Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    Où et quand voir ESS – El Gawafel de Gafsa en direct ?    Tunisie : Coupures d'électricité prévues ce dimanche dans trois gouvernorats    La Chine pose ses conditions avant tout accord commercial avec les Etats-Unis    Chine – Russie : Le président Xi Jinping attendu en Russie du 7 au 10 mai pour renforcer l'axe Pékin-Moscou    L'Allemagne, première destination des compétences tunisiennes en 2025    Ligue 1 : Où regarder le match CAB – Club Africain ce dimanche ?    L'Allemagne se prépare à durcir sa politique migratoire avec des expulsions accélérées et un contrôle renforcé des frontières    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue à Béja et Jendouba    Tunisie : Une mère et son fils arrêtés pour trafic de médicaments subventionnés à Ben Arous    France – Déserts médicaux et double discours : quand la politique réclame zéro immigration mais manque de bras    Fin d'une ère : À 94 ans, Warren Buffett annonce son départ    Les exportations turques atteignent un niveau record de 265 milliards de dollars    Tunisie : Décès du journaliste Boukhari Ben Saleh    Décès du journaliste Boukhari Ben Salah: Hommage émouvant du SNJT    Météo : Pluies orageuses attendues sur plusieurs régions en Tunisie    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    À partir du 6 mai : coupure d'eau potable dans ces zones de la capitale    Journée mondiale de la presse : l'ARP adresse ses vœux !    Tunisie – Les jeunes médecins décident une série de mesures d'escalade dont une grève de 5 jours    Trump se montre en pape sur son compte numérique    Des changements à la direction générale de BH Assurance    Les imams appellent à la censure du film « Dabouss El Ghoul » !    L'Espérance de Tunis s'impose 1-0 face au CS Sfaxien    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    Le ministre des Affaires étrangères souligne que la diplomatie constitue aujourd'hui l'un des piliers de l'Etat moderne [Vidéo et photos]    Près de 144 mille élèves passeront le bac blanc à partir du 5 mai    Moins de plis, moins de fers : pourquoi les Français délaissent le repassage ?    GAT VIE : une belle année 2024 marquée par de bonnes performances    Des investisseurs qataris intéressés par Tabarka : la Tunisie séduit à nouveau...    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Affaire du gouverneur de Tunis : Enquête sur un cadre sécuritaire de haut niveau    La Télévision algérienne s'en prend aux Emirats Arabes Unis suite à un passage télévisé !    Alerte scientifique : le "monstre sous-marin" du Pacifique prêt à entrer en éruption à tout moment    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Entreprises délaissées – Saïed : « Fini les comités, place à l'action »    La STB Bank plombée par son lourd historique, les petits porteurs à bout !    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Ce 1er mai, accès gratuit aux monuments historiques    Par Jawhar Chatty : Salon du livre, le livre à l'honneur    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'invité de dimanche: Patrick Flot, directeur de l'Institut français de Tunisie (IFT).. « La francophonie s'inscrit dans la durée au-delà des aléas politiques»
Publié dans Le Temps le 17 - 08 - 2014

La francophonie a passé un mauvais quart d'heure, au moment de l'accession des islamistes au pouvoir. Les tensions entre les deux parties ont atteint leur apogée suite à la déclaration faite par l'actuel premier ministre, Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur à l'époque, qui mettait en garde contre la montée d'un « fascisme islamique ». Ces propos ont fait dire au président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, que « la France est le pays qui comprend le moins l'Islam » comparée, selon lui, à l'Allemagne, l'Angleterre et les Etats Unis. En fait, on a fait d'un contexte un prétexte, car cette polémique, qui avait une apparence politique, était, profondément, culturelle. Les islamistes ont toujours qualifié les francophones tunisiens d'orphelins de la France, commettant ainsi un amalgame grossier entre la culture et la politique, un amalgame qui dénote une certaine hostilité à l'endroit du français en quoi ils voient une langue colonisatrice et aliénatrice, faisant fi de toutes les valeurs humaines qu'elle a toujours véhiculées (à l'image de toutes les langues du monde) surtout depuis la Révolution de 1789. Cette adversité à son égard trouverait son explication aussi