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Une scénographie de l'écriture
Publié dans Le Temps le 07 - 04 - 2016

De son vivant, Ouled Ahmed nous dévoile son testament, un testament précieux qui ne nous livre pas une fortune, car le poète ne possède rien ! Même lorsqu'il se met « debout », il est « dans ses (propres) souliers ». Néanmoins, semblable à un dieu, il possède l'art de la création, le génie du verbe, la quintessence de l'expression poétique.
Son testament est une révélation sur le noumène et le phénomène de la poésie. Des poèmes en vers libre abordent des sujets fondamentaux, les uns en rapport avec la poiesis (production de l'expression esthétique) et l'aisthésis (réception de l'expérience esthétique), les autres traitent la question de l'essence de la poésie, le statut du poète, lequel poète qui en déferlant ses tentacules, regagne le pays et embrasse le cosmos. Le lecteur en apprend les conditions de l'accouchement poétique et la sévérité de l'engagement que le créateur délivre avec accrêté, et souvent dans un style sarcastique, tournant en dérision les pseudo-poètes et pseudo-lecteurs.
La simplicité ainsi que la fluidité de ses textes coulent comme une mer claire et limpide où chacun peut voguer aux rythmes de ses rames, certains prennent le large et retiennent l'apnée pour découvrir les abîmes, d'autres ont le souffle moins long et se réjouissent de la beauté que le poème exhibe avec lascivité, pareille à une sensuelle nubile. Le poète a ainsi le génie de satisfaire tous les goûts en jonglant avec les mots, mais la popularité de son texte ne l'est pas pour autant dans le sens propre du terme, car si elle n'exclut aucun type de lecteur, elle ne tombe pas non plus dans le simplisme.
Ce poète s'affranchit des structures structurées et structurantes qui oppriment le souffle du créateur, étouffent l'inspiration et accablent la plume. Il s'indigne sévèrement contre les notions prédisposées et les acceptions figées, voulant ainsi rompre avec la rigueur des règles et l'insoutenable pesanteur des normes.
Des écrits sur la poésie s'affichent dans un dit poétique sublime. En effet ce mode d'expression est à la fois sujet et objet d'écriture. Le poète nous fait part de son expérience sans imposer ses règles, il fait appel à poétiser la théorie, voire même à créer sa propre théorie ! Car cette notion est devenue aujourd'hui désuète, il n'y a plus de Théorie mais des expressions, comme il n'y a pas la Poésie mais des expressions poétiques...
J'ai choisi un poème dans lequel Ouled Ahmed nous révèle son art de composer des vers ou de la prose, évitant le savoir-faire de l'artisanat appris mécaniquement et fort usé par les pseudo-poètes et consommé par le commun des lecteurs !
Cadence....
Dans son poème intitulé Cadence, le poète nous dévoile toute une scénographie de l'écriture et de la naissance du poème, si singulière et si différente des rituels classiques de la création qu'elle paraisse étrange et saugrenue.
En effet, le poème s'éloigne de l'espace de la table figée pour s'écrire pleinement dans la mobilité et l'agitation, en quête d'un ultime tempo, ou de l'esquisse d'une image qui fera surgir les mots dans un doux vertige. C'est ainsi que la forme précède le contenu, la sonorité détermine le timbre du poème, l'image anticipe son incarnation en vers. Ouled Ahmed joint sa voix à Verlaine pour crier et créer dans la jubilation « De la musique avant toute chose ! »
Images déconcertantes, humeur fantaisiste, goût de l'invraisemblable, originalité des idées, caprice des mots, tout rentre dans la logique et le paradoxe devient incontestable, et l'incongru dru se transforme en beauté... attention ce poète subversif écrit ses poèmes avec ses orteils et non pas avec ses doigts ! Avec ses orteils qui entrent en osmose avec le sol humide, avec la terre mère, avec Gaia, afin de libérer la cadence. Même les lettres, qui jusque-là sont suspendues à l'inspiration divine, délaissent l'auréole du sacré et font brutalement leur chute sur le papier profane pour épouser le rythme et faire naitre le poème en toute perfection. Cette chute nous rappelle Eve et Adam qui, ennuyés de la monotonie des anges, tombent au monde bas pour donner naissance, dans la plénitude, à une progéniture en meilleure forme possible et dans le « meilleur monde possible » ! Ainsi la beauté nait de la terre et non pas du royaume céleste, idée à laquelle avaient cru beaucoup de philosophes, littérateurs et artistes, entre autres Ouled Ahmed.
En effet, ce dernier hait la ponctuation qui ressemble à une élévation fugitive et brutale, d'un rapace qui n'a pas encore tenu son envergure. Le mouvement vertical de ses ailes qui montent vers le ciel allait à l'encontre de l'horizontalité du poète, lequel poète qui demeure attaché à la terre et qui n'aspire pas à s'élever aux sphères célestes, au monde des idéaux tant prônés par les platoniciens... Ouled Ahmed s'en fout royalement des idéaux.
Le poète a bien choisi sa métaphore pour parler de la ponctuation, car le mot employé en arabe est polysémique, si on modifie sa ponctuation, il aura le sens de châtiment (3ikab)! Et combien les règles de la ponctuation sont un fardeau à supporter ! Il aura aussi le sens de ce qui est secondaire, accessoire... et combien ce qui n'est pas essentiel n'est pas existentiel !
Absurdité ! Le châtiment est pourtant la sève de toute création... y compris la poésie !
Cependant, ce poème est en vérité bien ponctué par Ouled Ahmed et j'imagine que sans ponctuation, le sens peut être perdu et le lecteur dérouté ! Je me demande si le poète n'a pas abordé le problème de la ponctuation dans son sens symbolique, c'est-à-dire en tant que signe d'autorité, de sanction, et de loi. Il est à noter que plusieurs poètes se sont libérés réellement de la ponctuation en libérant le vers et le sens, tel que Michel Deguy par exemple. Contre le texte univoque, ils ont choisi d'abolir les confins de l'interprétation et d'éclater l'unicité du sens. Umberto Ecco l'analyse bien dans ses œuvres : les limites de l'interprétation, l'œuvre ouverte..
Enfin ce qui est proéminent dans ce poème est bien la dimension de l'espace qui est fort présente, on a l'impression que tout bouge, que tout vit, en effet, la mobilité, la géométrie à travers la verticalité du mouvement des ailes de l'aigle, l'horizontalité du poète, animent le texte et le rendent plus vivant ; la chute des lettres, l'infini désert du Moyen Orient, le brouhaha des soldats dispersés, font vibrer les syllabes, ébranlent le texte, le brutalisent et le font sortir de l'inertie.
Ainsi contrairement au lyrisme habituel des romantiques, aux goûts raffinés et polis de la bourgeoisie, à « l'éthique » classique de la poésie (la manière élevée de dire les choses), l'écriture est devenue de la cruauté et le poète un soudard qui se joue de l'esthétique, secoue les règles et les formes prédisposées et fait ébranler sa société, en commençant par insulter le lecteur paisible et passif !


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