internationalisation. Elle a par ailleurs mis l'accent sur le rôle important et primordial du secteur privé dans l'instauration de la complémentarité requise et dans l'intégration bilatérale recherchée. Délaisser l'esprit concurrentiel et axer sur la complémentarité Pour sa part Miriem Bensalah Chakroun, présidente de la CGME a affirmé que les difficultés structurelles rencontrées en Tunisie sont identiques à celles du Maroc : déficit budgétaire, déficit commercial, taux de chômage élevé et ralentissement de la production industrielle, sauf que les deux pays n'arrivent toujours pas conjuguer leurs efforts pour dépasser ces maux chroniques et pour réaliser des taux de croissance nécessaires à la création d'emplois. La Tunisie est le 35ème client du Maroc et le Royaume n'est que le 36ème client de la Tunisie. Mme Bensalah s'est interrogée sur les clés permettant d'ouvrir les portes de coopération plus élargie entre les deux pays. Les entraves douanières et administratives sont à la tête de liste des obstacles à franchir. Pour ce faire, « Primo Il faut faire preuve de solidarité et se débarrasser de cette mentalité d'égoïsme et d'individualisme qui ne mènent nulle part. Secundo, il faut convertir la concurrence entre les deux pays en opportunités via des investissements mixtes. Tertio, il faut réfléchir sérieusement à la ré-industrialisation comme fondement de la révolution industrielle requise pour nos pays», suggère la présidente de la CGEM. Entre autres, elle incite les Tunisiens et les Marocains à rompre avec le système d'assistance en mettant en place un modèle économique qui repose sur l'investissement productif et non sur la consommation. Les intervenants au forum ont affirmé à l'unanimité l'existence de grandes potentialités de partenariat entre les deux pays, or les restrictions réglementaire, fiscale et administrative limitent le champ d'actions des opérateurs économiques. Aziz Mbarek, co-fondateur Tuninvest/Marocinvest et Africinvest reconnaît l'existence de défaillances du côté tunisien notamment au niveau de la communication ou encore de la promotion du site Tunisie et mais aussi au niveau de l'environnement réglementaire qui reste très insuffisant. « La Tunisie se dit être un pays ouvert, mais en réalité elle ne l'est pas », souligne M.Mbarek en appelant les deux pays à jouer les synergies et à jouer le branding commun. Dans ce même ordre d'idées, Hichem Elloumi, vice-président de l'UTICA a appelé à dépasser la notion du marché local pour un espace économique plus global. En effet et comme l'a précisé Hassan Sentissi, le président de l'association marocaine des exportateurs ASMEX, la Tunisie pourrait être pour le Maroc un hub pour les pays arabes dont la Libye et l'Egypte ; le Maroc pourrait être par analogie une courroie de transmission entre la Tunisie et l'Afrique de l'Ouest. Il recommande la mise en place de mécanismes incitatifs, la création d'un fonds d'investissement et le développement d'un modèle commun d'exportation à travers les joint-ventures. Les gisements de partenariat industriel sont nombreux dont le secteur des phosphates, comme l'a précisé Aziz Mbarek. Le Forum économique mixte a pris fin par des témoignages d'entreprises tunisiennes qui ont réussi leur implantation au Maroc. Il s'agit du groupe MISFAT et le Groupe PEC, spécialisés dans les composants automobiles, l'aéronautique et la construction automobile. Abdessalem Ben Ayed du groupe MISFAT a affirmé que le Maroc été une plate-forme pour la distribution de leurs produits en Espagne, en Portugal au Kenya et en Angleterre. Il n'a pas nié par ailleurs l'existence d'entraves dont les formalités douanières, admission temporaire des matières premières et la question de récupération du crédit TVA. Pour Imed Charfeddine du Groupe PEC, les points forts du Maroc résident dans les valeurs communes, la performance économique du pays, la demande du marché et sa capacité d'optimiser la chaîne de valeurs. En effet, les intervenants ont reconnu à l'unanimité que le Maroc et plus libéral que la Tunisie. De toutes les façons les champs de rapprochement entre les deux pays sont multiples à condition de réunir tous les éléments du puzzle dont essentiellement la volonté politique. Gardons tout de même l'espoir que la visite prévue du Souverain marocain ouvrira de nouveaux horizons au niveau de la coopération économique, commerciale et financière.