Toutes les personnes qui passent à côté des citernes de la Maalga, récemment nettoyées et mises en valeur, ou à proximité des thermes d'Antonin, admirent leurs dimensions. Une capacité de 5000 m3 environ pour les premières et une superficie égale à la surface de deux terrains de football accolés pour les seconds engendrent toujours la même question : comment étaient-ils alimentés en eau ? La réponse est à découvrir le long des aqueducs de Carthage.
La route de l'eau L'aqueduc principal qui relie Zaghouan à Carthage, est une œuvre colossale construite au IIème siècle, sans doute par plusieurs chantiers, peut-être militaires, travaillant simultanément. Partant d'une source jaillissant à 289 mètres d'altitude, la canalisation, posée sur le sol, souterraine ou franchissant l'Oued Miliane sur des arches de plus de 20 mètres de haut, par monts et par vaux, avec une pente moyenne en plaine de 15 centimètres par 100 mètres, transportait 370 litres / seconde environ sur plus de 90 kilomètres, sans aucune station de pompage, jusqu'aux grandes citernes de Carthage situées à 25 mètres d'altitude au-dessus des thermes. Au IIIème siècle, un deuxième aqueduc a été construit à partir de la source d'Aïn Jougar, qui doit son nom au village d'époque romaine, bâti à proximité, nommé Zouccar et situé à une trentaine de kilomètres au Sud-Ouest de Zaghouan. Cette canalisation rejoint l'aqueduc principal près du bourg de Mograne au lieu-dit : « La Maison de l'embranchement ».
Les nymphées Peut-être construit sur ordre de l'empereur Hadrien, Le temple des eaux de Zaghouan, certainement le plus beau et le plus grand d'Afrique du Nord, en son temps, est lové au cœur d'une combe boisée sur le versant Nord du Jebel Zaghouan. La source, jaillissant sous le pavement d'une « chapelle », sans doute consacrée au dieu Neptune, bâtie au fond d'une vaste esplanade artificielle en demi-cercle, dominant la plaine. Cette cour est encadrée par deux péristyles soutenus par d'élégantes colonnettes aujourd'hui disparues. Ce monument à l'architecture originale, s'insère harmonieusement dans un écrin de verdure au pied d'un sommet arrondi et semble, comble du raffinement, être moulé sur la montagne. Le nymphée du Jougar paraît bien avoir été construit sur le modèle de celui de la villa Hadriana à Rome. Les Byzantins, menacés par les Berbères insoumis, ont inclus le monument dans un petit fortin aux murs crénelés. Une grande exèdre, couverte d'une demi-coupole en partie ruinée, recueille l'eau qui jaillit des roches par trois canalisations souterraines débouchant dans des niches hautes et étroites. Elle s'écoule ensuite, en murmurant, dans l'aqueduc.
L'ACCUEIL DES VISITEURS En arrivant au pied du Zaghouan, le Mont de Jupiter, on est conquis par la beauté du paysage. « Les chalets des aqueducs », dotés d'une piscine, sont construits dans un grand verger clos. Leur architecture et leur ameublement soignés mêlent harmonieusement les styles andalou et arabo-berbère. Aux plaisirs champêtres s'ajoutent ceux des randonnées pédestres, équestres ou à bicyclettes et le ravissement des promenades en calèche. Les produits fermiers tout frais, mariés aux saveurs d'une gastronomie, régionale ou influencée par les Andalous, sont servis sous des vérandas ombragée et fleuries ou dans la fraîcheur d'une grande tente de Nomades.
Zaghouan millénaire Village d'éperon préhistorique, successivement berbère, carthaginois et romain, Zaghouan, dont le nom antique reste mystérieux, abrite durant des siècles le plus beau des nymphées d'Afrique. Conquise par les Arabes puis dépeuplée par les tribus nomades hilaliennes, au Xème siècle, la cité renaît en accueillant les Andalous chassés par la « Reconquista » chrétienne. Zaghouan, redevenue prospère, sera un refuge et un havre de paix pour les populations voisines menacées, les savants et les prédicateurs. Mosquées, zaouïas : celle de Ali Azzouz, en particulier, et marabouts à l'architecture inspirée de l'art « mudéjar », ainsi que de grands moulins à eau, sont les joyaux de la ville. Zaghouan, moderne et dynamique, sertie dans la verdure de « la plus belle montagne de Tunisie », protège son environnement en abritant un grand Parc Naturel et permet aux amateurs de spéléologie de sonder le cœur de la Terre dans les grottes du Parc.
Ecomusée et parc naturel 2000 hectares du Jebel Zaghouan ont été transformés en Parc Naturel en 2001. Un écomusée vient d'être aménagé. La flore typiquement méditerranéenne s'étage en fonction de l'altitude. Si les orchidées sauvages sont les plus discrètes, et les plus belles, à notre avis, les chênes verts sont les amateurs de sommets bien arrosés et les églantines : les « nesri » sont les plus renommées. On en extrait de « l'eau de nesri », et de l'huile essentielle aux usages multiples et agréables en pâtisserie et en parfumerie en particulier. La faune actuelle comprend le plus gros carnassier, typique de l'Afrique du Nord, la hyène rayée et le plus petit mammifère : la musaraigne étrusque de 2 grammes. L'aigle royal niche sur des falaises d'une hauteur impressionnante. Le parc offre d'innombrables possibilités de randonnées pédestres en particulier l'ascension assez difficile du Jebel Guessa qui culmine à 1295 mètres et celle de Kef El Blida où subsistent des vestiges d'habitat antique. Des gazelles de montagne et des mouflons à manchette doivent être introduits dans le Parc et installés dans des enclos proches de l'écomusée tout neuf dont la visite sera intéressante.
Villages berbères perchés A l'extrémité Sud-Ouest du Parc, la route conduit au village perché de Sidi Medien. La mosquée et le marabout bien entretenu contrastent avec l'abandon des maisons du hameau qui tombent en ruine, hélas. Leur architecture typique devrait pourtant amener les Autorités ou les anciens habitants à en sauver, au moins, quelques unes. Elles pourraient servir de gîte rural aux visiteurs. Les mines abandonnées, le relief et la forêt de cette partie du Parc attirent effectivement beaucoup de gens. Presqu'au bout du « défilé de la Hache », où les mercenaires révoltés auraient été vaincus par Amilcar Barca, selon G. Flaubert, près d'une ancienne mine, une belle piste carrossable conduit à « Zriba le vieil » perché au sommet de pentes très escarpées. Quelques maisons sont encore habitées. D'autres demeures et la mosquée ont été réhabilitées. Du sommet de la dent rocheuse, recélant un « fortin », préhistorique sans doute, qui domine le village, on découvre un panorama immense et superbe.
Conclusion Des bords de la Méditerranée, la route de l'eau conduit jusqu'au sommet du Jebel Zaghouan, en suivant les aqueducs. La plus grande partie de cette promenade peut-être réalisée durant un week-end. L'absence de structure hôtelière ou de gîte chez l'habitant à Zaghouan n'est plus rédhibitoire : « Les chalets des aqueducs » peuvent pallier ce handicap au développement touristique de la ville de Zaghouan qui bénéficie pourtant de multiples atouts.