La commission technique chargée de l'élaboration du projet de loi organique concernant le Conseil supérieur de la magistrature, n' a pas fini de rassembler les suggestions des différentes parties prenantes, en vue d'un travail de fignolage et d'ajustement. Mohamed Salah Ben Aissa, ministre de la Justice a déclaré dernièrement que ledit projet sera soumis incessamment à l'ARP en vue de son adoption dans les délais impartis. C'est que le temps presse, la Constitution ayant prévu en vertu de son article 148 que «le conseil supérieur de la magistrature est mis en place dans un délai maximal de six mois à compter de la date de la première élection législative », soit le 26 octobre 2014. Or plusieurs membres de la société civile, dont les magistrats et la plupart des membres du secteur judiciaire estiment que ledit projet de loi comporte encore des lacunes qu'il est nécessaire de combler avant sa soumission à l'adoption par l'ARP. C'est autour de ce thème qu'un colloque a été organisé dernièrement par l'Observatoire de l'Indépendance de la Justice avec la collaboration de la fondation Hans Siedel, en présence des médias, des associations de défense des droits de l'Homme et des membres de la composante civile. Dans son allocution de bienvenue, Ahmed Rahmouni, a fait remarquer concernant ledit le projet de loi, que les impératifs d'amendement imposent de surseoir à sa soumission à l'ARP, quitte à dépasser les délais impartis par la Constitution. Certes, la perfection est difficile à atteindre. Cependant, au jour d'aujourd'hui, plusieurs parties prenantes n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs doléances à la commission chargée de sa rédaction. Cette commission composée de juristes, d'experts et de membres de la société civile, est ouverte à toutes les remarques et les suggestions tendant à parfaire ledit projet de loi. Mais elle-même est sujette à critique, notamment concernant son indépendance vis-à-vis de l'exécutif, étant installée au ministère de la Justice. Imperfections sur la forme et le fond Concernant les imperfections de la loi, Samah Madouri, professeur à la faculté de droit a fait remarquer dans son intervention que le nouveau Conseil supérieur de la magistrature, a été conçu sur la base de la nécessité de consolider la notion du pouvoir judiciaire afin que la Justice ne soit pas un simple service public. Cette notion consacrée par l'article 148 de la Constitution implique qu'il doit jouir d'une pleine autonomie financière et judiciaire. Or sa composition ne répond pas tout à fait à cet objectif, étant donné que les 2/3 sont des magistrats élus, et le tiers restant renferme des membres choisis parmi les corps de métiers. Ces derniers engloberont tous ceux qui œuvrent à la consolidation de l'indépendance de la Justice. Ces métiers ne peuvent pas être définitivement cernés. Les avocats, les notaires, qui sont des officiers publics, les greffiers des tribunaux, les experts judiciaires dont des médecins légistes ou des experts comptables, appartiennent à ces métiers qui ont un rapport direct avec la Justice. Les avocats ont d'ailleurs déploré, lors de leur rencontre avec le chef du gouvernement, qu'ils n'aient pas été invités à présenter leurs suggestions et leurs doléances à la commission, étant partie prenante de la Justice en vertu de l'article 105 de la constitution dans lequel il est stipulé que l'avocat joue un rôle d'avant-garde dans la consolidation de la Justice et la défense des droits de l'Homme. Le tribunal militaire exclu du panorama judiciaire Selon le projet de loi trois organes au sein de Conseil sont prévus : Judiciaire, Administratif et Financier. Déjà et selon le magistrat Youssef Bouzakher, membre de l'Institution provisoire de l'ordre judiciaire, l'indépendance des magistrats est à, consolider davantage, étant donné la composition actuelle du Conseil selon le projet de loi. Car l'indépendance de la magistrature est à concevoir également de l'intérieur, c'est-à-dire entre les organes judiciaires eux-mêmes, afin qu'il n'y ait d'hégémonie d'aucun d'entre eux sur l'autre. Toutefois, Wahid Bounani, procureur général près la Cour d'appel militaire a déploré que le tribunal militaire ait été, selon le projet de loi, totalement exclu de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Pourtant, la Justice militaire est prévue par la Constitution, a-t-il ajouté. Il a précisé qu'une solution médiane doit accorder une place à la Justice miliaire, non pas en tant que tribunal d'exception, mais en tant que tribunal spécialisé, tout autant que le tribunal commercial ou immobilier par exemple. Se hâter avec lenteur En définitive, il ne faut pas que les membres de la commission négligent ces doléance sous prétexte de se hâter à présenter la loi dans les délais impartis, à l'ARP. Cela risque de faire une loi plutôt expéditive avec beaucoup de lacunes, qu'il faut combler préalablement en vue de préserver l'indépendance de la magistrature dans l'intérêt du justiciable.