Encore une fois, le terrorisme cynique et sans état d'âme frappe et endeuille des familles entières, d'une façon plus prononcée qu'avant. A leur manière, ils ont commémoré la veille de Ghazouet Badr par une attaque sanguinaire, en utilisant cette fois-ci et pour la première fois un armement lourd, des missiles RPG, pour saper les fondements de l'Etat et imposer leur Califat en commençant par torpiller le processus électoral arrivé à un stade avancé. A l'heure de la rupture du jeûne mercredi, ils ont donné l'assaut à des patrouilles militaires au mont Chaâmbi. Le total des martyrs, tombés s'élève à 14 et celui des blessés à 23. Un carnage ! Le premier de cette ampleur dans l'armée tunisienne depuis l'indépendance. Ce n'est pas le premier acte terroriste. Sous le gouvernement de la Troïka, le terrorisme s'est amplifié. Ce gouvernement a toujours cherché des prétextes pour la présence publique des salafistes radicaux. Au sein d'Ennahdha on n'a pas cessé de qualifier étrangement ces salafistes radicaux de « nos enfants apportant une culture nouvelle ». Au Congrès pour la République (CPR), les défenseurs du jihad et de l'extrémisme étaient bien accueillis au Palais de Carthage. Même à Ettakatol, on n'a pas hésité à prendre des photos avec des adeptes de discours haineux. Lobna Jeribi et Khelil Zaouia ont bien rendu visite chez les LPR. Quels enseignements doit-on tiré de la tuerie de Chaâmbi ? Que faire après cette opération ? Aleya Allani, historien spécialiste dans les mouvements islamistes, rappelle dans une déclaration au Temps que c'est la deuxième tuerie au mois de Ramadan, après celle de 2013. Il affirme : « Les terroristes estiment que cette opération qu'ils qualifient de jihadiste leur permet d'être doublement récompensé par Dieu. La première, a eu lieu l'année dernière le jour de la commémoration de Ghazouet Badr et celle de mercredi coïncide avec la veille de Ghazouet Badr. Ils veulent donner une connotation religieuse pour leur opération. Par ailleurs, cette opération s'inscrit dans une conjoncture locale et un environnement régional très agités. La conjoncture locale se caractérise par les préparatifs aux élections. Elle se distingue aussi par l'arrestation et la mise à l'écart d'agents de sécurité impliqués avec Ansar Chariaâ. Un autre point à relever dans la conjoncture locale : l'avortement de l'opération de libération de prisonniers d'Al-Mornaguia. A l'échelle régionale, il faut signaler la percée de Daech en Irak et l'appel à étendre ses tentacules en Afrique du Nord à travers la Libye. L'anarchie sécuritaire en Libye a contraint le Gouvernement à faire appel à une intervention étrangère. Abou Yadh a multiplié les appels pour unifier les mouvements jihadistes à travers le monde avec une préférence pour une étroite collaboration avec Daech ». Ces opérations terroristes amènent notre spécialiste à poser beaucoup de questions. Qu'a-t-on fait dans la révision des nominations surtout dans l'institution sécuritaire et au sein du ministère des Affaires religieuses ? Le rythme pris par la révision des nominations dans ces institutions est très lent. A-t-on un nouveau bilan de l'opération de récupération des mosquées ? Les mosquées qui ne sont pas entre les mains d'Ansar Chariaâ, sont elles exemptes de la culture d'apostasie ? Qu'a-t-on fait dans le dossier des associations religieuses dont 150 associations sont impliquées, selon certaines sources, dans le financement du terrorisme ? A-t-on mis en place une véritable feuille de route pour la lutte contre le terrorisme ? Pourquoi tarde-t-on à promulguer la loi anti-terroriste ? Certains parlent de la possibilité de la reporter au prochain parlement qui sortira des élections législatives. Certains partis politiques bien précis sont opposés à ce projet de loi. Sommes-nous capables dans l'avenir à contrecarrer de façon sérieuse le terrorisme ? Comment peut-on lutter contre le terrorisme alors que le développement régional occupe une place minime dans le budget actuel ? Comment peut-on engager cette lutte alors certains de nos partis politiques font le mélange entre Religion et Politique ? Que faire du discours religieux non suffisamment contrôlé ? Comment réussir la lutte contre le terrorisme en dehors d'une stratégie pour l'accueil des jihadistes tunisiens de retour de la Syrie ? La grande question : comment juguler le danger terroriste sans une évaluation sérieuse des origines qui ont engendré le terrorisme y compris l'action du Gouvernement de la Troïka ? Aleya Allani n'appelle pas à un procès en justice de certains symboles du Gouvernement précédent, mais à un procès politique, pour que chacun assume ses responsabilités et que le citoyen saura pour qui voter la prochaine fois. L'historien et universitaire Néji Jelloul rappelle que depuis une semaine une photo d'un terroriste au mont Chaâmbi ne cesse de se déployer à travers la toile sans que personne ne puisse brancher. Il ajoute dans une déclaration au Temps : « un soldat avait été tué la semaine dernière et un Imam a refusé de prier pour lui. Il n'a pas été inquiété. Ils ont réussi à banaliser le terrorisme. Les débats au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) trainent en longueur pour rien. Ils ont du mal à trouver une définition du terrorisme. La charpente du terrorisme qui est la contrebande est toujours là et arrogante. Le discours haineux est prêché dans les mosquées. Les associations finançant le terrorisme agissent dans l'impunité. Il y aura d'autres Chaâmbi. La Libye d'un côté, Daech de l'autre et la connivence internationale explique ce qui se passe en Tunisie. C'est une véritable guerre destructrice dont nos responsables ne sont pas conscients. Dommage que les informations sur le terrorisme sont devenus similaires à ce qui se passe en Palestine. On les écoute et on passe ».