Les entreprises publiques ont, longuement, supporté le poids des recrutements à outrance et la nonchalance de l'administration. L'esprit de « Rizk el Bilik » (les biens publics qu'on peut dilapider) a toujours régné et, aujourd'hui, malgré les multiples tentatives, ces entreprises ne décollent pas et demeurent, pour la plupart, déficitaires et dépendantes des financements de l'Etat. Y a-t-il un moyen de rendre ces entreprises compétitives, à l'état actuel des choses et y a-t-il une véritable volonté pour les faire sortir de l'état de stagnation et de décrépitude pour les transformer en véritables outils de développement ? Des banques publiques, des entreprises et des services en pleine débandade, avec des procédures administratives qui trainent en longueur, en plus d'un surnombre d'employés qui n'ont rien à faire, pour la majorité, une masse salariale très importante et qui dépasse les recettes et les chiffres d'affaires, et un laisser-aller flagrant des dirigeants, tel est le spectacle désolant que présentent les entreprises publiques, depuis toujours en Tunisie. Certains pensent qu'il est trop tard pour remettre ces entreprises sur les rails, surtout avec des dirigeants, des cadres et un personnel qui pense que c'est une obligation pour l'Etat de le payer, à la fin du mois, même s'il ne fournit aucun effort dans le travail. Pire encore, personne n'a osé perturber le fait accompli et toute tentative de réforme fait face à des réactions démesurées de la part des différentes catégories d'employés Absence de volonté des responsables Dans ce sens, il apparait de prime abord que les responsables nommés à la tête de ces entreprises publiques ne sont pas au fait de leur fonctionnement et ils sont, le plus souvent, entourés par les clous rouillés (Traduisez : les bras cassés et les rapporteurs) qui veulent garder leurs privilèges, tout en léchant les bottes de leur supérieur. Le résultat est que ce responsable devient une marionnette entre les mains de ces magouilleurs, lorsqu'il comprend l'état des lieux, ce qui ne lui donne pas une large possibilité de manœuvre pour remédier à la situation et tenter de réparer les dégâts. C'est pourquoi les présidents- directeurs généraux se succèdent, sans que rien ne change, dans plusieurs de ces entreprises dont certaines échappent à cette situation, bien sûr, parce qu'il ne faut pas généraliser, mais ce ne sont que les exceptions qui confirment la règle. Les entreprises publiques, comme l'administration tunisienne, continuent à supporter le poids des recrutements à outrance sur la base du copinage et du favoritisme, ainsi que celui d'une masse salariale d'envergure qui épuise les ressources et oblige l'Etat à leur consentir des budgets qui auraient pu mieux servir ailleurs. Les banques publiques vraiment « restructurées » ? Certes, on a parlé, récemment, de la restructuration des banques publiques, mais la manière y était-elle vraiment ? Sinon, comment expliquer que, dans ces banques, les services sont des plus médiocres, avec une répartition des tâches qui laisse vraiment à désirer, avec des queues de clients qui s'allongent et s'étirent, sans que personne ne tente d'y remédier. Si vous avez le malheur d'être un client d'une banque publique, vous devez prendre votre mal en patience et attendre, patiemment votre tour, pour être servi. Dans les guichets d'une agence d'une banque publique, il y a une seule caisse et un seul caissier, alors que l'armada des autres agents se tourne les pouces, avec l'un qui est chargé de délivrer les carnets de chèques et les cartes magnétiques, un autre chargé de prendre en charge les chèques délivrés par les clients, un autre pour vous délivrer un extrait de compte, et j'en passe encore, surtout que l'agence compte un grand nombre d'agents le plus souvent inefficaces. Si on fait la comparaison avec une agence privée, tout le monde peut comprendre qu'il y a un grand fossé à combler, surtout que les deux ou trois agents des guichets ont des fonctions multiples, en étant caissier et en ayant la charge de vous livrer un extrait de compte, de vous remettre votre chéquier ou votre carte magnétique et de vous conseiller, si nécessaire. Ces agences comptent, en plus, un conseiller clientèle, un chef d'agence et son adjoint, au grand maximum. Tunisie Telecom et les grands moyens L'exemple de Tunisie Telecom est, aussi, très édifiant, bien que cette dernière ait tous les moyens pour être performante et la pointe de l'efficacité. La comparaison avec les autres fournisseurs de services de téléphonie n'est pas possible, au niveau du personnel, des édifices, des services des agences et de la réactivité. On se rappelle le temps où cette entreprise, actuellement semi-publique, avait le monopole du secteur et où elle faisait payer ses services à prix d'or, avec la nécessité pour le client de payer la somme de 120 dinars pour obtenir une puce de téléphonie mobile et d'acheter une carte à 20 dinars, faisant de ce service un privilège, alors que d'autres pays nous avaient dépassés à ce niveau Il nous suffit, aussi de voir l'envergure des agences de Tunisie Telecom qui sont, parfois des immeubles imposants à plusieurs étages, alors que celles des autres fournisseurs de téléphonie et d'internet sont beaucoup plus modestes, avec un maximum de cinq à six agents qui mettent tous la main à la pâte pour servir le plus efficacement possible leur clientèle. Pourtant, Tunisie Telecom a les moyens pour mieux faire et, même, exporter les services des compétences tunisiennes à l'étranger, avec plus d'efficacité et de rentabilité. Les établissements médiatiques au bas de l'échelle Depuis