dans les difficultés d'apprentissage éprouvées par la plupart de leurs responsables, et la fameuse phrase prononcée par l'ex Chef du gouvernement, Hamadi Jebali, « le ras el mel est jabène » (mélange d'arabe et de français pour dire que le capital est lâche) en dit long à ce propos. Est-ce que les islamistes ont réussi à déclasser et à détrôner le français pendant les trois ans de leur gouvernement ? Pas du tout, d'après les affirmations de notre invité qui soutient que le désir de français en Tunisie est toujours aussi important que par le passé, et le nombre d'inscrits dans les centres de langue ainsi que le nombre des étudiants qui suivent leurs études en France sont là pour l'attester. L'institut français multiplie ses actions, en collaboration étroite avec les autorités officielles, les universités tunisiennes et la société civile, en vue de préserver laposition du français en tant que deuxième langue en Tunisie. Néanmoins, pour les Français, le maintien des liens privilégiés avec notre pays ne se fait pas uniquement à travers l'apprentissage du français, mais également par le biais des manifestations culturelles et artistiques dont la fête de la musique. A ce niveau, l'IFT axe ses efforts sur les structures de la société civile, à savoir les artistes, les créateurs et les jeunes, les maillons les plus forts du tissu social et dont l'apport contribue, dans une très large mesure, à éradiquer l'extrémisme et l'obscurantisme et à instaurer une ambiance sociale saine. Pour mener à bien cette entreprise, l'Institut a invité, dans le cadre d'un forum qu'il a tenu à Monastir, les jeunes du bassin de la Méditerranée, les bâtisseurs de l'avenir, à dialoguer et à échanger des idées. C'est là qu'apparaît le fait culturel dans toute sa dimension, c'est à ce niveau qu'il remplit son rôle de catalyseur de valeurs...
-Le Temps : comment la francophonie vit-elle l'après 14 Janvier en Tunisie?
-M. Flot : je crois qu'elle a su, par le biais de l'action de l'IFT, renouveler, depuis 2011, ses axes prioritaires pour s'adapter à un pays qui changeait. C'est dans ce cadre là que, par exemple, nous avons mis en avant l'appui au renforcement de la société civile tunisienne et de ses relations avec la société civile française, parce que nous pensons qu'il est essentiel qu'il puisse y avoir démultiplication des acteurs et des échanges réguliers entre les deux rives de la Méditerranée. C'est, désormais, la priorité de notre action. L'échange entre les jeunes des deux pays passe par les associations, les régions, les municipalités et les conseils généraux qui sont de plus en plus présents en Tunisie pour de nouvelles coopérations. Donc, je pense que l'Etat français a réussi à rénover ses priorités, à ce niveau, et les collectivités locales françaises ont estimé qu'il y avait un terrain favorable pour développer, elles aussi, des actions, en faveur du développement local et du travail, avec la jeunesse et les associations présentes sur le terrain.
-Comment vit le français à travers ce panorama des changements d'orientation de vos priorités?
-Je crois que, s'agissant du français en Tunisie, nous, Institut français, travaillons de façon transversale afin de permettre à notre dispositif, qui existe déjà, de pouvoir offrir une offre de français de qualité. On a, d'abord, le réseau des établissements scolaires, qui est l'un des plus importants dans le monde, avec ceux du Maroc et de l'Espagne, et qui accueille plus de dix mille élèves. C'est un réseau très attractif, puisqu'on a, toujours, de nombreux Tunisiens qui souhaitent y inscrire leurs enfants, ce qui est la preuve de la qualité de nos établissements. Et pour continuer à maintenir cette excellence pédagogique, il est important, pour nous, de rénover notre réseau, vu qu'il est ancien. C'est pourquoi on a mis en place un projet de rénovation immobilière aussi bien à Tunis, au lycée Pierre Mendès France, qu'à La Marsa, au lycée Gustave Flaubert, comme nous avons le projet de construire un nouvel établissement à Sousse où on a des locaux qui ne paraissent plus complètement correspondre à ce qu'on doit attendre d'un établissement moderne. Tout cela pour dire qu'on a ce souci et cette volonté de s'inscrire dans le présent et dans l'avenir au niveau de nos établissements scolaires, et parce qu'on a bien conscience qu'il y a un fort désir de français et de francophonie en Tunisie et que nos établissements ne permettent pas d'accueillir tous ceux qui souhaiteraient étudier notre langue.
