Insouciance ou une part d'oubli, c'est sans rancune. Il est rare chez nous qu'un écrivain soit honoré de son vivant ! La plupart du temps, les hommages rendus à nos créateurs se font à titre posthume. Ce qui nous rappelle la fameuse phrase d'Ali Douagi : «Il vit en espérant avoir un raisin mais, après sa mort, on lui donna une grappe ». C'est que certains créateurs ne connaissent le succès qu'à titre posthume, quand bien même ils se seraient mieux estimés de leur vivant pour la qualité de leurs œuvres ! Raison de plus pour qu'un créateur, tous domaines confondus, doive être honoré de son vivant afin de faire valoir ses créations au public qui, à son tour, le reconnaîtra en tant que créateur tunisien ayant contribué à la richesse de la culture nationale et l'incitera à continuer par ses créations à enrichir la vie culturelle, artistique et intellectuelle dans le pays. Dans le cadre de ses activités, le Forum de Mégrine pour la Culture et l'Information a organisé vendredi 29 avril une rencontre au Centre Culturel de Mégrine en hommage à trois figures illustres de littérature résidant à Ben Arous, qui se sont distingués par leurs œuvres littéraires depuis plusieurs années. Il s'agit de Hassen Nasr (romancier et nouvelliste), Jalal El Mokh (nouvelliste, poète et essayiste) et Mabrouk Manaï (nouvelliste et romancier). Plusieurs hommes de lettres et de culture ont assisté à cette rencontre qui s'est déroulée dans une ambiance très bon enfant, malgré une assistance restreinte. Plusieurs autres poètes tunisiens ont pris part à cette cérémonie en récitant quelques poèmes puisés dans leurs recueils respectifs. Quelques maisons d'édition ont exposé quelques-unes de leurs publications qui ont été servies gratuitement aux assistants. Hassen Nasr s'adonne à l'écriture depuis les années cinquante à travers ses nouvelles qu'il publiait dans les journaux et qui lui ont valu une célébrité notoire dans la sphère littéraire. Ces premières nouvelles seront suivies plus tard par un bon nombre de romans et de recueils de nouvelles dont la plupart ont été traduits dans des langues étrangères pour les thèmes humains et universels qu'ils développent. Hassen Nasr, connu également dans le monde arabe, ne s'est jamais départi de sa plume en dépit des désagréments de l'âge ; ces derniers ouvrages remontent seulement à 2015, année de la parution de son roman « Que la Mer est belle ! », une fiction inspirée de la Révolution et un recueil de poésie où il a rassemblé tous les poèmes qu'il a composés autour de plusieurs sujets. Deux autres livres sont sous impression, nous a confié l'écrivain. Mabrouk Manaï est lui-même un grand nouvelliste mais qui semble préférer la discrétion totale. Les assistants ont été surpris d'avoir appris qu'il avait déjà écrit trois recueils de nouvelles et que récemment il a publié un roman intitulé « Le Facteur », dont les événements se déroulent à l'époque de la colonisation où son père travaillait comme facteur qui faisait chaque jour une tournée de quarante kilomètres pour distribuer le courrier aux colons et qui était aussi un ancien résistant contre les forces coloniales : une fiction, a-t-il dit, qui relate une grande part de la vie familiale et l'épopée de tout un peuple sous le joug de la colonisation, notamment lors des évènements de Bargou de 1954. Jalal El Mokh, quant à lui, c'est le benjamin des écrivains honorés ce jour-là. Il n'a pas encore cinquante ans et il est déjà l'auteur de plus de vingt-cinq livres, en arabe et en français, dont deux recueils de nouvelles et un roman paraitront incessamment. Dans ses écrits, il est le poète, le nouvelliste, le romancier, le philosophe et le critique. Auteur prolifique, il a commencé par la publication de cinq livres à la fois, chose rare dans le monde de l'édition. Après quoi, les titres se sont multipliés, à raison de deux ou trois titres par an. Il est le Président de l'Union des Ecrivains Tunisiens (Section de Ben Arous) et Président du Club littéraire « Idhafet » d'Hammam-Lif qui poursuit ses activités depuis dix ans. Les hommes honorés ont été invités de donner chacun un avis brièvement. Hassen Nasr prit d'abord la parole en parlant surtout de son expérience d'écrivain : « Ecrire, c'est être passionné ! La passion avant toute chose ! Pour être écrivain, il faut être passionné de tout : la vie, les gens, la patrie, les amis, la famille et surtout la langue que tu parles et que tu écris et par laquelle tu transmets tes sentiments, tes idées, ton message. Par contre, la haine n'a jamais été source de créativité, elle est synonyme de destruction, de dévalorisation, d'annulation et d'exclusion de l'Autre. La passion, par contre, c'est l'acceptation, la compréhension et l'ouverture est c'est le moyen efficace de rénovation et de restructuration de soi et de la vie ! On ne devient jamais artiste, écrivain ou artisan sans passion ! La passion est à l'origine de toutes les bonnes actions. L'absence de passion peut mener à tous les vices ! Bref, l'écrivain est donc un homme passionné, toujours soucieux d'agir pour le bien d'autrui, de son pays ! En somme, je ne suis qu'un homme qui affectionne la modestie et déteste l'arrogance... » Mabrouk Manaï a parlé dans son bref discours de ses débuts littéraires et des étapes par lesquelles s'est forgée sa vocation artistique et littéraire : « Dès ma prime enfance, j'ai été émerveillé par le travail artisanal de l'argile en épiant les femmes potières de mon village qui le façonnaient à la main pour obtenir enfin un ustensile de cuisine ! Peu à peu, j'étais passionné pour le dessin et la peinture pour arriver enfin, grâce à mes nombreuses lectures, à l'écriture qui est pour moi une forme d'expression artistique. J'ai publié des centaines de textes littéraires dans les journaux tunisiens à travers les années et je fus admis en tant que membre de l'UET et membre du Club de la nouvelle. J'ai dans mon répertoire trois recueils de nouvelles et un roman... » Quant à Jalal El Mokh, il a exprimé sa fierté d'être honoré le même jour avec une sommité littéraire de Tunisie qu'est Hassen Nasr, ainsi qu'en présence de l'écrivain Mabrouk Manaï. Il a souligné l'importance de cette cérémonie qui lui avait procuré l'occasion de revoir ses amis écrivains de la région de Ben Arous. Il a parlé brièvement de son parcours littéraire : « J'ai commencé à écrire dès mon jeune âge, début des années 90, avec la publication de cinq livres à la fois ! Aujourd'hui, j'en suis à mon 25è livre. Tout ce que j'ai à dire, c'est que j'ai la passion d'écrire et j'espère écrire des choses qui plairont aux lecteurs pour qui je n'épargne aucun effort afin qu'ils soient satisfaits et reconnaissants de ce que je fais pour le mieux de la littérature tunisienne...» A la fin de la cérémonie, les trois talentueux écrivains ont été gratifiés chacun d'une récompense en signe de reconnaissance à leurs œuvre littéraires.