Les semeurs de la mort, invisibles et imprévisibles récidivent pour frapper au moment qu'ils choisissent et à l'endroit qui leur convient. Avant-hier un bus transportant des militaires et leurs familles fut pris pour cible dans la région de Nebeur entre el Kef et Jendouba par un groupe terroriste. Les assaillants ont tiré des rafales dans leur direction. Cinq morts ont été dénombrés parmi nos valeureux soldats qui ont payé de leur vie la défense de la Patrie. Plusieurs blessés ont été pris en charge par les services de santé publique. Cette opération intervient alors que le pays est en pleine campagne électorale pour la présidentielle du 23 novembre courant. Aura-t-elle des répercussions sur le comportement de l'électeur ? Les Tunisiens seront-ils plus nombreux à aller aux urnes pour barrer la voie aux ennemis de la Démocratie naissante ? Les candidats réajusteront-ils leurs discours ? Les candidats qui étaient au pouvoir durant les trois dernières années, sous la Troïka subiront-ils, les ondes de choc de cette opération, pour leur comportement considéré par beaucoup de citoyens comme laxiste vis-à-vis du danger terroriste ? C'était l'époque des cheikhs venant d'Orient, prônant des discours haineux et « takfiristes », ainsi que des tentes de propagande pour le recrutement et l'embrigadement des jihadistes, avant leur passage à l'étape supérieure, celle des attaques terroristes pour l'instauration du Califat. Pour nombreux observateurs, l'opération de Nebeur est une réaction prévisible aux opérations préventives opérées par les forces de sécurité. Ce sont des actions de grande envergure qui avaient permis l'arrestation de 16 terroristes, classés dangereux et l'opération de plusieurs Jihadistes à Chebbaou. Aleya Allani, spécialiste des mouvements islamistes, pense que l'opération d'avant-hier s'inscrit dans le cadre des tentatives de déstabilisation de l'élection présidentielle, tout en contenant un message aux cellules dormantes pour les rassurer que leur organisation peut réagir et se venger au moment opportun. Il déclare au Temps : « derrière l'opération d'avant-hier, on peut imaginer les empreintes de Katibet Okba Ibnou Nafaâ. C'est un groupe dirigé par des responsables à majorité algérienne, poursuivis par les autorités de leur pays. Cette Katiba est très active depuis la période de la Troïka, jusqu'à maintenant. Cette opération pourrait être le fruit d'un travail commun entre Katibet Okba et Ansar Chariaâ. Notons à cet égard que le poids d'Ansar Chariaâ a été fortement réduit suite aux dernières opérations préventives de l'armée et des forces de sécurité. La base sociale du terrorisme a été profondément touchée sous le gouvernement de Mehdi Jomaâ. Toutefois, cette opération ne va pas toucher le processus d'élection présidentielle. Par contre, elle va avoir des répercussions sur quelques candidats à la présidence qui n'avaient pas réussi à affronter le terrorisme, lorsqu'ils étaient au pouvoir. Cette opération vise à frapper le moral de l'institution militaire. » Hassen Zargouni, DG de Sigma Conseils, spécialiste dans le suivi des mouvements de l'opinion publique pense que l'opération de Nebeur, n'aura pas des répercussions déterminantes sur le comportement des électeurs. Il nuance ses propos, en ajoutant : « mais, elle fera pencher la balance au profit des candidats qui mettent en avant la lutte contre le terrorisme, comme étant la priorité des priorités ». Concernant le taux de participation, le 23 novembre courant, il estime qu'a priori, la présidentielle, devrait théoriquement mobiliser plus que les législatives. Il précise : « mais comme elle intervient un mois après le scrutin des législatives, nous estimons que le taux de participation va rester dans le même niveau que les législatives. Après cette opération, les plus déterminés iront voter, comme ils l'ont fait le 26 octobre ». Quant à Nabil Belaâm, DG d'Emrhod Consulting, un autre sondeur d'opinions, il fait la comparaison entre l'opération d'avant-hier précédant la présidentielle et celle d'Oued Ellil (Chabaou) précédant les législatives. A l'époque il avait déclaré que l'opération n'aura pas de répercussions, puisqu'elle était une opération préventive. Cette fois-ci, la situation est différente. Il devient plus prudent. Il déclare au Temps : « Il se peut qu'il aurait un impact sur le taux de participation. C'est une attaque lâche, contre des soldats avec un bilan lourd du côté de nos soldats, 5 morts et des blessés. Des traces resteront chez tout le monde. On avait mesuré, dans le passé, l'incidence de la menace terroriste. Chaque fois qu'il y avait une opération de ce genre, cet indice passe rapidement à un niveau supérieur. En même temps on constate, un repli du côté des citoyens à l'égard de l'offre politique qu'elle soit celle de partis ou de personnalités. En plus, cette opération, a eu lieu entre Nebr et le Kef, sur une route très fréquentée qui n'est pas très loin de la capitale. Elle aurait pu se passer dans les environs de Tunis. C'est là un message à prendre très au sérieux. Quant aux candidats, ils vont réajuster leurs discours en fonction de ce qui vient de se passer. Ces discours seront plus convaincants pour les candidats qui ont peut-être l'expérience ou une force argumentaire très solide pour inciter les citoyens à aller voter en leur faveur. Les candidats ayant fait partie de la Troïka pourraient s'en retrouver pénalisés ».