Le Temps: El Seed au Pont des Arts. A qui devez-vous cet hommage rendu à la calligraphie arabe? El Seed: C'est une idée du galeriste Mehdi Ben Cheikh. Il m'a contacté il y a deux mois et m'a proposé cette nouvelle aventure artistique. Il m'a expliqué que les cadenas de l'amour vont devoir être enlevés du Pont des Arts dans le but de sauvegarder ce monument. A ce moment-là, je l'avoue, je n'ai pas vraiment réalisé l'ampleur d'un tel projet. Un artiste tunisien dans une exposition d'une telle ampleur n'est pas donné. Est-ce que vous estimez que vous avez de la chance ou que vous récoltez le fruit de votre travail? C'est le travail et la persévérance. Plaque tournante du tourisme parisien, ce monument est aujourd'hui orné par la calligraphie arabe dans une conjoncture internationale fort hostile. Quels sont les messages de vos calligraffitis? Je tiens d'abord à préciser que je suis honoré par la proposition que m'a faite la mairie de Paris. Ma prestation se veut porteuse de messages de paix, de tolérance et d'universalité. C'est une belle métaphore pour la culture arabe. La calligraffitis arabe est aujourd'hui un pont entre les cultures. N'est-ce pas une métaphore parfaite? Essayez-vous de réconcilier le monde avec la véritable culture arabe? Pour moi peindre sur un pont est fort symbolique, en effet. A travers mes calligraphies, je cherche à rapprocher les communautés, à casser avec les stéréotypes et à ouvrir les dialogues interculturels. Je dois dire que la calligraphie arabe jouit d'un impact universel qui efface les frontières. Elle parle à tout le monde, intrigue, suscite la curiosité et l'admiration. Aussi peu compréhensible qu'elle puisse paraître, elle touche l'âme et non le regard. Tout passant cherche à décoder le message caché derrière. C'est toujours le même: un appel à l'amour. On n'est pas loin des cadenas d'amour qui ornaient le Pont des Arts. Que signifie votre dernière calligraphie au pont justement? Il s'agit de la célèbre citation de Balzac: "Mais Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n'en connaîtrez jamais la profondeur". Retranscrire ce texte sur le Pont des Arts à travers une calligraphie arabe est un message qui se veut fort et percutant. Que représente la calligraphie pour vous? Le meilleur moyen d'expression artistique pour défendre la beauté de la culture arabe, faire découvrir au monde sa diversité et briser les barrières. En sillonnant le monde, vous êtes devenu une icône du Street Art. Comment peut-on s'imposer dans un pays parfois hostile quand il s'agit de questions d'identité arabo-musulmane? Je n'impose rien. Je peins. Ma calligraphie s'adresse aux âmes. Elle possède cette beauté universelle qui n'a pas besoin d'être traduite. C'est ce qui fait la force, la grâce et la magnificence de notre culture arabophone. Ce qui est marrant, c'est que je n'ai jamais connu de soucis. Partout où je vais, je suis accueilli à bras ouverts. La France c'est aussi un pays laïc. Comment vivez-vous ce genre de concept tout en vous attachant à votre identité? Vous savez, à un moment de ma vie, je voulais retrouver mes racines et me plonger dans mon identité. Tunisien de naissance, j'ai appris ma langue d'origine vers les années 2000. La calligraphie est devenue peu à peu ma manière de rendre hommage à ma culture et à l'ouvrir au monde. Mes messages s'adressent d'bord à la communauté locale mais avec une dimension universelle. Il incombe aux artistes d'origine arabe de véhiculer la beauté de leur culture à travers le monde et de casser tous les stéréotypes! C'est absolument un devoir.