Controverses sur la notion de confort et de loisirs Les deux nouvelles dispositions instituées par la loi de Finances 2007, à savoir l'article 72 et l'article 83 stipulent respectivement l'augmentation, à partir du 1er janvier 2007, de la taxe du timbre fiscal appliquée aux recharges des téléphones et celle du timbre de voyage, montrent que nous serons désormais taxés pour le confort et les loisirs. Contestées par quelques députés (11 personnes) et conseillers (cinq personnes) lors des débats sur le projet de la loi des Finances 2007, les nouvelles dispositions imposées ne trouvent encore pas d'explications et de justifications chez les consommateurs, qui les assimilent à contre -cœur.
Demandes d'éclaircissements S'agissant de l'augmentation de « l'impôt » appliquée à toute opération de recharge de téléphone que ce soit par le biais de cartes ou autres « light », les clients de Tunisie-Télécom et de Tunisiana, les deux uniques opérateurs qui occupent actuellement le marché des télécommunications en Tunisie, reçoivent ces jours-ci des messages, avec chaque opération de recharge, leur informant de la nouvelle règlementation. Surpris, plusieurs consommateurs demandent encore des éclaircissements sur l'augmentation de ces taxes et se posent plusieurs questions. « Normalement, pour qu'elle soit légitime, cette augmentation aurait due être liée à un service donné », remarque Ali Seddik, étudiant à l'université. « Le nouveau prélèvement notamment pour les opérations de recharge « light » n'est pas en symbiose avec la qualité des services offerts pas les deux opérateurs : réseau souvent dérangé, coût très élevé de la communication et des offres promotionnelles peu incitatives », ajoute Nedra Andoulsi, secrétaire dans une entreprise privée. D'autres s'interrogent sur les raisons de ce prélèvement, son montant et les modalités de son application surtout qu'elles soulèvent des divergences entre les opérations de recharge par carte et par light. Dans ce sens, Amor Ben Khélifa, cadre au sein d'une entreprise publique indique que « même si elle sera versée dans le Budget de l'Etat et non pas dans la caisse des deux opérateurs, cette taxation n'aurait pas dû passer directement au double (prélèvement de 600 millimes pour la carte de 10 dinars, selon la nouvelle loi des Finances, contre 300 milles une année auparavant) ». « Ce que je déplore dans l'augmentation de cette taxe, c'est la disparité entre le rechargement par carte et celui par light. En effet, selon la réglementation en vigueur, le prélèvement sera de 180 millimes pour un rechargement de 3 dinars par light et de 300 millimes pour un rechargement par le biais d'une carte de 3 dinars », relève Mme. Ayadi, employée dans un centre publique de télécommunications (Taxiphone).
90% des cartes rechargées sont des cartes de 5 dinars Lors des débats à la chambre des députés et à la chambre des conseillers sur l'adoption du projet de la loi de Finances 2007, les parlementaires ont fait remarquer que cette taxe ne répond pas au principes de la justice fiscale d'autant qu'elle distingue entre les propriétaires de lignes prépayées et postpayées. Ils ont indiqué que cet article est de nature à engendrer une double imposition, s'interrogant dans ce cadre sur la légalité de cette taxe. Rappelons que dans sa réponse, le ministre des Finances, M. Mohamed Rachid Kchich a indiqué que les dispositions de l'article 72 sont loin de constituer une lourde charge pour l'usager, ajoutant que, selon les statistiques fournies par les deux opérateurs, près de 90% des cartes rechargées en 2006 sont des cartes de 5 dinars. Autrement dit, et selon des responsables au ministère des Finances, la nouvelle réglementation ne va poser une charge supplémentaire puisque la majorité des consommateurs tunisiens utilisent la carte à valeur de 5 dinars qui est déjà soumis à la taxation de 300 millimes depuis l'année dernière.
A quoi sert alors la nouvelle taxation ? Plusieurs experts financiers expliquent le recours de l'Etat à cette nouvelle taxation, estimée ou bien similaire, à un impôt de 6% sur la valeur (le montant) de chaque opération de recharge, soit l'équivalent à un prélèvement de 60 millimes pour une recharge de 1 dinar ; 300 millimes pour une recharge de 5 dinars ; 600 millimes pour une recharge de 10 dinars, 900 millimes pour une recharge de 15 dinars, etc..., Il y a dès lors volonté de l'Etat de consolider les ressources propres du Budget pour réaliser les projets programmés durant les prochaines années et réduire l'endettement supporté par la compensation de certains produits de base. Or la consolidation des ressources propres, constituées essentiellement des recettes fiscales, ne peut s'effectuer qu'à travers l'élargissement de la base fiscale qui ne peut se concrétiser à son tour qu'au moyen de l'augmentation de l'impôt direct (impôt sur le revenu ou sur le patrimoine, et impôts sur les bénéfices des sociétés) et indirect (la taxe sur la valeur ajoutée (taxes de tous les biens et services) et autres (droits de timbre, droits d'enregistrement,...)). Pour le cas de la Tunisie, l'augmentation de la TVA ou de l'impôt sur les entreprises est déconseillée actuellement et s'oppose à la politique et les choix du pays, aux ressources naturelles limitées mais qui oeuvre à drainer l'inversement étrangers et l'investissement privé et à lui fournir des incitations fiscales et financières avantageuses pour s'implanter en Tunisie et créer ainsi des emplois aux diplômés dans le nombre est en crescendo. C'est la raison pour laquelle, il ne reste plus à l'Etat beaucoup de choix, mais seulement une marge de manœuvre sur les autres impôts indirects tels que les droits de timbre, les droits d'enregistrement,...qualifiés, par le ministre des Finances, lors des débats, comme étant des droits qui ne touchent pas les besoins nécessaires et de base du consommateur mais plutôt ils touchent certains produits qui s'inscrivent dans le chapitre du confort et loisirs.