quelques années, les organes de presse et de communication fleurissent sur la scène médiatique tunisienne, avec de nouvelles radios, télévisions, journaux et sites internet privés qui tirent leur épingle du jeu et qui gagnent de l'argent. Entretemps, nos radios nationales et notre télévision publique continuent à s'accouder sur les finances de l'Etat et, pire encore, pomper l'argent du contribuable. Les radios et les télévisions privés gagnent de l'agent, alors que ceux publics continuent à bénéficier des fonds publics et qu'une taxe dite RTT est imposée au citoyen, avec sa facture d'électricité et de gaz. Pourtant, ces entreprises publiques, précisons bien, qui sont à but lucratif, bénéficient de nombreux avantages, avec la publicité, notamment, mais le nombre exorbitant des employés dont certains ne se rendent pas à leur travail, pèse de tout son poids sur la masse salariale. Pire encore, les émissions programmées sur ces chaînes radio et télévision publiques ne répondent pas, pour la plupart, au goût du citoyen et ne progressent pas de la manière escomptée. C'est le cas, aussi, des journaux publics qui sont submergés de publicité, mais qui ont un bilan déficitaire à la fin de l'année et on se demande où se situe la faille. C'est le cas, encore, pour l'agence Tunis Afrique Presse qui continue à bénéficier d'un budget fourni par l'Etat, mais qui ne fournit aucun effort dans le domaine de la commercialisation de ses produits. Certes, ces médias bénéficiaient des privilèges de l'Etat, lorsqu'ils étaient des moyens de propagande pour le pouvoir, mais, aujourd'hui, les temps ont changé et l'Etat doit les booster pour qu'ils soient plus indépendants et chercher à couvrir leurs besoins et, pourquoi pas, faire des bénéfices. Des avertissements depuis longtemps Houcine Dimassi, ancien ministre des Finances avait indiqué, en 2012, que le déficit des entreprises publiques se situait, au cours de l'année indiquée, au niveau de deux millions de dinars, ajoutant que la compagnie aérienne Tunisair a rejoint le contingent des entreprises en difficulté. Pour sa part, l'ancien chef du gouvernement, Mehdi Jomaâ, a précisé que les 27 entreprises publiques souffrent d'un déficit de l'ordre de 3 milliards de dinars et a affirmé, lors d'une conférence de presse, tenue en mai 2014, que la privatisation des entreprises publiques qui font face à des difficultés financières et à des déficits n'est pas dans les projets du gouvernement, ajoutant que son objectif est la réforme. Une vraie bombe à retardement L'ancien gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli, avait mis le doigt sur la plaie, depuis le troisième trimestre de 2013, en expliquant que le volume des salaires à l'administration centrale a augmenté de 47% en trois ans. Il a précisé que les dépenses sur les salaires ont atteint, en 2013, le taux de 16,4 du PIB, un taux jugé très élevé. Paradoxalement, au lieu de s'améliorer, la productivité a baissé. Selon M. Nabli, les salaires ont augmenté, l'effectif administratif a augmenté mais, en parallèle, la production a baissé, d'où la constatation d'un grand déficit des entreprises publiques. Il a alerté: «Ce déficit est une vraie bombe à retardement qui menace l'économie tunisienne. Si cela continue, un jour ça éclatera!». Comme mesure préventive, il a proposé: «on peut commencer, par définir des objectifs de résultats au niveau des entreprises publiques individuellement, afin d'améliorer la productivité. Ceci peut être la première piste qui pourrait nous faire avancer un peu!». Par ailleurs, M. Nabli avait, aussi, abordé la question polémique autour des nominations au sein de l'administration, en affirmant: «Il est grand temps de mettre en place des règles et des normes transparentes et objectives dans les nominations, afin de s'éloigner le plus possible des pressions et des considérations politiques, faute de quoi, ce fléau de nominations partisanes peut finir par détruire l'administration tunisienne». Toujours considéré comme le signe de la faillite et de la mauvaise gouvernance, le secteur public est aujourd'hui un fardeau pour l'Etat, et qui paie les frais de son soutien aux politiques gouvernementales. Plusieurs entreprises publiques sont en difficultés financières, ce qui pèse sur le budget de l'Etat déjà en souffrance. Les pertes s'accumulent et les difficultés empirent, comme l'a souligné le journal « L'Expert », depuis l'année 2013. L'Etat continue à supporter les charges de nombreuses entreprises publiques tout en n'ayant pas les moyens de les contrôler ou d'avoir un droit de regard, alors que tout l'argent injecté dans ces entreprises peu ou pas compétitives peut servir à la création de postes d'emploi, dans plusieurs autres secteurs de développement, ainsi qu'au développement de régions déshéritées. Responsabiliser les dirigeants de ces entreprises Toutefois, il est certain que les responsables nommés à la tête de ces entreprises assument leurs responsabilités et ne se confinent pas, seulement, dans leurs privilèges et dans leur confort personnel. Toujours considéré comme le signe de la faillite et de la mauvaise gouvernance, le secteur public est aujourd'hui un fardeau pour l'Etat et paie les frais de son soutien aux politiques gouvernementales. Mais ces temps sont révolus et ces entreprises publiques ont le devoir de devenir performantes, afin d'aider à l'essor du pays, surtout qu'elles coûtent cher au budget de l'Etat. Nos décideurs politiques doivent, pour leur part, prendre les choses en main et exiger de meilleures performances de la part de ces entreprises, afin qu'elles ne demeurent pas un fardeau lourd à supporter.