-Est-ce qu'à ce niveau votre Institut collabore avec le ministère de l'Education tunisien?
-On a, depuis quelques années, passé un certain nombre d'accords avec des établissements tunisiens qui délivrent un enseignement en français de qualité, ce qui permet d'élargir l'offre de français en Tunisie. Et nous avons un autre projet qui concerne l'ensemble de notre réseau mondial consistant à passer des accords avec des établissements publics ou privés qui souhaitent mettre en place du français qui permet d'apporter une vraie valeur ajoutée à notre langue. C'est ce qui s'appelle le « label éducation » que nous signons avec un certain nombre d'établissements qui s'engagent dans un cahier des charges précis à respecter des exigences de qualité pour donner ainsi le signal aux parents ayant des enfants dans ces établissements qu'il y a un enseignement de français qui leur permettra d'avoir des connaissances tout à fait performantes. A côté de cela, nous avons aussi le centre de langue de l'Institut français qui dispose d'une douzaine de pôles régionaux dans l'ensemble du pays. Et là également, il y a environ vingt mille étudiants, sur l'année, qui apprennent le français.
-Quelles sont les régions qui accueillent ces centres de langue?
-Il y a tout d'abord, bien évidemment, Tunis où on a plusieurs pôles, puisqu'une grande partie de la population tunisienne vit dans la capitale. Les autres centres se trouvent à Bizerte, Hammamet, Nabeul, Sousse, Sfax, Gabès et Médenine. Et on est en train de travailler avec les autorités tunisiennes et le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique en vue d'instaurer une coordination entre les universités, notamment celles de province, et leurs centres de langue pourqu'il y ait une place pour le français et qu'elles puissent être des centres de passation des examens du Diplôme élémentaire de langue française (DELF) et du Diplôme approfondi de langue française (DALF). Ce sont des diplômes reconnus internationalement et qui permettent de valider un niveau de connaissance en français, ce qui est important pour l'emploi et les CV.
-Par quoi expliquez-vous le retard des travaux de rénovation du centre culturel de Tunis de l'avenue de Paris?
-Le nouveau centre culturel, qui portera le nom de « Petit Carnot », vu qu'il est installé sur un lieu chargé d'histoire, ouvrira à la fin de l'année 2014, date prévue pour notre installation dans nos nouveaux locaux. Et comme on aura un auditorium et une salle de spectacle, il est probable que la programmation commence au début de l'année 2015. C'est vraiment tout proche. Concernant l'histoire de ce projet, cela fait quinze ans, en fait, qu'on parle d'ouvrir un centre culturel à Tunis. C'est d'ailleurs presque une anomalie dans la région de ne pas en avoir un dans ce pays qui pèse, je le rappelle, dans notre dispositif culturel à l'étranger, puisque c'est la troisième enveloppe au monde de coopération et la première par rapport au nombre d'habitants. C'était pour des raisons principalement budgétaires et administratives que pendant toute cette longue période on n'a pas pu avancer dans ce projet qui a été initié il y a trois ans. Et depuis, on est dans une phase de construction d'un projet immobilier lourd et tout semble bien se passer et, normalement, on nous livrera le centre aux dates prévues. Ainsi, l'anomalie sera réparée. On est très content, parce que je crois que c'est un message fort de montrer que justement la France souhaite être présente en Tunisie et souhaite l'être de façon renforcée. Ce centre culturel installé au cœur de la capitale confortera cette présence et nous permettra de travailler avec l'ensemble des acteurs de la coopération tunisienne.
