Le dernier trimestre de l'année en cours semble être tout d'abord celui des déclarations optimistes en matière économique et plus précisément en ce qui concerne les chances réelles de reprise et de redressement. Du FMI à la Banque Centrale américaine en passant par l'OCDE et la Banque Centrale européenne, l'air est à l'espoir naissant quant à l'amélioration de plusieurs indicateurs économiques augurant d'une sortie de tunnel assez proche.
Elle sera lente, cette sortie. Elle exige en premier lieu beaucoup de prudence du fait des risques encore là du désordre financier mondial qui menace franchement la reprise économique et qui fait que les gros investisseurs continuent à être prudents, privilégiant la sécurité tout en croyant peu à une reprise rapide.
Reprise confirmée: on veut bien y croire! L'un des économistes du Fonds Monétaire International considère que «la reprise économique a commencé au niveau mondial, mais que le redressement ne sera pas simple». De son côté, le président de la Banque Centrale américaine estime que les Etats-Unis ont «évité le pire» et mise sur une reprise à court terme bien qu'elle tarde à redémarrer. Confirmant cela, plusieurs spécialistes prévoient que la reprise de l'économie américaine (et donc mondiale) sera réelle à partir du quatrième trimestre 2009. Pour l'Europe, les deux pays locomotives, à savoir la France et l'Allemagne, semblent être dans une dynamique de croissance. La conjoncture s'améliore vraisemblablement plus vite. Les deux pays connaîtront une croissance positive de 0,3% de leur PIB. Le Japon n'est pas du reste et donne des signes d'une croissance, certes limitée et très modeste, mais positive quand même, estimée à 0,9%. Mais comme dans presque tous les domaines, les mêmes analystes, experts et autres spécialistes s'arrangent toujours pour mettre un bémol à toutes estimations un tant soit peu optimistes. En d'autres termes, il y a toujours un «mais». Parler de signes de reprise économique ou d'amélioration des indicateurs et indices des économies mondiales entraîne, par réflexe quasi mécanique, un appel à la prudence et aux risques. Ainsi, une incertitude majeure demeure présente et risque de peser lourd: l'ampleur de la reprise et le degré de sa solidité et sa capacité à pouvoir se prolonger au-delà des mesures et aspects techniques, comme les plans de relance et leurs trains de mesures. Un deuxième risque, non moins important, pourrait s'ajouter et peser de tout son poids économique et social pour ralentir et miner la solidité de cette reprise économique. Il s'agit de la forte hausse du chômage qui a fait de l'année 2009, une année record en la matière pour au moins les trois dernières décennies. Cela a été dû, bien entendu, aux décisions des entreprises portant ajustement rapide de leurs effectifs à la baisse conformément à leurs carnets de commandes et à leur baisse de production.
Le désordre financier mondial La menace mortelle. Elle est réelle. Elle est exprimée ça et là de façon sporadique, maîtrisable ou gérable dans certains pays, mais explosive et inéluctablement destructrice si tous les ingrédients se rassemblent. La récente crise financière de l'émirat de Dubaï, ajoutée à la «dérive budgétaire» de la Grèce n'en sont que des signes avant-coureurs franchement inquiétants. Si l'on y ajoute les craintes réelles quant à la situation de l'Espagne et du Portugal ainsi que la mauvaise santé des finances des pays baltes, nous voilà avec un arsenal de bombes à retardement dont l'explosion ne peut être prévue, encore moins maîtrisée. Ces signes de fragilité recréent un certain pessimisme, ce qui entame sérieusement tout regain de confiance. Dans ce feuilleton technico-financier à rebondissements où le thème n'est autre que le système économique et financier de la planète et donc de l'humanité, il y a de quoi se demander s'il ne s'agit que d'inévitables soubresauts qui finiront par s'apaiser à l'image d'un avion au vol sortant d'une zone de turbulence ou s'il ne s'agit pas de signes avant-coureurs d'une franche rechute de l'économie mondiale? Scénario pessimiste, mais bien défendu par certains analystes qui y voient la pertinence de leur thèse selon laquelle la reprise actuelle sera suivie d'une rechute. L'économiste Jacques Attali fait justement partie de ces experts qui considèrent que si les marchés boursiers en Europe et aux Etats-Unis ne craquent pas, c'est «grâce à la surabondance de liquidité». Le monde a été inondé d'argent pour soutenir les économies, mais d'une manière artificielle. Comme si, dans une clinique, le patient ne respire et survit que grâce aux dispositifs artificiels dont il bénéficie en dehors de ses capacités propres.
Et pourtant… Les coups de massue, assénés à l'économie mondiale depuis fin 2007, semblent la faire chanceler et vaciller, sans plus. C'est dur mais elle semble presque tirée d'affaire. Depuis six mois, la capitalisation boursière mondiale a récupéré la moitié de ses pertes, les cours des matières premières ont rebondi après leur effondrement à cause de la faillite de Lehman Brothers, et enfin des signes encourageants sont décelés dans l'évolution des grandes économies notamment aux Etats-Unis et dans l'Union européenne. Mais toutes ces avancées ne doivent pas cacher les grandes carences, ni occulter la fragilité de la reprise. L'endettement et les déficits viennent miner toute reprise durable. Il est inquiétant de voir que la dette publique d'un pays comme la Grèce vient d'atteindre 120% de Produit Intérieur Brut (PIB). Tout comme pour le Japon, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni dont les déficits sont astronomiques. C'est trop lourd pour une machine économique mondiale qui se trouve déjà en bien mauvaise posture. Certes, les Etats se sont impliqués pour enclencher une reprise. Ils ont pris des mesures comme les réductions d'impôts ou la prime à la casse pour le secteur de la construction automobile ou encore le maintien du niveau des dépenses publiques souvent «à la limite du soutenable». Tout cela pour doper la consommation. Mais tout cela relève aussi du traitement palliatif qui agit sur les symptômes sans pouvoir s'attaquer aux causes. Et pourtant, nombreux restent ceux parmi les analystes et les experts qui croient en la reprise. Le FMI vient de réviser ses prévisions à la hausse sans omettre de signaler que cette reprise reste encore fragile. Son chef économiste Olivier Blanchard explique: «Nous avons évité la catastrophe (…), mais ce n'est pas la grande forme». Et comme pour répondre à Jacques Attali, un responsable de recherche en matière d'investissement, Thomas Della Casa considère que pour que la rechute soit réelle, «il faut trois facteurs: que la demande des pays émergents recule, que les grands Etats resserrent les budgets et que les banques centrales relèvent les taux d'intérêt». Ce qui n'est pas le cas maintenant. Même dans l'hypothèse d'une éventuelle rechute ou «correction» de l'économie mondiale, ce ne sera pas pour tout de suite. Conclure sur une note optimiste, c'est reprendre ce qu'a dit récemment le Directeur Général du FMI. Il a estimé qu'une «reprise économique mondiale est possible au premier semestre 2010 et que le pire est probablement derrière nous».