Absence de réactivité et politique du fait-accompli Des clivages politiques qui gangrènent les finances publiques youssef Chehed rt Rached Ghanouchi Le Temps – Tous les analystes et experts financiers sont unanimes à déclarer que l'augmentation du taux d'intérêt directeur de 100 points et une décision inadaptée à la conjoncture, surtout qu'elle ne fera que réduire le pouvoir d'achat et la consommation, tout en portant un coup dur à l'investissement qui bat de l'aile, avec des réticences de partout et l'absence de confiance des opérateurs économiques locaux et étrangers. Mais, le gouverneur de la BCT voit les choses autrement et applique les décisions du FMI à la lettre. Des explications peu convaincantes et des analyses qui ne correspondent pas à celles véhiculées entretemps, notamment au niveau des circuits informels et de l'argent qui y circule, sont les constats tirés, à l'issue de l'audition du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), à l'Assemblée des représentants du peuple. Les études révèlent que les sommes qui circulent en dehors du secteur formel sont de l'ordre de 4 milliards de dinars et non pas 12 milliards, a déclaré le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, ajoutant qu'un milliard ou 2 milliards de dinars circulent dans les régions frontalières (Libye et Algérie) et sont utilisés dans le secteur du tourisme. Intervenant en plénière consacrée à l'examen de la décision de la BCT d'augmenter le taux d'intérêt directeur, Abassi a ajouté que l'accord avec la banque centrale libyenne a permis d'améliorer le commerce bilatéral entre la Tunisie et la Libye, qui est passé de 400 Millions de dinars (MD) à près de 1,2 milliards de dinars. Danger pour la paix sociale Certains députés intervenus après l'allocation prononcée par Abassi, ont exprimé leur refus des explications présentées par le gouverneur qui a imputé la hausse du taux d'intérêt directeur à l'inflation. Pour le député Amar Amroussia, la décision de la BCT s'inscrit dans le cadre de l'application des directives du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), d'où la nécessité de renoncer à cette décision qu'il a qualifié de « dangereuse sur la paix sociale « . Le député Ghazi Chaouachi s'est, pour sa part, interrogé sur l'intérêt de poursuivre cette politique qui a montré ses limites. » Tout porte à croire que l'augmentation du taux d'intérêt directeur n'a pas permis de baisser le taux d'inflation, qui est de l'ordre de 7,1% « , a-t-il encore ajouté. Le député Haykal Belgacem a évoqué les profits des banques qui ont frôlé les 15,6% au cours de l'année 2018, soulignant que ces bénéfices proviennent des crédits de consommation, lesquels seront influencés par le taux d'intérêt directeur. « La décision de la BCT de relever le taux directeur a été prise sur mesure pour servir les intérêts des décideurs financiers », a estimé le député. Au cours de son intervention, Abassi a indiqué que l'inflation reste l'ennemi numéro un de la stabilité économique. « Si le gouvernement ne prend pas la décision à temps, au moment opportun, les impacts économiques seront désastreuses », a-t-il encore précisé. Et d'ajouter qu'à cause du rythme ascendant de l'inflation au cours de la période 2015/2016, nous nous sommes retrouvés dans une zone négative, ajoutant que le conseil d'administration de la BCT a, justement, pris la décision d'augmenter le taux directeur afin d'éviter une inflation à deux chiffres. Le gouverneur de la BCT avait également évoqué le lien étroit entre l'inflation et la consommation des produits importés, ajoutant que « les pays exportateurs sont les bénéficiaires et non pas la Tunisie, d'où la nécessité de maitriser la consommation de ces produits importés ». Les billets de 50 DT en question Plusieurs difficultés d'ordre techniques et juridiques expliquent l'absence de décision de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) de retirer de la circulation le billet de 50 dinars pour limiter l'économie parallèle. Selon un document de la BCT, dont une copie est parvenue à l'agence TAP, une période entre 4 et 6 ans est exigée pour imprimer de nouveaux billets moyennant un coût de 200 millions de dinars. Le gouverneur de la BCT s'est appuyé sur ce document dans sa réponse lundi aux questions des députés lors d'une plénière, pour expliquer la décision de la BCT d'augmenter le taux directeur de 100 points de base, passé de 6,75% à 7,75%. L'absence de dispositions obligeant les personnes désirant changer les billets à ouvrir des comptes auprès des banques pour dévaluer la valeur de ces billets, expliquent l'absence de la décision relative au retrait de ces billets. D'après le gouverneur de la BCT, plusieurs pays, à l'instar l'Inde et le Venezuela qui ont adopté la même démarche n'ont pas enregistré des résultats probants en la matière. Selon le même document, la BCT a déjà pris des mesures nécessaires pour lutter contre l'économie parallèle et limiter l'exploitation de la monnaie dans les opérations de paiement. Il a indiqué que l'institut d'émission œuvre, actuellement, en collaboration avec les différents intervenants dans le système de paiement à favoriser le développement du paiement électronique (paiement par téléphone mobile, cartes bancaires, internet). « La BCT est en train d'examiner, actuellement, la possibilité de réduire le tarif des services bancaires relatifs au paiement électronique afin d'inciter les citoyens à entreprendre des opérations de paiement électronique et de limiter l'exploitation de la monnaie dans les opérations de paiement « , a souligné le Gouverneur de la BCT. La BCT œuvre, en outre, à accélérer la préparation d'un arrêté concernant la mise en place d'un cadre juridique organisant le contrôle des systèmes et des moyens de paiement.