-Concrètement, quel sera l'apport de ce centre au niveau de la coopération bilatérale?
-Ce centre devient un vrai outil de coopération, plus fonctionnel, plus moderne et j'espère plus efficace au service de la création et des créateurs tunisiens, étant donné que notre objectif était, depuis toujours, non pas seulement de montrer lemeilleur de la France dans le domaine culturel, mais aussi de travailler avec les créateurs tunisiens. En témoigne la fête de la musique qui a eu lieu dans plusieurs villes, un projet qui illustre bien la philosophie de ce qu'est notre coopération en matière culturelle et artistique en Tunisie. D'abord, on souhaite que ce soit des projets populaires, qui soient accessibles à tous par le biais de la gratuité, des projets qui permettent de toucher la jeunesse, et c'est pourquoi on privilégie, même si ce n'est pas exclusif, des formes de musique actuelles. Et par ailleurs, on essaye toujours de le faire pour que cela aie du sens dans le pays où on travaille et dans lequel nous sommes accueillis, ce qui explique la présence d'une chanteuse franco-tunisienne. Cela montre que pour nous l'important c'est aussi de faire dialoguer la France et la Tunisie autour de la culture et de la musique.
-Combien de centres culturels français existent-ils en Tunisie?
-A part celui du Petit Carnot de Tunis, qui ouvrira ses portes à la fin de l'année en cours et qui sera en quelque sorte le vaisseau amiral de notre présence en Tunisie, nous en avons également à Sfax et à Sousse, deux antennes de l'institut français. Ces centres culturels nous permettent de démultiplier cette présence, d'avoir sur place des équipes qui travaillent avec une médiathèque, un espace campus France, des pôles pour apprendre le français et qui dépendent du centre de langue de Tunis. Cette présence en dehors de la capitale est importante pour nous, elle nous permet d'organiser des activités en province grâce à l'appui de nos équipes s'y trouvant, comme c'était le cas lors de la fête de la musique.
-On remarque que les centres culturels français ainsi que les instituts de langue sont installés uniquement dans les régions côtières. Comment expliquez-vous cette répartition géographique déséquilibrée?
-Il faut savoir qu'il y a des pays où les centres culturels ne se trouvent que dans la capitale, alors que nous ici, nous en avons trois. Par ailleurs, depuis 2011, le souci et la priorité de notre ministère et de la coopération française c'est d'aller plus travailler en régions. On le fait, comme je l'ai mentionné plus haut, avec les collectivités locales françaises en collaboration avec des régions locales telles que celle de Gafsa où, depuis un an, aussi bien la région Pays de Loire, très investie dans cette dernière, dans le cadre de la décentralisation, que l'Institut français coordonnent leur action en vue d'assurer cette présence dans des villes qui étaient, auparavant, des plus délaissées. C'était grâce à notre présence dans le sud qu'on a pu, par exemple, organiser, en dehors des villes côtières, à Gabès et à Gafsa, le projet baptisé « scène du sud » à l'occasion de la fête de la musique.
-Quels sont vos projets culturels actuels et ceux à venir ? Et comment vous évaluez la coopération avec la Tunisie à ce niveau après le 14 Janvier?
