Le Premier ministre, M. Youssef Chahed a annoncé à la Télévision nationale, une batterie de mesures touchant plusieurs volets de l'économique et du social, en passant par l'environnement et la bonne gouvernance. Voilà qui est bien fait et bien perçu, parce que ça permet de dire au moins que le chef du gouvernement est bien informé des réalités du pays, de sa crise grave à certains niveaux de la culture du travail et du déficit d'investissement et de la nécessité d'une démarche pragmatique et palpable sur le terrain ! Il est vrai que nous avons fait, en cinq ans, le plein, à saturation, de tous les débats « d'idées », de « programmes », de polémiques interminables harassantes, passionnelles et passionnées, pour arriver à la fin, dos au mur, à cette loi universelle et tranchante, portée par une phrase de grande vérité du philosophe, poète et critique français, Nicolas Boileau : « La critique est aisée... mais, l'art est difficile » ! Nous avons passé six fois « 365 jours » (comme le temps passe vite), à dialoguer sur le sexe des anges, dans le propre et le figuré, à faire la fête du printemps démocratique, à chanter, comme ces cigales étourdies, totalement déconnectées des réalités du monde d'aujourd'hui, marquées par la concurrence rude, implacable et sans merci ni « amis », à dépenser aussi, sans compter en puisant dans les réserves et la « Aâoula » de nos mères et grands-mères, et de tous ceux qui ont trimé leur vie durant pour faire de ce pays, un espace viable et enviable et pour le placer à la 30ème place dans le concert des Nations qui comptent au niveau de la compétitivité et du savoir-faire en général. Nous avons augmenté les salaires et les primes (de je ne sais quoi, ça ne se compte plus), à volonté et nous avons indemnisé des « militants » politiques « réprimés » du temps de l'ancien régime à hauteur de plus de 1000 milliards de nos millimes, tout cela sans prévoir l'hiver de ces « printemps arabes » de l'illusion démocratique et de l'abondance surréaliste, parce qu'impossible dans un monde frappé par la récession, y compris dans des pays leaders, comme l'Europe ! Nous avons chanté tous ces « étés des magiciens », tantôt en « islamiste » acharnés, en nous promettant le « paradis » salafiste tout en noir, et tantôt, en « brigades rouges » pacifistes, certes, mais promettant un tout autre « paradis », celui de la « République des fonctionnaires », où 11 millions de Tunisiens seront pris en charge par l'Etat de toutes les providences et de toutes les charités ! Nous avons fait tout cela, puis, jour après jour, le rêve a pris l'allure du cauchemar et le réveil a été plus que décevant... amer et démoralisant ! Les caisses sont vides, des milliers d'entreprises ont quitté le pays ou mis les clefs sous le paillasson. Le chômage est passé de 400.000 demandeurs d'emplois à 800.000, donc, du simple au double, du fait de l'accumulation des pertes d'emplois suite aux grèves, sit-in et lock-out, qui ont accompagné nos jours et nos nuits pendant toute cette période postrévolutionnaire. L'investissement a décru. Du coup, l'endettement a plafonné à plus de 62% du PIB, et le dinar tunisien, comme tout ces « keffers » (mécréants) diabolisés par les prédicateurs des ténèbres, a été promis et jeté en enfer ! Côté infrastructure et environnement, nous n'avons plus de yeux pour pleurer... ! Les villes tunisiennes sont devenues de véritables décharges à ciel ouvert et des « maisons de larmes » comme du temps du Bey et souverain Ali, en 1882 ! La construction anarchique, le manque de moyens et l'absence d'imagination a fait le reste... Aujourd'hui, toutes les canalisations d'eaux usées et pluviales sont soit bouchées, soit dépassées en calibrage et en volume. Par conséquent, il faut plus qu'une dimension herculéenne, pharaonique ou romaine, pour remettre ce pays sur la voie du progrès. Plus que des bâtisseurs, il faut un vaccin de la « raison », pour chaque tunisien du Nord au Sud et d'Est en Ouest ! M. Chahed ne désarme pas et il semble y croire... c'est tant mieux ! Mais, toutes les mesures annoncées, sont théoriquement bonnes à prendre, à une condition et une seule... qu'elles soient exécutées... rapidement ! Pour cela, il n'y a pas de miracle. Il faut le terrain ! y aller au cas par cas, avec un compte à rebours, pour chaque mesure et projet, en fixant des délais impératifs et avec obligation de résultat. C'est la recette « Bourguiba », quand la Tunisie, en 1956, n'avait rien ou presque ! Le « combattant suprême » et tous les militants sincères ont mobilisé les hommes et la terre. Les régions étaient en effervescence continue, non pas dans les luttes sociales et de revendications permanentes, mais de véritables ruches d'abeilles, pour bâtir le pays dans tous les domaines. Bourguiba avait une phrase qui revenait tout le temps dans ses discours « Yejibou an nakhlika mina eddhoôf kouwa »... ou (il faut créer la force à partir de la faiblesse ). Aujourd'hui, les paramètres ont changé, mais la « culture » des bâtisseurs reste la seule recette capable de faire sortir la Tunisie de ce marasme chronique et structurel immense. Ce matin même je lisais encore certaines réactions au discours, sincère du Premier ministre Chahed, et je voyais à quel point certaines parties sont encore irresponsables et inconscientes puisqu'elles continuent à exiger des « droits » qu'elles n'ont pas mérités, au nom d'arrangements avec les gouvernements précédents accordés et acquis sous la pression et la menace de blocage de la production et de la vie toute entière du pays ! Le jour où ces mêmes parties comprendraient que leur irresponsabilité déborde de toute part, qu'elle devient nuisible et qu'il est temps de revoir leurs exigences à la baisse et au raisonnable, la Tunisie pourra espérer une sortie de crise rapide. Mais, je n'ai pas l'impression que c'est le cas ! Novembre annonce une chance unique à la Tunisie de mobiliser ses soutiens et ses amis nombreux dans le monde ! Pourvu qu'on leur donne une image nouvelle et positive de la Tunisie de toujours... La Tunisie qui sait se relever après une chute passagère ! Le forum de l'investissement qu'on annonce, s'avère déjà très prometteur mais il faut arrêter les surenchères revendicatives. Malgré tout cela et au vu de ces premières mesures annoncées, Youssef Chahed annonce un bon conducteur... mais la « mécanique » doit suivre... y compris, celle qui bloque et met les bâtons dans les roues ! K.G