Protéger efficacement les enfants contre les abus sexuels et définir le rôle des différentes composantes de la société civile dans ce combat : telles étaient les thématiques abordées hier lors de l'atelier organisé par le Conseil de l'Europe et le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance. Un séminaire qui a réuni près d'une vingtaine de représentants d'associations tunisiennes œuvrant dans le domaine de la protection de l'enfance et des droits des enfants ainsi que des délégués régionaux de l'enfance venus aborder cet épineux sujet et proposer des solutions radicales et pragmatiques pour lutter contre ce fléau qui connaît, d'après les déclarations de la ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, une dangereuse recrudescence au cours de ces deux dernières années. En effet, si seuls 262 cas de violences et abus sexuels ont été déclarés aux autorités compétentes en 2013, cette année le nombre est de 601 cas. Plus de 51% de ces enfants ont subi un harcèlement sexuel et des attouchements alors que 33,2% d'entre eux ont été contraints à avoir une ou plusieurs relations sexuelles forcées avec des adultes. De même, 27% d'entre eux ont été exploités ou agressés via internet et les réseaux sociaux. « Protéger les enfants tunisiens des dangers qui les guettent et des adultes qui veulent abuser d'eux sexuellement est un engagement personnel, collectif et institutionnel. Pour ce faire, toutes les parties doivent travailler à l'unisson, aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale car cette problématique ne concerne pas seulement la Tunisie mais tous les pays du monde. » Pour sa part, William Massolin, chef du bureau du conseil de l'Europe en Tunisie, a réitéré l'engagement de son organisme à combattre ce fléau en partenariat avec tous les Etats membres et toutes les parties signataires de la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels. Ce document est considéré par les experts internationaux comme une avancée majeure dans la prévention des infractions à caractère sexuel à l'encontre des enfants, les poursuites contre les auteurs de ces infractions et la protection des enfants victimes. En signant cette convention, les Etats s'engagent à établir des mesures de prévention et de protection efficaces des enfants en formant notamment les personnes travaillant au contact des enfants mais aussi en informant les enfants eux-mêmes et selon leur capacité de compréhension, des risques d'exploitation et d'abus sexuels pour qu'ils puissent prendre conscience du danger et qu'ils sachent s'en protéger. Les articles de la convention incluent également des mesures de droit pénal et des sanctions mais aussi un volet dédié aux enquêtes et aux procédures judiciaires. La Tunisie a toujours placé l'enfant et ses droits au cœur de sa politique sociale, du moins sur papier. Mais loin de la paperasse administrative et de la propagande institutionnelle, qu'en est-il vraiment ? La Tunisie protège-t-elle suffisamment ses enfants et notamment des risques d'abus sexuels ? L'affaire du pédophile français qui a violé 41 enfants à Sousse en 2001 a percé à jour de nombreux manquements à ce sujet et il aura fallu une pression médiatique et une forte mobilisation pour que les autorités concernées prennent en main ce « dossier de la honte » et lancent une procédure juridique en Tunisie. Interrogée sur l'avancement de l'enquête, Samira Meraï a déclaré que 26 des 41 enfants ont pu être identifiés. Si bon nombre d'entre eux sont actuellement pris en charge par les autorités compétentes, d'autres, devenus des délinquants, croupiraient actuellement en prison et certains seraient même morts.