C'est l'heure de la pause-déjeuner. A quelques mètres de l'entrée d'un restaurant de fast-foods situé à Lafayette, il y a du monde. Des clients de différentes générations, des deux sexes, ont les yeux rivés soit sur le menu, soit sur le serveur. La tension monte, le personnel s'active, sue, s'essuie le front, prépare les sandwichs, tient la caisse et continue de servir. Les habitués, employés dans les entreprises voisines, arrivent en force pour se restaurer vite dans ce fast-food afin de regagner leur lieu de travail à l'heure fixe… Dés l'entrée, les paquets de cigarettes sont partout, les cendres ornent les dessus des tables, les gobelets en plastique sont jetés par terre, là où les papiers et les serviettes décorent le paysage. Cela sent la friture car les fenêtres sont condamnées. Les clients qui essayent d'aérer l'espace se rendent compte que les fenêtres sont bloquées. Dés que Sawsen, secrétaire âgée de 27 ans, pose ses mains sur la table crasseuse, ses doigts restent collés à la surface.« C'est effrayant de vivre une telle situation avant de commencer un repas, mais on est obligé car la pause est courte, elle ne me permet pas de rentrer chez moi pour manger et revenir à temps. En plus, ce restaurant est le moins cher du quartier et il est prés de mon travail » explique-t-elle. Les plateaux brillent grâce aux gouttes d'huile et les verres sont ternes, las de passer d'une bouche à l'autre sans avoir droit à une pause lavage. Sawsen avale sans plaisir son sandwich dégoulinant de mayonnaise. Elle et sa copine ont bien pris le soin de nettoyer la table et les chaises avant de s'installer, mais elles ferment les yeux quand elles mangent.«Ces espaces de restauration rapide affichent un manque flagrant d'hygiène et le problème c'est que personne ne semble en tenir compte» dit- elle. D'autres clients impatients passent la commande en attendant de trouver une place. Le cuistot, pressé, met dans une galette de la laitue flétrie, des frites bronzées, cuites dans un bain d'huile de friture noirâtre, recyclée à l'infini, des tranches de tomate, molles, de petits morceaux de chawarma de dinde, le tout copieusement arrosé de harissa et de mayonnaise. Le sandwich finalement prêt est servi par une main sale. Avec habilité, les doigts s'affairent pour terminer très vite le sandwich. Les ongles longs et bordés de noir n'échappent à l'œil de personne. Et pourtant, pas l'ombre d'une protestation «Je mange ici deux à trois fois par semaine, l'hygiène n'est pas au top mais je n'ai guère le choix. De toute les façons, tous les endroits se valent», estime Mohamed, technicien supérieur, âgé de 28 ans. Au fond du restaurant, un couloir sombre amène jusqu'aux poubelles débordant de détritus. Moez, un jeune étudiant, assure qu'il connait des restaurants à Tunis où les cafards et les rats font bon copinage avec les employés. «Ils viennent t'annoncer leur attachement au restaurant!!. C'est entré dans l'ordre des choses de voir les serveurs transpirer, se curer le nez tout en répondant avec le sourire à leurs clients résignés mais surtout affamés» note-t-il. L'absence de conditions d'hygiène et de propreté est remarquable. «Les ingrédients sont exposés à l'air libre sans aucune protection contre des insectes. Les salades ont un goût bizarre et la viande est "dure" à mâcher. Tout cela, sans parler de la saleté des "WC", de la chasse qui ne fonctionne pas et du robinet endommagé» constate Mohamed. Néanmoins, il poursuit tranquillement son repas.