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Interview Mme AZIZA BHAR BEJI :«Désormais,peindre et dessiner durera ,pour moi, .«aussi temps que chanter et danser
Publié dans L'expert le 03 - 02 - 2021

Curieuse et exigeante, mue par un besoin incessant de sublimer ses tableaux d'une précision redoutable, inspirée par la passion du détail, du savoir-faire et l'amour des couleurs, des formes, des courbes, Mme Aziza Bhar Béji, peintre astucieuse jouant sur les images et leur réalité, surprenante, inventive, attachée aux maquis de « l'hinterland » djerbien, son île natale amazigh, aime naviguer vers des frontières inexplorées, incarne une vision des arts plastiques, rythmée par les exigences de l'artisanat, qui transcende les époques, épouse l'élégance intemporelle, dévoile l'histoire d'une vie, d'un style, d'une culture et honore la nature, la créativité et les perspectives.
Tamazguida. Guellala
A l'évidence, elle a inventé sa manière singulière, qui arrête l'œil. Ses peintures sont allusives. Ses gouaches sur toile ne le sont pas. Ses couleurs s'affirment comme une tentative d'associer davantage de sens et de temporalités.
Om EL EZZ
Quelle chance ! En ce temps de disette culturelle forcée, nous la croisons dans les allées de la Cité de la Culture à l'occasion de l'organisation de la semaine culinaire de Djerba et la discussion est vite lancée pour la sonder à propos de son œuvre immersive et hypnotique, des retombées de sa dernière exposition « parfum de Djerba » à la « Maison de la Culture Ibn Khaldoun », de son agenda actuel dans un contexte de stress sanitaire, de son rapport aux arts plastiques et de ses projets futurs post-Covid.
D'insondables mystères nourrissent, nous dit Mme Aziza Bhar Béji, ce qu'elle ressent aujourd'hui comme une part d'imaginaire commun entre elle et la réalité mouvante Tunisienne dans son aspect quotidien, social et esthétique.
Toumena
« Je n'ai jamais eu l'idée de devenir peintre, pas plus que de respirer....Mais lorsque j'ai exposé mes tableaux à Tunis et Djerba, je me suis dit que je ne pouvais pas faire autre chose...Désormais, peindre et dessiner durera, pour moi, aussi longtemps que chanter et danser ». Conclut notre interlocutrice, qui a bien voulu s'engager avec « l'Expert » dans une conversation à bâtons rompus.
Parlez-nous de cette conversion dans les arts plastiques après des études de droit
C'est vrai, je suis juriste de formation et tout de suite à la fin de mes études, j'ai intégré l'entreprise familiale pour la quitter au bout de dix mois, cédant à mes penchants embryonnaires, liés à l'artisanat, au travail manuel , à la peinture, à la liberté, à la beauté, à la créativité et à l'aventure artistique. Après des cours intenses auprès d'éminents artistes pédagogues à l'image de Gérard di Maccio, un peintre italien, figure de proue des arts plastiques, installée à Sidi-Bousaid, je me fraye mon propre chemin, marquée par les écoles de la renaissance italienne, les œuvres poétiques de Picasso, les nouveautés techniques contemporaines, les tâches de peinture sur fond blanc, les belles sensations au contact du beau, les déclinaisons politiques de l'acte artistique et la discipline légendaire de la communauté des mécènes et des collectionneurs.
AM SAID
Ainsi donc, de 2003 à 2012, j'ai été présente chaque année dans la galerie « Raith », à Sidi-Bousaid, ce qui m'a permis d'affuter mon expertise, d'aller vers plus de performance, d'accumuler de l'énergie, de consacrer mon propre style, de commencer à bâtir ma carrière d'artiste, de travailler toute la palette des couleurs, de me frotter à la magie de l'exposition, de ménager des corrélations entre mes tableaux, de concentrer ma subjectivité sur la toile, de laisser place aux matérialités de l'écriture picturale ainsi qu'une prise en compte renouvelée de la visualité, d'appréhender la peinture sur un mode presque mystique et de maîtriser l'espace galeriste, exigeant du visiteur qu'il revienne parfois sur ses pas pour s'engager dans d'autres recoins et demeurer à tout instant plus attentif.
Quelle est, selon vous, le rôle des arts plastiques dans la société ?
Dans le grand roulis continu de l'art contemporain, un clou chasse l'autre. La volonté d'éducation esthétique, dont l'enjeu primordial est d'élever nos âmes au contact d'œuvres d'art majeurs,
est en principe à même de faire reculer les limites que le marché a opposées à la création des uns et à l'accès des autres.
Me concernant, toutes les écoles me touchent et m'ouvrent des horizons insoupçonnables. Un bon artiste. Un vrai artiste se pose tout le temps des questions sur lui-même et s'inquiète de ne plus être à la hauteur et de ne plus avoir d'idées. D'être en concurrence avec d'autres.
