L'EXPERT – C'est le scénario d'un film bas-de-gamme qu'on a commencé à tourner en Tunisie, pour donner l'impression que les tractations menées pour former le gouvernement sont sérieuses, alors que tout pousse à croire que ce sont de nouvelles manigances pour « apeurer » les députés et les partis politiques représentés à l'ARP pour leur faire craindre la possibilité d'élections législatives anticipées, dans lesquelles ils risquent de perdre leur place. Il y a, aussi, le choix du chef du gouvernement désigné, présenté comme un indépendant, alors qu'il avait fait partie des choix d'Ennahdha, pour les gouvernements de Hamadi Jbali et Ali Larayedh et qui, selon certaines pages Facebook, n'a pas les diplômes dont il se prévaut. A tout cela, il faut ajouter la mosaïque de l'ARP, avec l'impossibilité d'aboutir à un vote de confiance pour le gouvernement, sans un consensus entre Ennahdha et Qalb Tounès qui est un pion incontournable, en plus d'autres petits partis « satellites ». C'est à ce propos qu'on a le droit de nous penser que Habib Jemli ne serait qu'un « leurre » et qu'il faut attendre la désignation d'un autre chef du gouvernement, après l'échec du premier. Et celui-là serait le véritable candidat d'Ennahdha. Le chef du gouvernement désigné Habib Jemli a brassé large, montrant un grand sérieux dans ses rencontres avec les partis et, par la suite, avec les organisations nationales et certaines personnalités. Certes, le citoyen a le droit de penser qu'en voulant bien faire, il a mal fait, en impliquant des organisations et des « personnes » qui, elles-mêmes, ne savent pas pourquoi elles avaient été invitées. Pourtant, Habib Jemli pense que cela marche comme sur des roulettes et a déclaré dimanche que les concertations autour de la formation du prochain gouvernement avancent de manière notable. Jemli a indiqué que tous les partis politiques, les experts, les organisations nationales et les composantes de la société civile rencontrés jusqu'à maintenant ont fait preuve de compréhension sur sa vision concernant la gestion du gouvernement durant la prochaine étape. « Le gouvernement sera renouvelé sur la forme et sur le contenu », a-t-il dit. Dans ce sens, il n'a pas chômé, même durant le weekend, avec une deuxième rencontre, samedi après-midi, avec une délégation du parti Qalb Tounès, conduite par son président Nabil Karoui, un personnage qui est poursuivi encore par la justice, pour corruption et blanchiment d'argent. Ce dernier est acculé à suivre le rythme dans l'espoir de passer entre les mailles de la justice, comme certains députés qui ont bénéficié de l'immunité parlementaire, pour cinq ans, encore. Le président du parti Qalb Tounès a indiqué que la rencontre le chef du gouvernement désigné s'inscrit dans le cadre de la poursuite des concertations et l'échange de points de vue sur le futur gouvernement. La participation de « Qalb Tounes » au prochain gouvernement, au cas où il serait invité à y faire partie, « sera décidée après l'examen du programme d'action du futur gouvernement et des membres qui le composeront », a-t-il fait savoir dans une déclaration à la presse au terme de la rencontre. Nabil Karoui a relevé que sa deuxième rencontre avec le chef du gouvernement désigné a porté sur l'approfondissement des prises de position du parti à propos de plusieurs questions, dont en premier celle relative à la neutralité des ministères de souveraineté et à l'allégement des restrictions sur la liberté de la presse et des médias. Et d'ajouter que l'accent a, aussi, été mis sur l'impératif de mettre un terme à « l'appauvrissement des classes moyennes et celles à faible revenu », ce qui est encore à attendre, au vu de la situation qui règne dans le pays où on pense, même, à grignoter quelques sous des pensions des retraités. Concernant la participation (ou non) au gouvernement, Nabil Karoui a estimé qu' »il est encore tôt pour se prononcer sur cette question » qui, a-t-il dit, « n'a pas été abordée lors cet entretien ». Nous sommes ouverts à toutes les propositions servant l'intérêt de la Tunisie, a-t-il déclaré, insistant sur « la nécessité d'opter pour des compétences nationales et d'éviter les quotas partisans ». Interrogé sur les déclarations de Rached Ghannouchi affirmant qu'Ennahdha ne participera pas à un gouvernement auquel prendra part « Qalb Tounès », Nabil Karoui a déclaré « respecter Ghannouchi en sa qualité de président du parlement et d'homme patriote ». « J'attendais de sa part qu'il soit le président de tous les Tunisiens vu qu'il est le président du parlement, et de charger quelqu'un d'autre pour représenter Ennahdha aux concertations sur le futur gouvernement et non lui-même ». Pour sa part, le chef du Courant démocrate (22 siège à l'ARP), Mohamed Abbou, a estimé que l'invitation du chef du gouvernement désigné Habib Jemli pour la deuxième fois depuis le début des consultations pour former son gouvernement illustre la volonté d'accélérer la mise en place du nouveau