L'EXPERT – Il y a des « généraux », si on peut les appeler, ainsi, qui ont raté leur carrière, parce qu'ils se font ternes et invisibles, dans l'accomplissement de missions très importantes pour le pays. Leur méthodologie est, souvent, du théorique difficilement applicables dans les plans et programmes de développement. Cela démontre que n'est pas prophète qui veut, et certains responsables sont parachutés à des hauts postes, mais se montrent incapables de remplir leur fauteuil, avec de hauts risques pour l'avenir du pays et le conduire vers un abime sans fonds. L'exemple que nous allons évoquer, ici, est celui de Taoufik Rajhi qui, bien qu'ayant roulé sa bosse auprès des institutions internationales, n'arrive pas à prouver ses compétences, alors qu'il est devenu ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Grandes réformes dans le gouvernement de Youssef Chahed. En 2000, Taoufik Rajhi est agrégé en France en sciences économiques. Enseignant à l'université Panthéon-Sorbonne, il publie plusieurs articles sur la macroéconomie et la théorie de la croissance endogène. En 2004, il commence à travailler à la Banque africaine de développement, où il a occupé plusieurs responsabilités dans le domaine du développement économique et social. Une carrière, sommes toutes, sans gloire, puisqu'elle s'est achevée avec un retour au pays où il a été le président fondateur du Cercle des économistes de Tunisie. Le 14 mai 2015, il est nommé conseiller auprès du chef du gouvernement Habib Essid chargé de la supervision du Conseil d'analyses économiques et du suivi des réformes majeures. Le 12 septembre 2017, il est nommé ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Grandes réformes dans le gouvernement de Youssef Chahed. Il est réputé proche du mouvement Ennahdha. À ce titre, il a présidé la trentième session ministérielle de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale tenue à Beyrouth du 25 au 28 juin 2018, sous le thème de « la technologie au service du développement durable dans la région arabe ». Une affaire de plagiat dans les sacoches Des experts tunisiens ont crié au scandale, affirmant que l'annexe complémentaire à la matrice du programme national des réformes majeures a été en partie plagiée, mettant en cause Taoufik Rajhi, alors conseiller économique auprès du chef du gouvernement, Habib Essid. Ce même président du Conseil des analyses économiques (CAE), Taoufik Rajhi, avait démenti, vendredi 26 février 2016, sur Mosaïque Fm, les informations selon lesquelles l'annexe complémentaire à la matrice du programme national des réformes majeures a été partiellement copiée d'une étude réalisée par la BAD et relative au royaume du Maroc. Malgré le démenti fait par Taoufik Rajhi, l'affaire du « copier-coller » du rapport économique marocain a continué à faire couler de l'encre. Trois économistes tunisiens, Sami Mouley, Sofiane Ghali et Moez Labidi, rédacteurs du programme national des réformes majeures (PNRM), avaient jeté un pavé dans la mare en démissionnant du Conseil des Analyses Economiques, instance qui a organisé la rédaction du programme incriminé. Dans leur lettre de démission, les trois économistes reviennent sur les faits. Ils déclarent que la première version du programme en question, remise aux médias, a comporté une annexe supplémentaire de M. Hatem Salah qu'il a puisée dans une expertise antérieure, réalisée auprès de la BAD pour le compte du Maroc. Selon les trois économistes, « les faits vérifiés relèvent d'une maladresse qui a affecté la crédibilité du CAE », ce qui a provoqué leurs démissions. Cette démission, écrivent-ils, est motivée par leur souci de « préserver la déontologie scientifique, et de défendre l'éthique et l'honnêteté intellectuelle reconnue de tous les universitaires tunisiens. » Il a précisé que l'auteur de l'annexe, l'universitaire Hatem Salah, a participé en 2009 à la rédaction du rapport d'appui au développement du secteur financier au Maroc et qu'il a adopté la même méthodologie pour l'écriture de l'annexe en question. « Les propositions, surtout dans le domaine financier, ne sont pas propres à la Tunisie, ce genre de rapport comporte des propositions et des termes utilisés au niveau international » a souligné le président du CAE. Très proche du mouvement Ennahdha, il devait sa progression au mentor du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, pour être propulsé en tant que ministre, dans le gouvernement de Youssef Chahed, depuis 2017. Fiasco sur toute la ligne Très peu tendre a été Houcine Dimassi, ancien ministre des Finances et expert en économie, en évoquant la politique économique du gouvernement. Intervenant dans Politika, le 29 décembre 2017, il avait considéré que deux responsables sont à l'origine de la débâcle actuelle en Tunisie: Taoufik Rajhi, ministre-conseiller économique auprès du Chef du gouvernement d'union nationale chargé des grands projets de réformes, et Chedly Ayari, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Ce sont des responsables que l'on voit très peu, poursuit l'ancien ministre, mais qui sont pourtant présents depuis la Révolution. « La loi de Finances complémentaire de 2017 comprenait des dépenses faramineuses, totalement inadaptées à la situation du pays. De fait, Taoufik Rajhi a proposé ce que l'on appelle dans le jargon économique le Go and Stop. Autrement dit, la hausse des dépenses de l'Etat. Chose à laquelle je m'étais opposé », a expliqué Houcine Dimassi. Une telle politique, a-t-il souligné, n'est applicable que dans un pays souffrant de surproduction, et ce afin de stimuler la consommation et de rééquilibrer la balance. Or, ce n'était pas le cas de la Tunisie en 2012 qui connaissait, a-t-il rappelé, une baisse de production. « Les conséquences, nous les connaissons et nous les subissons aujourd'hui : inflation, dégringolade du pouvoir d'achat et baisse du cours du dinar », a noté l'ancien ministre des Finances. Dans ce fiasco, il a impliqué, aussi, Chedly Ayari, gouverneur de la BCT, qu'il accuse de ne pas avoir joué, de son côté, son rôle de régulateur. La loi de 2015 relative aux prérogatives du gouverneur de la BCT lui accorde une autonomie totale concernant le taux directeur et le cours du dinar. « De ce fait, cela signifie que le gouverneur avait la possibilité de dire « non » aux mesures inefficaces décidées par le gouvernement », a déclaré l'ancien ministre, qui a fustigé Chedly Ayari pour ne pas s'être opposé à la politique du « Go and Stop » suggérée par Taoufik Rajhi en 2012. « Les injections de l'Etat ont dépassé les 11 milliards de dinars. Ce sont les banques qui ont profité de cette enveloppe. En contrepartie, elles n'ont pas accordé de prêts pour stimuler l'investissement. Chedly Ayari a donc financé le déficit de l'Etat », a encore assuré Houcine Dimassi. Des ratées à la pelle et des programmes inadaptés à la situation économique de la Tunisie, c'est là le bilan de près de deux ans d'un ministre pris dans l'étau du mouvement islamiste Ennahdha et qui a fait preuve d'une incompétence certaine, de l'avis de tous les connaisseurs, les experts et les économistes du pays.