Trois jours après l'annonce du nouveau gouvernement par Habib Essid, les partis politiques ont émis des communiqués dans lesquels ils ont exprimé leur position finale quant au vote de confiance pour l'équipe gouvernementale. Ennahdah, le Front Populaire ou encore Afek Tounes ont indiqué que leurs blocs parlementaires ne voteront pas pour ce gouvernement dont ils n'approuvent ni la structure, ni le programme. Le Temps a contacté quelques dirigeants pour essayer de décrypter cette énigme gouvernementale qui, finalement, n'a l'air de ne satisfaire personne, même pas certains des députés de Nidaa Tounes, grand gagnant des élections législatives et présidentielle. Pour Ahmed Seddik, dirigeant et député du Front Populaire, la composition proposée par Habib Essid n'a pas ‘d'adresse politique claire'. Le député a expliqué que ce gouvernement ne dispose pas d'un programme qui puisse répondre aux demandes de la prochaine étape du pays. Pour lui, cette composition ne pourra pas travailler correctement et prendre des décisions claires et tangibles pour l'avenir du pays. Même s'il affirme que le pays a besoin de quelques technocrates, Ahmed Seddik a indiqué qu'un gouvernement naissant d'un processus électoral ne peut pas être composé, à plus de 50%, par des technocrates. Pour finir, le dirigeant du Front Populaire nous a indiqué que son parti a été convoqué par Habib Essid pour relancer les négociations, chose qui pourrait donc aboutir au report de la séance prévue pour le 27 janvier 2015. De son côté, Lazhar Akremi, dirigeant, député et futur ministre du mouvement Nidaa Tounes a assuré qu' à part Abdelaziz Kotti et une autre personne qu'il n'a pas voulu citer, le bloc parlementaire dudit mouvement votera en la faveur du gouvernement Essid. Il a ajouté que jusqu'à présent, aucun changement n'était prévu au sein de ladite formation, répondant ainsi au rendez-vous des dirigeants du Front Populaire avec Habib Essid. En ce qui concerne le mouvement d'Ennahdha et le parti Afek Tounes, nos tentatives de prise de contact ont été vaines. Cependant, leurs communiqués respectifs annoncent un refus total de voir ce gouvernement accéder au palais de la Kasbah. Ali Laârayedh, dirigeant au sein d'Ennahdha, avait déclaré que l'équipe d'Essid ‘représentait une déception pour une grande partie des Tunisiens'. Pour sa part, Fathi Ayadi, président du conseil de la Choura d'Ennahdha, a indiqué que le nouveau gouvernement ne représente aucun consensus et n'a pas de lien avec l'union nationale évoquée à maintes reprises par le mouvement. Pour Afek Tounes, la position est la même, même si les raisons diffèrent. En effet, pour Affek Tounes, le problème réside en la composition, dont ils n'ont pas fait partie par choix, et dans le programme qui, selon eux, est loin de répondre aux besoins du moment. Issam Chebbi nous a confié de son côté que ce gouvernement a été rejeté parce qu'il ne dispose pas de personnes ayant de l'expérience politique. « Les technocrates sont certes importants, mais quand on veut diriger un pays qui passe par ce genre d'étape, il nous est indispensable d'impliquer des personnes disposant d'une expérience politique. » En ce qui concerne le programme, le dirigeant d'Al-Jomhouri a expliqué que ce dernier était ‘vide' et qu'il ne comptait que des ‘passages en prose'. Pour finir, Issam Chebbi a indiqué que « les craintes que nous avions de voir le palais de la Kasbah dirigé par celui de Carthage se confirment de plus en plus, et cela est très grave parce que cela enfreint à la Constitution et le régime de la deuxième République Tunisienne. » A presque quatre mois de l'annonce des résultats des élections législatives, nous nous retrouvons, encore une fois, au bord d'une crise politique que la Tunisie n'a pas le luxe de se payer en ce moment. Nidaa Tounes a remporté lesdites élections haut-la-main et, au cours de ses campagnes électorales, ses dirigeants et son ex-président ne cessaient de répéter qu'ils disposaient de compétences permettant la création de trois ou quatre gouvernements. La mauvaise surprise n'a pas tardé puisqu'on s'est retrouvé avec un gouvernement formé d'une majorité de technocrates indépendants. A croire que Nidaa Tounes cherche à fuir ses responsabilités... D'autres analystes vont même jusqu'à dire que cette formation n'est qu'une manœuvre qui préparera le terrain à un recyclage ‘clean' d'Ennahdha au pouvoir. Les scénarios et les possibilités sont multiples, mais le résultat est le même : le pays restera bloqué et entre temps, ce sont les plus démunis qui en payeront le prix.