gouvernement et de connaître les principales demandes de son parti. « Les positions du Courant démocrate n'ont pas changé et l'entretien a porté sur les mêmes questions et sujets abordés lors du précédent entretien », a déclaré Abbou brièvement à la presse, soulignant que son parti présenterait ses propositions à l'équipe du chef du gouvernement. « La participation du Courant démocratique au nouveau gouvernement n'est pas encore confirmée », avait déclaré le président du Courant démocrate mardi dernier au terme du premier entretien. Il avait indiqué qu'il a fait savoir au chef du gouvernement que son parti est contre la formation d'un gouvernement sur la base de quotas partisans « même si la nature du régime semi-parlementaire le permet ». Le président du Courant démocrate avait également réaffirmé que son parti tient toujours aux portefeuilles ministériels de la Justice, de l'Intérieur et de la Réforme administrative, lesquels, a-t-il souligné, doivent revenir à sa formation politique ou être neutres « pour éviter toute instrumentalisation pour le compte d'un parti ou d'une catégorie, comme c'était le cas durant les dernières années ». Le président du parti Ettakattol qui a perdu son aura, Khalil Zaouia d''antan, a estimé que le prochain gouvernement doit être un gouvernement de coalition, précisant que son parti y participera s'il y a un engagement à exécuter un programme synthétisant (les positions) des différents partis. Zaouia a ajouté que la condition principale que pose son parti pour participer au gouvernement est l'élaboration d'un programme répondant aux exigences de l'étape et sur lequel s'accordent tous les partis. « C'est à partir de là qu'il sera procédé à la formation d'un gouvernement de compétences indépendantes ou partisanes », a-t-il soutenu. Sur un autre plan, Zaouia a relevé que son entretien avec le chef du gouvernement désigné a été l'occasion de lui exposer la vision d'Ettakattol de la conjoncture actuelle et de mettre l'accent sur l'impératif d'engager des réformes pour « mettre en œuvre la ligne de réforme radicale révolutionnaire dans le pays ». Ces réformes qui redonneront espoir au citoyen concernent l'éducation, la santé, les institutions de l'Etat et les caisses sociales, a-t-il précisé. Fin de non-recevoir du parti Al-Massar qui a indiqué qu'il n'est pas concerné par la participation au prochain gouvernement, selon son secrétaire général Faouzi Charfi, à Dar Dhiafa à Carthage, en marge des concertations effectuées par le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli, avec les différents partis politiques. « Bien qu'il ne soit pas directement concerné par le processus gouvernemental, le parti suivra de près les affaires nationales et politiques et poursuivra son parcours dans toutes les étapes politiques », a-t-il affirmé, précisant que son parti est concerné par toute décision exécutive. Selon Charfi, l'accent a été mis lors de son entrevue avec le chef du gouvernement sur l'importance que les ministères régaliens soient neutres, plus particulièrement les ministères de la Justice et de l'Intérieur. Al-Massar est déterminé à lever le voile sur toute la vérité au sujet des assassinats politiques et « l'appareil secret », a-t-il affirmé. Le parti a aussi présenté au chef du gouvernement son point de vue et sa vision concernant le prochain gouvernement, a-t-il encore déclaré, estimant que la « tâche de celui-ci sera difficile au regard des multiples problèmes à résoudre (financiers, économiques et sociaux) ». Et de préciser « le chef du gouvernement a mis en avant la nécessité de préserver les droits de la femme et l'indépendance de la justice ». C'est le cas, aussi, avec Zied Lakhdhar, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié (Watad), qui a affirmé au premier ministre, Habib Jemli, que son parti n'est pas concerné par la formation du prochain gouvernement. « Cependant, le parti Watad constitue une force politique concernée par la réalisation des objectifs de la révolution », a-t-il souligné. Lakhdhar a indiqué que l'entrevue avec Jemli a porté sur les revendications des Tunisiens ayant trait à l'emploi, à la liberté et à la dignité nationale, ainsi que l'importance de la souveraineté politique et économique de l'Etat. Par ailleurs, le député a indiqué que la détérioration de la situation économique du pays incombe au mouvement Ennahdha qui assume, à lui seul, l'effondrement économique. Mohamed Jmour, leader au parti « Watad », a évoqué le blocage que connait l'affaire des martyrs Belaïd et Brahmi, appelant la justice à rester neutre et à égale distance de tous les Tunisiens. Avec ces deux partis, il faut ajouter aussi d'autres qui ont affiché leurs intentions de ne pas participer au gouvernement, en premier lieu Le Parti destourien libre de Abir Moussi, ainsi que Tahya Tounès, Al Badil, Afak Tounès et Machrou Tounès, entre autres, ce qui place le gouvernement dans l'impossibilité d'obtenir la confiance… sans Qalb Tounès