Le quotidien d'opposition turc « Cumhuriyet » a publié aujourd'hui des photos et une vidéo qui accréditent l'hypothèse, jusque-là démentie par le gouvernement islamiste d'Ankara, de livraisons d'armes aux rebelles extrémistes syriens début 2014. Dans son édition papier et sur son site internet, le journal d'opposition diffuse des images d'obus de mortier dissimulés sous des médicaments dans des camions, officiellement affrétés par une organisation humanitaire, interceptés en janvier 2014 par la gendarmerie turque près de la frontière syrienne. Cette opération a viré au scandale politique lorsque des documents officiels publiés sur Internet ont affirmé que ces camions appartenaient aux services de renseignement turcs (MIT) et transportaient des armes et munitions destinées aux rebelles islamistes syriens. Soupçonné par ses alliés occidentaux de soutenir ces combattants, dont le groupe djihadiste Etat islamique (EI), le régime d'Ankara avait toujours démenti ces accusations. Selon Cumhuriyet, les camions interceptés convoyaient un millier d'obus de mortier, 80.000 munitions pour des armes de petit et gros calibre et des centaines de lance-grenades. Le gouvernement a imposé un black-out médiatique, y compris sur les réseaux sociaux, sur l'affaire, et ouvert une enquête qui a déjà abouti au placement en détention d'une cinquantaine de personnes, gendarmes, militaires ou magistrats. Selon les documents juridiques de cette affaire, les services de renseignements turcs ont contribué à des livraisons d'armes dans des secteurs de Syrie aux mains de djihadistes, fin 2013 et début 2014. Dans sa hâte de destituer le président Bachar al Assad, le gouvernement turc a laissé armes et combattants franchir la frontière turco-syrienne et certains seraient venus grossir les rangs de l'Etat islamique, disent des alliés occidentaux d'Ankara et le gouvernement syrien. D'après les dépositions de gendarmes entendus par la justice, des roquettes en pièces détachées, des obus de mortier semi-finis et d'autres types de munitions ont été acheminés par camions et sous escorte des services de renseignement dans des zones de Syrie tenues par des extrémistes islamistes. Quatre camions ont été fouillés par la gendarmerie – le premier le 7 novembre 2013 et les trois autres le 19 janvier 2014 – dans la province d'Adana sur ordre du parquet local, qui avait été alerté de la présence d'armes à bord, selon les procureurs qui font maintenant, eux-mêmes, l'objet de poursuites. Le premier camion a été saisi mais les trois autres ont pu poursuivre leur route grâce à l'intervention des agents des services de renseignement nationaux (MIT), qui ont menacé les gendarmes et se sont physiquement opposés à la fouille.