Les exportations peuvent-elles rebondir au plus vite? ● Une baisse de 148,3% durant les deux premiers mois de l'année en cours ● A côté du tourisme, un dossier sur lequel un travail important a été fait, la situation des exportations tunisiennes doivent occuper le devant du programme gouvernemental
La croissance économique en Tunisie est largement tirée par les exportations qui représentent plus de 45% du PIB national. L'appareil exportateur fait, depuis le début de l'année, face à des difficultés importantes suite aux évènements du mois de décembre qui ont abouti à la révolution du 14 Janvier. Les exportations tunisiennes ont même enregistré un arrêt total pendant quelques jours, à cause soit de la grève dans certains ports ou aux récents évènements d'émeutes. La crise en Libye n'a pas ménagé les affaires de nos exportateurs, sachant que plus de 1200 entreprises tunisiennes opèrent sur ce marché pour un montant de 1050MD annuellement. C'est ainsi que les exportations tunisiennes ont enregistré pour le deuxième mois consécutif une baisse de 18.3%. Cette situation pèsera certainement sur le niveau de croissance économique attendu cette année, qui est déjà annoncé négatif pour certains analystes.
Baisse des exportations de 18.3% Suite à la crise économique et financière de Septembre 2008, les exportations tunisiennes ont connu leur pire année en 2009, enregistrant une baisse de plus de 22%. En 2010, et bénéficiant d'une légère reprise de l'économie mondiale, les exportations ont enregistré une croissance de plus de 20%, malgré un déficit commercial important. Mais depuis le début de l'année en cours les exportations ont enregistré une baisse de 18.3% durant les deux premiers mois. Selon les chiffres publiés par le ministère du commerce et du tourisme, la baisse du volume des exportations du mois de Février dernier était de 24,6% par rapport au mois de Février 2010, tandis que la régression du volume des exportations du mois de Janvier 2011 était de 12,5%. Les importations de leur côté ont enregistré une baisse de 7%. Cette baisse des exportations est causée par plusieurs éléments : - Les évènements que vient de connaitre la Tunisie durant les deux derniers mois, et qui ont paralysé l'appareil productif, - Le pillage et les incendies qu'ont connus certaines entreprises exportatrices, spécialement dans le secteur du textile et des Industries mécaniques et électriques, - L'absentéisme des ouvriers dans certaines unités productrices, pour des raisons de sécurité, - La grève des employés de la STAM, et la paralysie du principal port celui de Radès, - L'annulation de certaines commandes des importateurs européens à cause du retard opéré dans les livraisons d'unité de production tunisiennes, - L'arrêt de l'exportation du phosphate tunisien suite au blocage des mines et des chemins de fer. Tous ces éléments ont contribué à une baisse significative des exportations, ce qui engendrera des problèmes de trésorerie importants pour les entreprises exportatrices, et la mise en chômage de plusieurs centaines de personnes. Selon le ministère du Commerce et du Tourisme la baisse du volume des exportations a été suivie d'une hausse des prix à l'exportation de 33 ,8% durant les deux premiers mois de l'année en cours, ce qui explique la hausse de la valeur des exportations de 9,3% pour les deux premiers mois de l'année 2011 en comparaison avec la même période de l'année 2010. Notre explication de cette hausse en valeur est le résultat de la hausse des cours du pétrole qui a dépassé les 100 dollars suite à la révolution égyptienne et la crise en Libye. S'y ajoute la dépréciation du dinar face à l'euro et au dollar, ce qui fait augmenter la valeur de nos exportations qui s'effectuent en majorité dans ces deux devises.
Les exportations tunisiennes peuvent rebondir L'analyse de la structure des exportations tunisiennes sur le plan géographique et des produits, permet d'affirmer que les exportations tunisiennes peuvent rebondir rapidement, si les conditions de stabilité à l'échelle locale sont réunies. D'abord, plus de 76% de nos exportations sont destinés vers la zone euro. Cette zone ne connait pas de troubles, et enregistre une légère croissance depuis le début de l'année grâce aux mesures européennes pour contenir les déficits publics de certains membres de la zone. Ensuite, les entreprises exportatrices sont en majorité off shore et de sous-traitance opérant principalement dans le secteur du textile habillement et des IME. Ces entreprises sont en relation avec des groupes internationaux, dont les demandes sont constantes. Donc, l'arrêt des exportations vers ces entreprises n'a été que momentané en Tunisie à cause de la révolution et a repris progressivement avec l'amélioration de la situation sécuritaire dans le pays. Sur un autre plan, les exportations tunisiennes sont à 30% composés de pétrole et de phosphates. Deux produits qui ne connaissent pas la crise et font l'objet d'une demande constante, donc nos exportations à ce niveau ne risquent pas de baisser drastiquement, mais vont reprendre progressivement. Enfin, l'impact de la crise en Libye n'est pas très significatif, vu que les exportations tunisiennes vers ce marché ne représentent que 4% du total de nos exportations. On espère un dénouement rapide pour la révolution Libyenne, car l'impact dépasse le cadre des exportations seulement. Ces éléments sont des signes objectifs que les exportations tunisiennes peuvent rebondir durant cette année, si les conditions sécuritaires, sociales, et politiques sont stables et se normalisent. Sans oublier la nécessité d'un retour rapide à la normale du côté libyen.
Se pencher sur les questions de l'exportation Depuis 2 mois, l'intérêt était focalisé sur les questions politiques, tout en reléguant les questions économiques au second plan. Avec la stabilisation de la scène politique en Tunisie, et la nomination de monsieur Béji Caid Essebsi à la tête d'un nouveau gouvernement, les questions économiques doivent refaire surface. A côté du tourisme, un dossier sur lequel un travail important a été fait, la situation des exportations tunisiennes doivent occuper le devant du programme gouvernemental. Le plus inquiétant c'est que jusqu'à présent, les détails du plan de dédommagement et de soutien aux entreprises affectées par les évènements survenus en Tunisie, ne sont pas connus. Un flou qui perturbe l'activité de certaines entreprises. Le gouvernement provisoire ne semble pas se soucier du calvaire de ces entreprises, qui ont été brûlées, pillées, ou obligées à retarder leur livraison suite aux grèves. Même les structures d'appui et de soutien aux entreprises exportatrices ne se sont pas penchées sur certains dossiers d'urgence. Pour l'anecdote, le Centre de Promotion des Exportations, n'a pas réagi pour soutenir les entreprises exportatrices vers le marché libyen, qu'après 20 jours du début de la révolution. En effet, il vient juste de publier des numéros de téléphone pour les contacter et assister les entreprises ayant des difficultés sur ce marché. Un retard dans la réaction qui pose de multiples points d'interrogation sur l'efficacité de cette structure. De leurs côtés, les chambres de commerce et d'industrie, ainsi que les autres structures et groupements, semblent sombrer dans un coma profond face aux difficultés des entreprises. Cette situation ne doit plus durer, car au fil des jours l'économie nationale laissera beaucoup de plumes.