La jeune maison d'édition Arabesques continue son parcours en confirmant à chaque saison littéraire le bien-fondé de sa démarche et le travail méthodique de ses animateurs. Créée par Moncef Chebbi, un juriste et intellectuel, spécialiste des relations du monde arabe et de l'Occident au dix-neuvième siècle, Arabesques s'est rapidement imposée comme la maison d'édition la plus performante en matière de publications littéraires et aussi dans le domaine du débat d'idées. Au fil des ans, cet éditeur a ainsi constitué un catalogue des plus remarquables en réunissant de nombreux auteurs tunisiens et français tout en partageant ses publications entre les domaines arabophone et francophone. Mettant un grand soin à l'édition de ses livres, Arabesques a ainsi entrepris des actions de partenariat avec des institutions françaises pour améliorer les qualités de ses éditions et parfaire l'aspect artistique des livres édités. De plus, un partenariat franco-tunisien en management a permis à cet éditeur de moderniser la gestion du fonds et envisager une aventure éditoriale de plus grande envergure. Tous ces facteurs conjugués n'auraient pas suffi si Arabesques n'avait pas su attirer les meilleurs auteurs et les faire bénéficier du savoir-faire d'un éditeur modeste et pleinement engage à leurs côtés. Car, en aucun cas, Moncef Chebbi n'est en quête de coups éditoriaux. Il effectue au contraire un travail de fond et, surtout, anime la scène littéraire tunisienne avec ses publications qui circulent activement dans la totalité du pays. Aujourd'hui, Arabesques peut se prévaloir d'une audience grandissante, d'une image de marque largement répandue et de plusieurs collections qui font la part belle à toutes les expressions littéraires. Trois nouveautés et un projet Ce projet de structuration du champ littéraire par la publication d'oeuvres diverses, toutes marquées par un tropisme contemporain, vient de trouver une belle illustraton avec la publication en février 2015 de trois ouvrages qui évoluent dans les registres différents du roman, de la poésie et de la chronique, tout en contribuant au même projet littéraire. Première oeuvre romanesque de son auteur, "Songes d'une nuit d'été" annonce la naissance d'une plume aussi sensible qu'acérée. Dans ce roman, Anouar El Fani met en scène un home à la veille de ses quarante ans, se penchant sur son passé pour "gravir l'édifice immense du souvenir". Avec un regard autant acide que lucide, le narrateur évolue à l'image d'un Meursault tunisien, flottant dans sa mémoire et en quête de repères. Ecrit en homage à divers écrivains français (Camus, De Beauvoir, Malraux ou Romain Gary), cet ouvrage se laisse lire comme un récit de vie et surprend par la fluidité de sa narration. Un oeuvre à découvrir! Dans le domaine de la poésie, Arabesques vient de nous gratifier du nouveau recueil de Ahmed Ben Mahmoud qui rassemble dans "Des mots entre nous" de nombreux poémes d'amour et d'éloges à la féminité. De fait, cet ouvrage se veut un homage à la femme tunisienne et aux combats féministes. Deux femmes interviennent dans ce recueil. D'une part, Emna Bel Hadj Yahia en signe la préface et d'autre part, Nadia Jelassi a parsemé ce livre de ses illustrations qui en fait sont une seconde narration, un texte dessiné qui est un second signifiant. Ce pas de deux débouche sur un ouvrage attachant dans lequel Ben Mahmoud fait preuve de son aptitude à choisir les mots avec une très grande précision pour ensuite les sublimer en les entrechoquant, en les faisant fusionner afin de faire naitre d'irrésistibles correspondances. A lire à haute voix pour débusquer hiatus et verbe rayonnant qui irradient les deux longs poémes qui composent ce recueil. La troisième oeuvre que vient de publier Arabesques a pour titre "Deux ou trois choses que je sais d'elle". Ce titre renvoie à des chroniques que Houria Zorgane signait dans un quotidien de la place durant les années 90. De fait, ce recueil compile ces chroniques dans un volume de 450 pages préfacé par Rabaa Ben Achour. L'auteure, Houria Zorgane est née en Algérie et vit depuis plusieurs décennies en Tunisie et aucune subtilité- fût-elle la plus subreptice- ne saurait échapper à l'acuité de son regard que l'on retrouve intact par delà les décennies et les genres littéraires. Car les chroniques de Houria Zorgane sont à la croisée de plusieurs chemins dont celui ardu du feuilleton littéraire et de la nouvelle brève. Il ne faut pas s y tromper: ce recueil dans sa complexité de mosaique est d'abord un parcours littéraire et l'historique d'un regard posé sur la Tunisie contemporaine. Ecrivant divinement, Houria Zorgane y ajoute un style bien à elle, une manière que ne renieraient pas les Marie Cardinal et autres égéries du féminisme. Car au-delà de ses atouts, cette oeuvre est aussi l'expression d'un féminisme sur le vif qui, en son temps, avait enchanté les lecteurs et qui, aujourd'hui, convaincra les plus difficiles en matière de littérature. Trois livres donc pour un projet éditorial qui s'affirme de jour en jour. Avec la proximité de la foire du livre et l'organisation des salons de Sousse et Sfax, la littérature revit, annonciatrice du printemps et de l'éternelle tentation des écrivains à raconter, décrier et recréer le monde. Ces trois pépites tunisiennes que nous offre Arabesques sont bien dans cette lignée- rigoureuse, créative et militante- de notre littérature.