Maintenant que la page de la Troïka est définitivement tournée, les choses sérieuses commencent pour la nouvelle équipe dirigeante. La désignation avant hier de Habib Essid à la tête du nouveau gouvernement initie une ère nouvelle dont on ignore la durée, dont on connaît les défis et dont on appréhende les risques. Il y a lieu de remarquer que les réactions à cette nomination ne sont pas toutes positives. Habib Essid ne fait apparemment pas l'unanimité autour de sa personne. Non seulement le Front populaire émet diverses réserves sur l'absence de programme d'action suffisamment clair à suivre par le prochain gouvernement mais même certains partis proches du Nidaa Tounès comme Afek Tounès semblent manifester quelque mécontentement de la manière dont s'est effectué le choix de Habib Essid. Cela dit, tout le monde s'accorde à dire que pour les cinq années à venir, ce ne sont pas les hommes qui importent le plus mais plutôt l'efficacité de l'action par ces hommes pour surmonter les nombreuses difficultés qui se posent à la Tunisie prioritairement aux niveaux sécuritaire, économique et social. C'est pourquoi les cent premiers jours du prochain gouvernement et de son équipe décident souvent de leur avenir. Qu'en sera-t-il des cent premiers jours du gouvernement Essid ? La sécurité : une priorité Tout d'abord, le nouveau chef de gouvernement doit tenir sa promesse, d'être l'homme de consensus. Certes, on ne peut pas contenter tout le monde mais l'équipe doit gagner la confiance d'un maximum de formations politiques surtout celles de la future opposition (Front populaire, alliance démocratique, Hizb Ettahrir et les autres). D'autre part, Habib Essid dont on loue l'expérience dans le domaine de la sécurité et des affaires économiques doit également prouver qu'il sait désigner les hommes de compétence dans les différents départements gouvernementaux. Sur le plan de la sécurité intérieure et extérieure de la Tunisie, il lui faut nommer le ministre capable de combattre efficacement le terrorisme, le trafic d'armes, la contrebande et le crime organisé. Nos frontières, celles du sud notamment, doivent être sécurisées. Cela n'est pas possible à réaliser en seulement quelques mois. Néanmoins, le danger terroriste doit être atténué grâce aux efforts de nos forces de sécurité intérieure et grâce aussi à la coopération avec les pays voisins maghrébins ou européens. Nous pensons, d'un autre côté, que les cent premiers jours du gouvernement Essid doivent permettre de lever le voile sur certaines énigmes entourant encore les attentats qui ont coûté la vie soit à des hommes politiques tels que Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi soit à des soldats, des policiers ou des agents de la garde nationle. Si au contraire le prochain ministre de l'Intérieur maintient le secret sur ces assassinats, il risque de perdre la confiance d'une grande partie des Tunisiens. Il courra le même risque si la police tunisienne revient à ses méthodes musclées avec les citoyens, les opposants, les journalistes et les organisations de la société civile. La mission est donc très délicate dans le département le plus sensible pour le moment du moins. N'oublions pas à ce sujet que les premiers visiteurs reçus par Béji Caïd Essebsi à Carthage sont Basma Khalfaoui et Salah Belaïd respectivement l'épouse et le père du martyr. C'était pour beaucoup un signal positif qu'il incombe au prochain ministre de l'Intérieur de concrétiser par une enquête sérieuse sur l'assassinat de cet opposant à la Troïka. Les défis économiques Sur le plan économique le dossier est encore plus volumineux car il s'agit d'abord de redresser la situation de nos finances ou du moins pour créer les conditions favorables à cette reprise. Dans ce sens, il est indispensable que notre balance économique retrouve un certain équilibre entre importation et exportation et entre dépenses publiques et revenues de L'Etat. L'investissement doit par ailleurs reprendre une courbe ascendante. A cet effet, il faut garantir les meilleures conditions pour les investisseurs nationaux et étrangers. Les consultations doivent être régulières avec l'UTICA pour se faire une idée sur les données réelles de notre économie nationale. Une bonne initiative serait d'autre part à revoir les prix de certains produits inaccessibles pour la bourse du citoyen moyen. Le pari social Dans le volet social, toute démarche serait la bienvenue si elle vise l'amélioration du pouvoir d'achat des catégories sociales les plus touchées par la crise de ces trois dernières années. Les négociations avec l'UGTT sur d'éventuelles augmentations salariales doivent aboutir à des résultats satisfaisants et susceptibles d'améliorer réellement le pouvoir d'achat de ces catégories. Hassine Abassi, le secrétaire général de la plus grande syndicale du pays paraît optimiste sur ce sujet. Mais, il faudrait aussi que du côté de l'UGTT un certain effort soit fourni pour réhabiliter la valeur « travail » parmi les syndiqués et par conséquent contribuer à la diminution du taux de grèves dans les secteurs professionnels les plus pesants dans l'économie nationale. L'autre dossier brûlant sur le plan social reste le chômage notamment celui des jeunes diplômés de l'université tunisienne qui se comptent par dizaines de milliers. Est-ce possible de réaliser des miracles dans ce secteur. Il est évident que trois ou quatre mois ou même une année ne suffiront jamais pour venir à cet écueil extrêmement difficile à surmonter même dans les pays économiquement développés. Que doit faire le gouvernement pour au moins donner de l'espoir aux 700 mille chômeurs actuels. Nous croyons que c'est là les clés de la réussite pour Habib Essid et son équipe. Rappelons à ce sujet que durant la courte durée pendant laquelle Béji Caïd Essebsi était chef du gouvernement, une prime de 200 dinars a été décidée en faveur des diplômés du supérieur. Est-il possible aujourd'hui de décréter provisoirement une aide de ce genre alors que les caisses de l'Etat souffrent d'un manque considérable de liquidité ? La meilleure solution si les moyens financiers de l'Etat sont limités serait d'abord de compter sur l'aide étrangère mais l'UGTT, l'UTICA, les grands experts économiques tunisiens et étrangers et tous les partis politiques tunisiens doivent proposer des actions urgentes pour résorber le taux de chômage très élevé parmi notre population. Le gouvernement Essid doit jouer sur les facteurs réconfortants pas seulement avec des promesses et des discours mais au moins avec des réalisations concrètes et des projets réalisables. La confiance est à rétablir chez tous les Tunisiens des plus riches aux plus modestes. La deuxième République avec son président, avec son chef de gouvernement et avec son parlement doivent de concert répandre l'optimisme, après trois ans d'angoisse et même de désespérance. Confiance et optimisme seront les maître-mots de la prochaine étape.