« Dessine-moi un Nouveau Monde » est le deuxième recueil de poésie de Mohamed Sghaier Gasmi. Ce nouveau recueil fut l'objet d'une séance de dédicace, vendredi dernier, au siège de l'Union des Ecrivains Tunisiens, dans le cadre des activités du Club Francophone, présidé par l'écrivain Habib Falfoul. Le recueil a été présenté par Fethia Brouri, nouvelliste tunisienne dont les commentaires furent ponctués par la lecture expressive de certains passages par le poète lui-même. Constitué de 53 poèmes, composés tantôt en vers libres tantôt en vers métriques, le recueil aborde des thèmes variés touchant au vécu quotidien, aux expériences personnelles, ainsi qu'aux questions sociopolitiques. Chaque poème comporte la date et souvent le lieu où il a été écrit, allant de Gafsa et Metlaoui dont le poète est originaire, en passant par Sousse, comme s'il voulait exprimer les sentiments éprouvés en ces lieux et à ces moments-là. M.S. Gasmi a fait preuve, comme vrai poète, d'être sensible à ce qui l'entoure en l'exprimant avec une débordante effusion poétique. Il a senti, exalté et fait écho de l'attrait exercé sur lui par, d'abord, son terroir et ses racines – le poète étant originaire du Sud-ouest de la Tunisie – et, ensuite, des événements qu'il a vécus lors de Révolution de 2011 et de ses retombées sur la vie des Tunisiens. Dans son poème : « Redresse-toi et lève la tête », il s'adresse au citoyen tunisien l'incitant d'être toujours fier, orgueilleux, noble et majestueux d'être capable d'atteindre les sommets : « Lorgne l'horizon et les comètes/ Côtoie les cimes et les hauts lieux/ Redresse-toi et lève la tête/ Tente te hausser jusqu'aux bleus cieux. Mais également, il ne cesse de susciter chez le lecteur l'amour de la nature et de la vie rurale, ce paysage qui insuffle chez le poète l'inspiration poétique, comme dans son poème intitulé « Le jardin », où l'on peut lire : « En jardinier seul dans mes champs/Bêche en main et ratissoire/ Je sarcle là où poussent mes chants/ Et mon calame sert d'arrosoir. Et comme tout poète, il a chanté l'amour et l'amitié, ces grandes valeurs humaines qui doivent s'implanter dans notre société : Dans son poème « Emargements en mots d'amour », on peut lire : « Toi le soleil de la beauté/Rendant mes jours pleins de gaité/ J'écris je « t'aime » sur tous les toits/ Je grave ton nom sur roche et bois. Ou encore dans ce poème où l'on fait l'éloge de l'amitié, un texte composé sous forme de quatrains dont les trois premiers vers riment ensemble et le quatrième de chaque strophe porte la même rime, on peut relever ces quelques vers : « j'aime que tu crèches au fond des cœurs/Pour y planter joies et bonheurs/ Envoyer au vent toutes les rancœurs / T'y faire bâtir un nid de soie. Notre poète est un grand passionné pour les mots, trouvant souvent son refuge dans l'écriture, comme si cette activité lui redonne calme et sérénité, mais aussi un exutoire bénéfique pour l'âme et l'esprit. Lisons ces quelques vers puisés dans son poème intitulé « Si quelquefois » : « Quand les doux mots te turlupinent/ En te créant des insomnies/ Laisse le crayon fier de sa mine/ Ecrire des chants vantant la vie ». De même, dans son poème en vers libres « J'adore la plume », le poète exprime cette grande passion de l'écriture en disant : «Pourquoi Bon Dieu/Je boude l'idée/ Qui chante et danse/ Et je me tais/ Faisant la tête/Et la sourde oreille/Aux mots sacrés/Très pris de transes/Dans les moments/De la révolte/Et de la rébellion. D'ailleurs cet amour déclaré aux mots est un sujet récurrent qu'on peut retrouver aussi dans d'autres poèmes comme « Au gré des mots », « Des mots »... La nostalgie est l'autre question soulevée par le poète : ce mal de pays ressenti par les grands poètes est également éprouvé par M.S.Gasmi à travers ses poèmes pleins d'épanchement doux et tendres où il se souvient des années d'enfance et de jeunesse. A ce propos, on peut lire dans le poème intitulé : «C'était hier, c'était très beau » ce qui suit : « Petits enfants/Tout nous était majestueux/Et les couleurs belles et vives/Petits morveux, gais et joyeux/ Pressés toujours, âmes hâtives/Tous des coquins, peu vertueux/ Comme la poudre, l'âme bien vive. La Révolution de 2011 est également évoquée par notre poète qui, à vrai dire, semble avoir son propre point de vue de cet événement qui a bouleversé la société tunisienne et a ébranlé plusieurs régimes arabes, si bien qu'on peut remarquer un certain ton dédaigneux, sceptique et désespéré quant aux éventuels espoirs de cette révolution, sachant que le poète en évoque seulement les aspects négatifs et le chaos qui s'en est suivi, en s'emportant ainsi contre les mauvaises conséquences engendrées par cette révolution. Loin de l'aborder en termes élogieux, comme l'ont fait bon nombre de poètes tunisiens et étrangers, le poète en parle plutôt sur un ton ironique. On peut donc lire dans ce poème au titre qui semble dévalorisant, étant suivi de points exclamatifs et interrogatifs : « Cette fameuse révolution !!? » où l'on peut lire : « Une ère nouvelle, tant espérée !!?/ Je vois partout des malfaiteurs/ Et des voyous, la peur semant/Des sales bandits et des dealers/ Tueurs de gens suceurs de sang/ Et dans les rues tant de voleurs/Zens et tranquilles emplument les gens. / Une ère nouvelle, tant souhaitée !!?/ Les gens sont morts pour le marché noir/Pour le chaos dans toutes les villes/ Les laids auvents sur les trottoirs/ Montés en hâte par des débiles/ Chacun se crée un territoire/Comportement fort incivil/ Une ère comme ça !! Ah ; non ! Merci ! » Ce recueil de poèmes, de par la variété de thèmes, semble toucher à toutes les préoccupations aussi bien du poète que celles des lecteurs. Ecrit dans un style poétique assez riche en images évocatrices et en belles métaphores, le recueil est accessible à tous, enfants, jeunes et adultes, car il évoque des sentiments humains, universels.