Des artistes plasticiens, à l'image de Béchir Koniali ou Ayed Ben Hussein, des peintres dont l'ampleur et la singularité de l'œuvre figurative, riche en symboles et allusions, jure avec leur enracinement djerbien insulaire, ont toujours été pour moi des modèles pour signifier la place de l'art dans la société, envisager la peinture comme un médium de la pensée et de l'inconscient, élaborer des protocoles d'exécution technique complexe, créer une nouvelle façon de représenter l'espace, conforter l'idée que le tableau n'est pas une simple transposition de la nature mais offre une vision du monde, un rapport immédiat à la signification historique. Dans un marché de l'art globalisé.
Toute toile est porteuse de sens, de résistance face au quotidien et apporte une forme nouvelle à un contenu qui reste le même depuis le début du monde. De tout temps, des préoccupations opposées ont animé le marché de l'art en Tunisie et ailleurs. Il y a d'une part les gens, qui ne veulent pas voir les contradictions sociales, qui ont les moyens de les tenir à distance et entendent être entourés de choses jolies, colorées, qui donnent l'impression d'être de l'art. Et puis d'autres, au contraire, qui se nourrissent de questionnements que les artistes plasticiens leur proposent. Qui remplissent leur vie avec l'art
.
Quels ont été les dates charnières de votre parcours artistique ?
En 2017, ma première exposition intitulée « l'appartenance », à la galerie du centre culturel méditerranéen à Djerba dans la localité de Houmt-Essouk, portée par une rare énergie et une exigence assurée, demeure pour moi un souvenir intense, lié au cadre artistique et émotionnel du lieu, au succès de la manifestation, à une certaine idée de la finesse djerbienne, à une aisance dans l'échange avec le public, à une écoute aiguisée de la part des artistes et à un début d'un partenariat solide, constructif avec le tissu associatif insulaire. Bref des moments d'amitié inoubliables. Qui se succèdent à d'autres. C'est comme si l'exposition dessinait elle-même des profils, chantait le patrimoine amazigh ibadite, exhalait le parfum des manguiers, tamariniers ou flamboyants, favorisait les complicités, sensibilisait les visiteurs à l'apparition de langages nouveaux, buvait les conversations, introduisait la bonne humeur, affirmait les formes, mettait tout en perspective et fêtait les couleurs.
Cela dit, depuis 2013, je dois à mon mentor et professeur M.Tarek Fakfakh l'ancrage de mon statut d'artiste plasticien et la traçabilité de mes tableaux en 2015 lors de ma première exposition à la médiathèque de l'Ariana et à la Maison de la culture Ibn Rachiq en 2019, dédiée aux parfums et senteurs de l'île des rêves.
Grâce à cet encadrement, j'ai affiné mon engouement pour la dimension muette du réel, la production du sens, la prise en compte renouvelée de la visualité, les portraits multicolores, les géométries vacillantes, les lignes continues et nettes, les aplats d'ocre et de bleu, le jeu des ombres et des lumières, le dessin brisé des plis, l'affrontement cru du rouge et du blanc, la fluidité des natures mortes, les halos aux couleurs vibrantes, le soin extrême apporté au cadre et au design de l'événement et la conception des propositions culturelles élargies.
C'est à n'en pas douter une histoire d'affinités, de construction réciproque, de rapports intenses.
Quels projets portez-vous dans un contexte d'après Covid ?
Pas de stratégie ascensionnelle pour moi. J'ai toujours été dans un cycle de projets qui viennent à chaque fois d'une nécessité. Dans une situation de crise sanitaire endurée et subie, le grand défi actuel des artistes, de tous bords, est de s'imposer, de continuer d'exister, de chercher la culture, d'occuper le terrain, de tenir à l'idée de faire l'histoire, de perdurer au gré des décisions politiques, liées au confinement.
Me concernant, je préfère travailler en continu et je compte, à la première accalmie, lancer une exposition à Tunis puis à Djerba avec des tableaux reprenant le patrimoine amazigh djerbien dans sa perspective historique, en relation avec l'architecture ibadite, les mosquées souterraines, la qualité de vie au sein des « Menzels » et les oasis au cœur de l'île. C'est un grand atout d'exploiter toute cette richesse matérielle et immatérielle, de la partager avec d'autres. De l'inscrire dans un contexte international. Car je compte faire don de ma production artistique au musée de l'île et celui du Bardo. « Les musées sont les écrivains de l'histoire », clamait André Malraux.
In fine, si les temps du passé et ceux du présent se superposent dans mes tableaux, c'est que créer sans cesse est la seule façon de me ressourcer. De remonter le fil de mes racines. D'être vent debout face au temps qui passe. D'amasser les idées et les références à l'instinct. De s'appliquer à multiplier les surprises et les expériences. De retrouver une histoire collective. De me sentir vivante.
Propos recueillis par Imededdine Boulaâba


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