Malgré les défis et les difficultés rencontrés, Béji Caïd Essebsi a réussi son pari de former un gouvernement d'union nationale présidé par un jeune dirigeant issu de Nidaa Tounes. Un mois et quelques poussières plus tard, le président de la République a accordé une interview à nos confrères de « Akher Khabar » où il est revenu sur l'actualité du pays. Au niveau économique, le chef de l'Etat a précisé que le FMI n'a jamais demandé à la Tunisie de renvoyer des fonctionnaires mais il a demandé à ce que les recrutements soient gelés le temps que la crise passe et que la relance économique se réalise. Dans ce cadre, Béji Caïd Essebsi a expliqué que l'Etat tunisien ira dans ce sens et que les recrutements dans la fonction publique connaîtront une nette réduction. Il aurait fallu expliquer un peu mieux ici puisque lorsqu'on parle de réduction (ou de suspension selon le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Imed Hammami) au niveau de ces recrutements, on pense automatiquement aux secteurs sanitaires, éducatifs et sécuritaires: ne doit-on donc pas avoir plus de précision sur recrutements selon les besoins ? Evoquant le dossier de la lutte contre la corruption, le président de la République a avoué que l'Etat de droit en Tunisie est devenu très faible et qu'il faudrait punir tous ceux qui travaillent et créent des fortunes en violant la loi. Pour lui, la corruption était, sous le régime de Ben Ali, installée chez quelques milieux bien connus alors qu'elle est devenue, aujourd'hui, omniprésente partout. Béji Caïd Essebsi est même allé jusqu'à dire qu'il existe des mafias qui ont exploité la faiblesse et la fragilité de l'Etat pour faire mainmise sur les médias et les institutions économiques en utilisant l'argent sale. Que le président de la République délaisse la langue de bois pour aller directement au cœur des sujets qui fâchent, cela ne peut être que positif. Par contre, il n'est pas raisonnable de voir, presque continuellement, les grands responsables de l'Etat faire l'état des lieux de la situation économique, juridique et autre du pays sans passer à l'acte. Le nouveau pouvoir en place est installé depuis janvier 2015, indépendamment des changements (un remaniement, un changement de gouvernement et un très probable autre remaniement ministériel qui aurait lieu bientôt selon nos sources), et on a l'impression qu'aucune vraie réforme (populaire ou pas) n'a été initiée... Sur le volet personnel, Béji Caïd Essebsi, et comme il nous y a habitués, n'a pas mâché ses mots pour contrer toutes les campagnes qui l'ont visé ces deux derniers mois. Déclarant s'être rendu, dernièrement, à Paris pour effectuer des contrôles médicaux habituels vu son âge, le chef de l'Etat a expliqué qu'il refuse de « céder au terrorisme intellectuel qu'exerce Moncef Marzouki contre lui en utilisant, tout le temps, des rumeurs concernant sa santé ». Caïd Essebsi n'a pas raté l'occasion pour faire un petit clin d'œil aux « politiciens qui utilisent son état de santé pour bâtir leur avenir ». Selon BCE, la loi ne l'oblige pas à publier son dossier de santé mais sa conscience lui dicte de démissionner au cas où il tomberait très malade et serait empêché d'effectuer sa mission. Il est vrai qu'il n'existe pas (encore) une loi en Tunisie qui oblige le président de la République ou le chef du gouvernement à rendre public leur dossier médical. La question n'aurait peut-être pas été posée si le sujet n'avait pas été évoqué par quelques dirigeants de Nidaa Tounes qui avaient, lors de la campagne électorale présidentielle, réclamé que Marzouki publie son dossier médical pour prouver qu'il n'a jamais été admis dans un asile psychiatrique en France... Pour finir, Béji Caïd Essebsi a été invité à commenter l'actuelle crise qui secoue Nidaa Tounes depuis le lendemain des élections. Pour le fondateur du mouvement, la crise sera, petit à petit, dépassée. Il a d'ailleurs expliqué qu'elle était prévisible vu le caractère hétérogène de la composition du Nidaa et vu les ambitions et les manœuvres de certains qui ont alimenté la tempête. Là encore, le président a oublié de mentionner deux éléments importants. Le premier concerne la prévisibilité de ce que vit Nidaa Tounes: la crise n'a pas commencé au lendemain des élections mais après l'entrée fracassante de Hafedh Caïd Essebsi aux institutions du mouvement en mars 2013. Le second élément qui a fait empirer la situation est le refus de Béji Caïd Essebsi, avant les élections et avant son départ pour le palais de Carthage, de la tenue d'un congrès électif qui, rappelons-le, se fait toujours attendre.