Ça se complique chaque jour un peu plus pour les européens qui s'intéressent pour une raison ou pour une autre à la situation en Tunisie, et à partir de là, à celle dans la rive sud de la méditerranée. Les européens ne saisissent pas le réel poids du péril islamiste qui pointe dans cette région du monde, à un jet de pierre de chez eux. Ils ne comprennent pas, par exemple la signification des attaques antiaméricaines, bien qu'ils se les expliquent comme réaction aux provocations occidentales (entendre par là, le film « Innocence of muslims » et les caricatures de Charlie Hebdo). Ils suivent les nouvelles, et ils en découvrent deux volets opposés. D'un côté la position officielle qui semble vouloir sévir, on parle même de 87 bonhommes qui risquent la peine capitale pour leur participation aux émeutes, et d'un autre côté, une montée en puissance des actions des extrémistes islamistes qui semblent, malgré tout, jouir d'une certaine marge de manœuvres. Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la Direction générale de la sécurité extérieure en 2000-2002, et actuellement, chercheur associé à l'European Security Intelligence and Strategy Center délivre aux médias son point de vue sur le sujet. Intéressant : Il avertit que beaucoup plus que les aspects que l'on retient à l'Occident, comme, par exemple, l'histoire de cette jeune fille qui a été violée et qui a été mise en examen pour attentat à la pudeur. Ou cette histoire de manifestants devant l'Ambassade des Etats Unis dont on ne sait pas trop qui ça vise exactement, il vaut mieux regarder ce qui se passe dans les petites villes de Tunisie où très progressivement le parti islamiste qui a bien annoncé qu'il ne voulait pas mettre la charia dans la Constitution est en train de la faire appliquer à peu près dans tout le pays loin des regards des médias occidentaux. Dans ce sens, il retient le cas tout à fait significatif qui a eu lieu à Sidi Bouzid, où dernièrement, il y a quelques semaines, le parti Ennahda, ou ses représentants locaux (comme il les décrit) avaient obtenu la fermeture du dernier hôtel qui servait encore de l'alcool dans cette petite ville. Il s'agit là, pour lui, et sans équivoque, d'une prise de contrôle de la vie publique, en général, par les islamistes, qui s'appuient sur un certain nombre de manœuvres parfois compliquées, mais qui consiste effectivement à s'opposer en tous points à l'Occident. Il déplore qu'en Tunisie (qui est un pays qui a une forte tradition de constitutionnalité et de laïcité, où il existait de vrais partis démocratiques... Où il existait de vrais syndicats qui étaient extrêmement puissants), ces partis, ces syndicats, l'Occident ne les a pas soutenus car il a laissé au pouvoir les islamistes avec la bénédiction de tout le monde ... Mais le seul parti islamiste Ennahda, et les salafistes qui sont à l'origine tous issus de ce parti sont les seuls à recevoir la manne financière d'El Qatar et de l'Arabie Saoudite ce qui leur permet de s'acheter dans tout le pays une clientèle politique aux dépens des vrais partis démocratiques qui existent réellement. »