Parmi ceux qui avaient marqué le courant réformiste en Tunisie, à la fin du 19e siècle, par leurs idées avant-gardistes, le Général Hassine se distingua par son amour sincère pour la patrie et son sens de la justice et surtout de l'abnégation, ne cherchant, en effet, qu'à défendre l'intérêt général. En effet, ce circassien d'origine, élevé par Hassine Bey (qui régna de 1824 à 1835) attira dès son jeune âge l'attention de Ahmed Bey 1er par son intelligence et son esprit vivace. Aussi l'avait-il prédestiné à une carrière politique en l'inscrivant à l'école militaire du Bardo où il acquit une formation solide en matière militaire et de larges connaissances tant dans le domaine littéraire que scientifique. Il entreprit, en effet, la traduction du français à l'arabe de plusieurs ouvrages de stratégie militaire aidé dans cette tâche par l'illustre poète et homme de lettres de l'époque Mahmoud Kabadou. Le ministre Kheïreddine le choisit pour l'accompagner à Paris, à l'occasion de l'affaire Ben Ayed en 1854 (celui-ci avait commis des malversations à l'occasion de sa nomination à la tête de la trésorerie, en commettant des détournements de fonds avant de fuir le pays pour aller en France). Puis le même ministre le nomma à la tête de la municipalité de Tunis, lors de son institution de celle-ci en 1858. Il fit ses preuves en tant que maire de la ville en procédant à de multiples réformes notamment en matière d'urbanisme où il œuvra au développement de la voirie et à l'assainissement et l'embellissement de la ville. Il fut également nommé à la tête de l'imprimerie nationale , instituant le Journal Officiel, que le général Hassine a subventionné de ses fonds propres et permit ainsi sa pérennité jusqu'à nos jours. Dans une de ses correspondances au ministre Khaznadar depuis l'Italie où il s'était expatrié, il lui écrivait qu'il avait pris la relève à un certain anglais nommé « Holt » chargé de s'occuper du côté technique concernant l'imprimerie, après que celui-ci s'était affronté à un échec à cause du manque de moyens. Il n'hésita pas précise-t-il au ministre d'engager des dépenses de ses propres fonds afin de sauver la situation et faire face aux multiples frais tant pour payer les fournitures nécessaires que les ouvriers, correcteurs traducteurs et tout le personnel travaillant pour le compte de cette imprimerie. Toutefois, et malgré toute sa bonne volonté à œuvrer au développement du pays, il fut acculé à démissionner en 1863, persécuté sans cesse par un ministre corrompu, Mustapha Khaznadar auquel le consul français prêtait le flanc ayant intérêt à ce que la crise économique atteignant son paroxysme à l'époque pût perdurer. Déçu, le général Hassine s'expatria en Europe pour finir ses jours en Italie. Les causes de cet expatriement, sont étayées dans un ouvrage où il fit le procès de Nessim Shemama, ancien directeur de la trésorerie et complice de Mahmoud Ben Ayed dans l'opération de détournement de fonds, dont le principal instigateur était le premier ministre Khaznadar. Il écrivait en effet, s'adressant à Mahmoud Ben Ayed, « quant aux causes de mon départ de mon pays, ou plus exactement de mon expatriement étaient dues au fait que je fus parmi ceux qui avaient dénoncé les agissements de votre complice le ministre corrompu Mustapha Khaznadar qui se livra à une mauvaise gestion des affaires financières de l'Etat ». Et d'ajouter plus loin : « J'ai visité tant de royaumes autour de la mer (méditerranée) et au-delà, mais je n'ai jamais découvert de royaume plus accablé que le nôtre, ni d'hommes capables de commettre des abus et des injustices, comme il en exista dans notre pays. » Amer et sombrant dans la maladie de l'indigence, le général Hassine n'a pu trouver aucune aide ni aucune assistance. Parmi ses nombreuses correspondances au ministre Kheïreddine, une lettre adressée à celui-ci en date du 21 octobre 1886 en dit long sur la fâcheuse situation dans laquelle il se trouvait et où il faisait remarquer au ministre : « J'ai enduré ce qu'aucun mamelouk n'a enduré avant moi ». Beyram V, le réformiste de l'époque écrivait à propos du général Hassine dans son ouvrage « Safouat Al I'tibar » (ce qu'il faut connaître).... « Il tomba malade, dans sa dernière année, après avoir bourlingué de la France à l'Italie, et s'arrêta à Florence où il fut affecté, tant sur le plan physique que moral, surtout que ses ennemis augmentaient de jour en jour et lui en voulaient à mort » ? L'homme ne méritait de finir sa vie dans de telles conditions et mourir dans la dèche le 17 juillet 1887. Cela contribua toutefois à l'élever au rang de ceux qui ont œuvré par tous les moyens à défendre et préserver l'intérêt du pays, avec désintéressement, abnégation et en dépit de tous les obstacles.