-Il y a quelque chose qui est très importante pour nous dans le domaine culturel, c'est de travailler avec les institutions tunisiennes qu'elles soient officielles ou non, comme les milieux artistique, théâtral, etc. L'important pour nous c'est d'aider à la professionnalisation et à la structuration du secteur culturel tunisien. C'est pourquoi on est en train de travailler de façon coordonnée, depuis quelques mois, avec le ministre de la Culture actuel pour aider son ministère à réfléchir à comment organiser un certain nombre de chantiers prioritaires comme le mécénat culturel, la propriété intellectuelle, le statut des artistes qui créent un environnement favorable pour la création culturelle. Et je crois que la Culture tunisienne et la culture française au sens des mentalités sont relativement si proches l'une de l'autre pour que nos outils puissent, tout en s'adaptant aux spécificités de la Tunisie, avoir du sens et être source d'exemple. A côté de ce travail avec le ministère de la culture, nous travaillons avec l'Institut national du patrimoine, avec lequel on a développé, depuis quelques années, une importante collaboration au niveau du musée du Bardo pour, d'une part, assurer la restauration de magnifiques pièces de sculpture, d'autre part, entamer une coopération qui permet de former des jeunes tunisiens à la technique de restauration de la pierre. A ce propos, on va envoyer deux parmi eux pour suivre une formation dans l'une des meilleurs écoles de France à Tours, espérant que cela permettra d'avoir des personnes compétentes et bien formées qui, à leur tour, pourront former de nouveaux talents pour travailler dans le domainede la restauration en Tunisie où vous avez un patrimoine extraordinaire.
-Comment se présente la situation des étudiants tunisiens qui suivent leurs études universitaires en France? Et est-ce que l'IFT compte leur ouvrir de nouvelles perspectives?
-Ce qui est important de dire, tout d'abord, c'est que la France est le premier pays destinataire pour les étudiants tunisiens souhaitant faire des études à l'étranger. Chaque année, il y a entre trois et quatre mille étudiants qui se rendent en France où il existe un « stock » de quinze mille, puisque certains y suivent des études qui durent plusieurs années. Pour bien orienter ces étudiants qui souhaitent aller en France, notre institut organise, depuis trois ans, à la fin de chaque année, vers le mois de novembre, des salons de l'enseignement supérieur qui permettent aux jeunes de mieux connaître les formations prodiguées qui sont présentées par des universités et de grandes écoles françaises. Ces salons connaissent un gros succès, puisque chaque année, on a, toujours, plus d'étudiants qui viennent y assister. Un des outils dont on use dans le but de favoriser le séjour des étudiants tunisiens en France, c'est la bourse. On en a environ mille chaque année. S'agissant de la mobilité, on a des programmes qui permettent à des étudiants chercheurs d'aller en France pour des courts séjours mais qui sont importants pour le travail qu'ils effectuent en matière de recherche et qui leur permettent d'être en contact, à la fois, avec l'environnement français et les structures françaises avec qui ils travaillent. On essaye aussi de développer les co-diplomations qui permettent à des étudiants tunisiens d'avoir une formation qui, à la fin, leur donne un diplôme tunisien et un diplôme français. Nous travaillons, également, avec le ministère de l'Enseignement supérieur, les universités et les grandes écoles tunisiennes en vue de rapprocher les œuvres de formation des besoins du pays, des filières industrielles et économiques pour que la formation universitaire, qu'elle soit ici ou en France, permette aux étudiants tunisiens, une fois qu'ils ont terminé leurs études, de pouvoir, plus facilement, trouver un emploi. C'est pourquoi on travaille beaucoup sur les questions de formation professionnelle, mais aussi sur l'adaptation desformations pour mieux les mettre en adéquation avec le milieu industriel et les opportunités existantes.
-Vous venez de parler de la bourse de mobilité, pourquoi vous ne l'accordez pas aux étudiants qui suivent un master professionnel bien qu'ils bénéficient de préinscriptions et de chambres de foyer?
-La majorité des étudiants tunisiens en France suivent des masters-doctorats. C'est vrai qu'il va falloir travailler plus pour que les filières professionnelles soient mieux représentées dans le travail qu'on fait avec le milieu universitaire tunisien. Les bourses sont, actuellement, structurées autour d'un certain nombre de priorités et de programmes. Les mille bourses accordées, c'est déjà beaucoup, et on souhaite, bien évidemment, continuer à en offrir une quantité conséquente aux étudiants tunisiens. Notre objectif c'est de permettre une meilleure diversification des filières, faire en sorte que les sciences humaines et sociales soient mieux représentées sans oublier, toutefois, les filières professionnelles, ce qui prend du temps, car cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais travailler sur tout ce qui permet des formations professionnalisantes demeure un acte prioritaire. Et grâce à notre collaboration avec le ministère de l'Enseignement supérieur et les établissements universitaires, on a signé avec les principales universités des accords cadres qui nous permettent de bien définir ensemble quelles sont les priorités qu'elles veulent développer avec nous. Cela nous permet de bien savoir hiérarchiser lespriorités des uns et des autres. En raison du fait que nous sommes la première destination, dans le domaine universitaire, nous souhaitons mettre en place des outils pour mieux informer les étudiants tunisiens sur les avantages comparatifs qu'il y a à étudier en France, étant donné que nous savons que l'enseignement universitaire est fortement concurrentiel. Et on constate que le nombre de vos étudiants en France, qui a légèrement baissé après la Révolution, est remonté pour atteindre le niveau qu'il avait dans les années 2000/2010.
