Les élections municipales risquent de connaître un taux d'abstention record si l'on se réfère, de prime abord, au vote des forces de l'ordre et des militaires dont seuls 4492 ont daigné faire le déplacement dimanche, sur 36.495 inscrits soit 12% de taux de participation. Une tendance qui pourrait se répéter le 6 mai prochain si rien n'est fait pour renverser la courbe abstentionniste. Une situation qui montre que les sécuritaires et les militaires ne sont pas très emballés pour ce qui devrait être considéré comme une journée historique étant donné que c'est la première fois dans le pays que le vote leur est accordé. Est-ce l'effet de l'appel du syndicat national des forces de sécurité intérieure qui a exhorté au boycott du scrutin ou celui du ras-le bol généralisé à l'égard de tout ce qui est politique qui commence à gagner la société tunisienne? Toujours est-il que, désabusés par les politiciens et leurs querelles à n'en plus finir sur les plateaux de télévision et au Parlement où ils se chamaillent à tout bout de champs, les Tunisiens commencent à se détacher de la chose politique en prenant leurs distances. En majorité pessimistes quant à la situation actuelle dans le pays, en raison de la persistance des problèmes, les citoyens n'ont pas vu le bout du tunnel depuis plus de 7 ans après la révolution du 14 janvier 2011 et les espoirs qu'elle a suscités. Avec l'arrivée des nouvelles autorités, la mise en place de la démocratie et son corollaire de liberté d'expression et de libertés individuelles, les Tunisiens pensaient que leur quotidien allait s'améliorer, le chômage baisser et toutes leurs difficultés disparaître comme par enchantement. Mais l'échec patent des différents gouvernements dont certains, à l'instar de celui de la Troïka, a noyé le pays dans les problèmes liés à la mauvaise gestion et à la corruption, a aggravé la situation avec une hausse des dettes et du chômage. A cela il faut ajouter, les différents placements du nom du pays sur les listes noires écornant l'image et la crédibilité de la Tunisie dans le monde. Des élections cruciales Conçues dans le cadre du parachèvement du processus de la transition démocratique, les premières élections municipales depuis la révolution, devraient revêtir une importance capitale et servir d'opportunité pour renouer les Tunisiens avec la politique. En effet, ces élections qui touchent la gestion de proximité des affaires des citoyens, notamment l'accès aux services de base tels que l'eau, les routes, les déchets, l'éclairage public et autres, sont censées intéresser les Tunisiens qui ont leur mot à dire sur des sujets ayant trait à leur quotidien. Les partis politiques devraient profiter de ces élections pour se rapprocher des citoyens et œuvrer à les intéresser davantage à la chose publique et à leur accorder leurs suffrages à travers des programmes contenant des solutions. Reportées à maintes reprises, les élections municipales auront lieu finalement le 6 mai 2018, conformément à la date prévue, au grand bonheur de certains partis politiques, impatients de prendre le contrôle de l'administration locales des villes. Ces élections sont considérées par certains partis politiques comme un tremplin pour reconquérir le pouvoir et s'y installer durablement, à en croire les déclarations de certains dirigeants qui misent sur leur victoire. La campagne électorale a démarré sur les chapeaux de roues mettant en lice 2074 listes électorales retenues pour les municipales de 2018 dont 1055 partisanes, 860 indépendantes et 159 coalisées. Ennahdha et Nidha Tounes se sont taillées la part du Lion en présentant partout des listes dans toutes les circonscriptions municipales. Des statistiques records qui ne sont pas sans effet sur la qualité des candidats, d'après les affiches et les manifestes électoraux rendus publics, ainsi qu'à travers les débats télévisés, lors des temps d'antenne accordés aux candidats des différents partis politiques. C'est une véritable foire à confusion ponctuée d'originalité que représente ces affiches donnant un aspect parfois folklorique à la campagne électorale. Une candidate posant, sans s'en rendre compte, portant un tee-shirt ventant la publicité d'un whisky sur son affiche, un autre mettant en avant sa fonction d'imam dans une moquée et autres faits pittoresques qui ne sont pas de nature à susciter l'engouement des électeurs. Après le Tunisien de confession juive dans une liste électorale voici le tour des "blondes de Cheikh Ghannouchi" arrachées "Si Béji". Le mouvement Ennahdha a jeté tout son poids dans la bataille afin de paraître ouvert et plus proche des citoyens. Les visites de Ghannouchi sur le terrain qui se sont multipliées, prouvent l'engagement du leader du parti islamiste qui ne veut pas que cette fois-ci le parti soit battu comme lors des élections générales de 2014. Face à l'émiettement des autres partis politiques et les divisions qui minent le Mouvement Nidaa Tounes, l'objectif est à portée de main lorsque'on sait les capacités de mobilisation du parti Ennahdha. Nidaa Tounes lui aussi n'a pas échappé au folklore, recrutant des imams et autres prédicateurs dans ses listes, il table sur la corde de l'authenticité et de la personnalité Tunisienne pour s'attirer la sympathie des électeurs. Ses spots publicitaires ont suscité de vastes débats tant sur le concept que sur le fond qui ont été détournés par les internautes. Absence de programmes Dans cette campagne le ton a été mis abusivement sur les aspects extérieurs plutôt que sur le fond, à savoir, les apparences pour attirer les lecteurs sans aller à essentiel. Les véritables enjeux du scrutin n'ont pas été débattus par les partis politiques qui se sont contentés de meetings où les critiques contre les adversaires ont dominé, plutôt que d'exposer les programmes et la vision de la gestion des municipalités. Les propositions autres solutions à présenter aux citoyens pour faciliter leur quotidien ont brillé par leur absence, lors des apparitions des candidats qui ont préféré faire des promesses extravagantes sans commune mesure avec la réalité. Cette situation n'a fait qu'éloigner davantage les citoyens de ces élections et semer le doute dans leur esprit quant à la nécessité de faire le déplacement pour voter le 6 mai prochain. Certes, en dépit de toutes ces lacunes, le vote est une responsabilité et un devoir de chaque citoyen qui se doit de s'impliquer dans la vie de son quartier, de sa ville et de son pays. Si on s'abstient de voter on risque de voir d'autres choisir à votre place et à ce moment là, il ne faut s'en prendre qu'à soi-même. Pour une fois que le Tunisien a acquis le droit de voter librement et d'effectuer son choix en toute conscience, il ne doit pas hésiter un seul instant et user de ce droit pour peser sur le devenir du pays. C'est à partir de là que se manifeste la pleine citoyenneté.