Le GSM n'est plus un luxe mais un besoin Au point de vue des consommateurs, ce discours vient en contradiction avec les choix de la Tunisie qui incitent à l'utilisation des nouvelles technologies et à titrer profit de leur apport. « Compte tenu de la révolution technologique qui vit actuellement le monde - caractérisée par le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication - le GSM, le computer, l'Internet, la TV et la Radio ne constituent plus aujourd'hui un luxe mais un besoin. Une fois taxés, le pouvoir d'achat et le revenu du Tunisien doivent être pris en considération », fait savoir Moez Jelassi, ingénieur informatique. Bref, plusieurs clients affirment que la nouvelle taxation décourage l'utilisation du GSM par le consommateur, qui se plaint déjà du coût de la communication, demeurant jusqu'à ce jour trop élevé, en comparaison avec d'autres pays en particulier voisins (voir tableau ci-joint).
Le timbre de voyage de 45 à 60 dinars En ce qui concerne, l'article 83 relatif à l'augmentation du timbre de voyage (taxe d'aéroport), les parlementaires (députés et conseillers) ont relevé, lors des débats budgétaires, que cette disposition touche la classe moyenne et risque de limiter la liberté de déplacement des personnes. Dans sa réponse, le ministre des Finances a fait observer que l'augmentation du prix de ce timbre constitue une simple contribution du citoyen au renforcement des ressources fiscales à l'instar de ce qui est en vigueur dans les autres pays. Cet article a été adopté avec 5 oppositions et une abstention, ajoutant que cette disposition ne concerne pas les pèlerins, les tunisiens étudiants à l'étranger et les voyages à destination des pays maghrébins. Cette nouvelle taxation, de l'avis de plusieurs personnes, augmentera le fardeau des charges fiscales pour le consommateur. « L'augmentation du timbre de voyage de 45 à 60 dinars est de nature à décourager le déplacement et la circulation des Tunisiens vers les pays étrangers, à laquelle s'ajoutent d'autres charges tels que le prix du visa, qui est passé, depuis le 1er janvier 2007, de 50 à 60 dinars dans les pays de l'Union européenne, et le prix du timbre d'obtention du passeport, qui s'est élevé, depuis l'année dernière, de 5 à 20 dinars pour les élèves et les étudiants et de 30 à 60 pour le reste des Tunisiens », note Neila Azouz, employée dans une agence de voyage.
Le nouveau de l'article 72 La loi de Finances pour l'année 2006, dans son article 45, avait imposée un droit de timbre de 0,300 DT appliqué sur «les cartes et les opérations de recharge du téléphone», au même titre que les factures ou les effets de commerce (revêtus d'une mention de domiciliation dans un établissement de crédit). Pour la partie carte de recharge, cette disposition ne semble pas avoir posé de problème d'application puisqu'on assimile la carte à une quittance soumise à un droit de timbre ; mais la notion d'opérations de recharge n'ayant pas été définie par la législateur semble avoir posé de problèmes d'applications et d'interprétations, ce qui a peut-être poussé le législateur à proposer, une année après (projet de loi de finances pour l'exercice 2007), une nouvelle grille de droits applicable sur les cartes de recharges et les recharges effectuées par d'autres moyens (les recharges de type light, Tamwil, ou Mobilracid). Le projet de loi de finances pour l'année 2007 propose ainsi de soumettre les cartes de recharge à un droit de timbre proportionnel par tranche de 5 dinars :
- 0,300 DT par carte dont le montant ne dépasse pas les 5 DT. - 0,300 DT par tranche de 5 DT ou une partie de 5 DT (exemples : carte de recharge de 5 DT on paie 0,300 DT, pour une carte de recharge de 10 DT on paie 0,600 DT, pour une carte de recharge dont le montant est compris entre 10 et 15 DT, par exemple, on paie 0,300 DT x 3 soit 0,900 DT...). - Pour les recharges de type Light (sans carte de recharge), le projet de loi prévoit un droit proportionnel de 300 millimes par montant de 5 DT (quel que soit le mode de recharge), soit un taux de 6% du montant de la recharge ou 6 millimes par tranche de 100 millimes ; ainsi et pour une recharge de 1 DT, on paiera 60 millimes de taxes et pour 500 millimes de recharges on paiera 30 millimes etc... La nouveauté c'est l'introduction d'un droit proportionnel applicable sur le montant de la carte de recharge, au lieu du droit de timbre fixe de 300 millimes actuel. Cette nouvelle disposition n'aura donc aucune incidence sur les abonnés post-payés puisqu'ils continueront à être soumis au même droit de timbre et ce quel que soit le montant de leurs consommations (300 millimes par facture). Par contre, les abonnés prépayés seront soumis, selon le projet de loi pour l'année 2007, à un droit de timbre proportionnel au montant de leurs recharges. Les questions qui se posent c'est l'incidence éventuelle de cette nouvelle taxe sur les services de recharges, l'impact possible sur le développement des abonnements prépayés, sur l'achat des cartes de recharges, sachant que l'accès à l'abonnement post-payé reste difficile pour la majorité des abonnés de la téléphonie mobile.