Le pouvoir judiciaire étant l'un des piliers de l'Etat démocratique, il est nécessaire que son indépendance soit préservée de manière à le conforter dans son rôle de garant des droits de l'Homme et des libertés publiques. Cela implique de consacrer une importance capitale au corps judiciaire, au sein duquel les magistrats sont indépendants, afin qu'ils soient neutres et équitables et qu'ils rendent la Justice, en application des lois en vigueur et sans aucun autre ascendant que leur intime conviction. C'est autour de ce thème qu'une journée d'information a été organisée hier par le ministère de la Justice, des droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, au cours de laquelle a été présenté le projet de loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature. Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice, présentant ledit projet de loi, a surtout mis en exergue la nécessité de définir la mission ô combien délicate du magistrat par un document auquel se référera en cas de besoin le corps judiciaire, et dont l'objectif est essentiellement de protéger le magistrat et de garantir son indépendance. Ce qui sera dans l'intérêt du justiciable également, et de la préservation de ses intérêts et la défense de ses droits. Il ajouta que ledit projet de loi a été conçu sur la base de la nécessité de consolider la notion du pouvoir judiciaire afin que la Justice ne soit pas un simple service public. Cette notion est consacrée notamment par l'article 148 de la Constitution, prévoyant la création d'un Conseil supérieur, jouissant d'une totale indépendance et dont les membres sont élus par leurs pairs. Certes c'est un projet de loi qui est à parfaire, et c'est la raison pour laquelle cette journée d'information a été organisée, afin de faire participer toutes les composantes de la société, et écouter leurs observations et leurs suggestions. Le projet sera repris en fonction de ces suggestions, avant de le présenter au gouvernement pour ampliation et le soumettre à l'adoption de l'Assemblée des représentants du peuple, a enfin précisé le ministre. Pour sa part Khaled Ayari, premier président de la Cour de cassation, a déclaré que l'important est que l'orientation constitutionnelle de l'indépendance de la magistrature soit prise en considération afin que ledit projet soit une référence aussi bien pour le magistrat que pour le justiciable. Les articles 113 à 115 de la Constitution consacrant l'indépendance du pouvoir judiciaire, sont à cet égard bien explicites a-t-il ajouté. Celle-ci est née de la conception de la séparation des pouvoirs prévalant dans tout régime démocratique, en vertu duquel les droits de l'Homme sont préservés, a-t-il encore souligné. Présent au colloque, Thierry Rostan chef du bureau de l'Office des Nations- Unies contre la drogue, a déclaré que la réalisation d'un tel projet de loi constitue une nouvelle étape dans le processus démocratique, franchie avec brio, en Tunisie et en comparaison avec beaucoup d'autres pays. Le pouvoir judiciaire, garant des libertés et de la paix sociale, est consolidé par l'indépendance de la magistrature et en conformités avec les conventions internationales qui ont consacré ces valeurs. Grogne des avocats et du syndicat de la magistrature La deuxième séance, présidée par Abdallah Hélali, ancien haut magistrat, a été consacrée à la discussion du projet par les participants au colloque et à leurs différentes suggestions. Me Amor Khmila au nom de l'ordre des avocats dont il est membre, a déploré le fait que l'ordre des avocats n'ait pas été associé à l'élaboration dudit projet de loi. Naguère, l'avocat était considéré comme étant un auxiliaire de la Justice. Aujourd'hui, et surtout après la Révolution à laquelle il a été partie prenante, l'avocat en est désormais le partenaire. Il en va de même pour Raoudha Laâbidi, présidente du syndicat des magistrats tunisiens, laquelle est résolue à faire bon cœur contre mauvaise fortune, et participer à la discussion du projet malgré cette exclusion, a-t-elle affirmé. Abdallah Hélali qui n'a pu que convenir avec Me Khmila, et RAoudha Laâbidi a fait remarquer que toutes les suggestions seront prises en considération avant la mise en forme définitive du texte dudit projet. Il a par ailleurs, invité l'assistance à observer une minute de silence, et réciter la Fatiha, suite au décès de Me Mohamed Néjib Ben Youssef ancien membre de l'ordre qui a été inhumé hier. Discussion Les propositions de la plupart des intervenants, dont des juges au tribunal administratif et au tribunal militaire tournent autour du statut des magistrats qui doit leur conférer la sécurité nécessaire leur permettant d'exercer leur profession en toute indépendance, ce qui est la seule façon de procurer une justice équitable. Concernant le tribunal militaire certains magistrats regrettent qu'il n'ait pas été consacré dans ledit projet en tant que faisant partie du pouvoir judiciaire. Sur ce point, Abdallah Hélali a été fait observer que c'est conforme à la nouvelle Constitution, selon laquelle le tribunal militaire est uniquement compétent dans les délits militaires. C'est un tribunal spécialisé. La rédaction du texte final du projet interviendra ultérieurement, au vu des recommandations des intervenants au colloque. En tout état de cause, le processus de consolidation de l'indépendance de la Justice est largement entamé, ne serait-ce que grâce à la prise de conscience, aussi bien des membres de la profession que de toutes les composantes de la société. Le temps des entraves à la liberté de la Justice est révolu.