-Est-ce que la présence culturelle française a souffert pendant les trois ans du gouvernement des Islamistes?
-La présence culturelle française en Tunisie est ancienne, elle a toujours couvert tous les champs de la coopération tels que l'universitaire et la recherche, et je ne pense pas qu'on puisse dire qu'au cours des trois dernières années, qui ont été, en effet, des années importantes pour la Tunisie, notre présence était affectée. Sur le plan musical, on a eu, cette année, « Zebda », l'année dernière, « Trio », auparavant, « Grand corps malade ». Nous travaillons depuis 2011, tout particulièrement, avec la société civile, les nouvelles générations, des artistes et des créateurs avec lesquels nous avons noué des contacts privilégiés qui nous permettent d'élaborer de nombreux projets ensemble. Nous avons travaillé sur les arts de la rue, par exemple, nous avons de plus en plus de projets qui concernent la jeunesse, les nouvelles formes, le hip pop, les musiques actuelles. Onessaye d'être au diapason des aspirations de la jeunesse tunisienne dans le domaine culturel, ce que nous faisons avec nos moyens et nos partenaires tunisiens, à savoir la société civile et les autorités officielles.
-Mais on a vu tout un mouvement hostile à la francophonie dirigé par les islamistes qui voyaient et continuent de voir dans le français une langue colonisatrice et aliénatrice.
-Concernant la perception de la France en Tunisie, j'ai, récemment, trouvé une enquête très intéressante sur les pays dont les Tunisiens se sentent le plus proche ou dont ils ont une impression positive. Deux choses m'ont frappé dans cette enquête, tout d'abord, la France et l'Algérie étaient classées en tête, et puis, quand on entrait plus dans les détails, on constatait que ce sentiment se trouvait même chez les sympathisants de l'ensemble du spectre politique de ce pays, c'est-à-dire que c'est l'attitude prédominante même s'il peut y avoir des gens qui, pour des raisons très variées et le contexte très particulier des relations historiques entre la France et la Tunisie, peuvent avoir des jugements très tranchés sur cette question. Je pense que la langue française est, pour la Tunisie, un atout et une valeur ajoutée, parce qu'elle fait partie de son histoire. On constate au niveau de l'Institut qu'il y a un désir de français, vu que nous avons de plus en plus de gens qui veulent l'apprendre. Nous travaillons avec les autorités tunisiennes pour qu'on puisse continuer à former les professeurs de français dans les universités et les écoles. Donc, la forte demande que nous avons montre tout à fait le contraire des allégations de certains, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il y a vis-à-vis du français une volonté de ne pas tenir compte de sa place particulière en Tunisie. Pour autant, cela n'est pas quelque chose qui remonte seulement à la révolution, puisque depuis l'indépendance, il y a eu à l'égard du français une dialectique très particulière. Les politiques d'arabisation de l'enseignement public, qui font partie d'un contexte historique relatif à la décolonisation, n'ont pas fait perdre sa place au français. Il est important de tenir compte de l'histoire, mais il est aussi important de prendre en considération le fait que dans cette histoire le français a eu une place particulière pour beaucoup de Tunisiens. Dans un contexte mondial où la pratique des langues est essentielle, avoir le français comme atout est important pour eux d'autant plus que la Tunisie souhaite pouvoir se positionner en hub au niveau du continent africain où on parle beaucoup français et où on le parlera encore plus, étant donné qu'il y a une croissance démographique forte dans les pays francophones d'Afrique. Je pense que le français reste et sera davantage un atout dans l'avenir pour la Tunisie.
-La francophonie ne serait-elle pas menacée en Tunisie si jamais les islamistes l'emportaient aux élections prochaines?
-Nous, nous travaillons en Tunisie de manière pérenne pour nous inscrire dans la durée et l'ouverture du futur centre culturel en est une illustration. On continuera à travailler avec les autorités et toutes les structures de la société civile pour mette en place des programmes en faveur de la culture, de la francophonie, du français. Je crois que comme on a fait avant et après la révolution, notre présence dans le pays continuera à s'affirmer via tous les programmes qu'on a et qui permettent à la France d'être le premier partenaire universitaire et scientifique et un référent culturel fort pour qu'elle ait une relation privilégiée avec la Tunisie. C'est quelque chose qui s'inscrit dans la durée, au-delà des aléas qui sont propres à tout pays dans ses choix politiques.
-Autrement dit, vous allez axer votre action sur la société civile pour dépasser ces aléas politiques et préservervotre position privilégiée en Tunisie?
-La société civile a démontré qu'elle avait une force et une présence dans le pays. A côté de cela, il est important pour nous de continuer à former l'administration tunisienne et on a, dans ce secteur, des programmes très intéressants qui permettent d'en former les cadres. Il s'agit d'un travail que notre Institut est en train de réaliser avec les différents ministères, et en particulier, ceux de l'Enseignement supérieur, de l'Education et de la culture, ses partenaires prioritaires. Nous avons des projets en cours, des perspectives de coopération qui font qu'on aura du pain sur la planche pour les mois et les années à venir.
-Comment, selon vous, la culture peut-elle participer à récuser le fondamentalisme?
-Ce quiest important pour nous c'est de développer des débats d'idées, et c'est ce que l'IFT a, dernièrement, fait en organisant une conférence, à ce propos, avec l'IRMC (Institut de recherche sur le Maghreb contemporain). On pense que des débats pareils sont importants dans cette région où il y a des mutations sociales, politiques, économiques. Il est nécessaire de permettre aux gens d'avoir des grilles de lecture sur les grands sujets qui sont ceux de la Tunisie, de la région, de l'Europe. Tout récemment, une conférence-débat, s'insérant dans le cycle « Penser la transition », était tenue par l'IFT avec Alain Gresh, le journaliste français, né en Egypte, et un universitaire tunisien pour observer, dans le cadre des transitions, les expériences tunisienne et égyptienne. Ce qui nous intéresse c'est de nourrir le débat, de permettre aux gens de s'exprimer, de dialoguer, de confronter les idées, qui ne sont pas, nécessairement toujours, pareilles. C'est le moyen le plus sain de les amener à se persuader du fait que ce choc d'idées et de dialogue sont importants dans un cadre démocratique. Notre objectif, à travers ces débats d'idées, animés par des conférenciers de qualité, c'est d'exprimer des points de vue français et de dialoguer avec des intellectuels tunisiens. Quand on a organisé le forum de Monastir, au mois de mai, autour de la participation de la société civile, on a démontré que les jeunes tunisiens, français, méditerranéens, qui prendront les rênes de leurs pays respectifs dans les prochaines années, avaientbesoin, d'abord, de s'exprimer, d'échanger, de dialoguer, de comprendre les clés de l'évolution de la région pour essayer de voir comment construire l'avenir en tenant compte des principales problématiques. Ces sujets importants, au-delà de la politique, sont la protection de l'environnement, le développement durable, la citoyenneté. En quoi consiste-t-elle ? Et comment la mettre en valeur ? Dans quelle société on veut vivre demain ? C'est ce qui fait le quotidien de la société, la culture au sens global et au sens noble. C'est au niveau des valeurs qu'il est important d'en discuter


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.