Points forts de la Conférence donnée par Mustapha Kamel Nabli à Mahdia dans le cadre des "Rencontres de Skifa Kahla" organisée par l'Association DREAM. Stabiliser le Taux de Change d'une monnaie ne doit pas se faire de manière arbitraire. Certains préalables (conditions) doivent être respectés. Autrement dit : il faut adopter des politiques macroéconomiques efficaces : – pour maîtriser l'inflation, – pour maîtriser l'endettement, – pour maîtriser le déficit de la balance des paiements. Or, ces trois conditions ne sont pas réunies dans le cas tunisien : Une inflation en forte hausse (supérieure à 7%), un déficit budgétaire élevé (supérieur à 6%), et un déficit courant très élevé (supérieur à 10%). Le dinar tunisien est condamné à subir des pressions baissières tant que les déséquilibres macro-économiques persistent. Pour M.K. Nabli ce ne sont pas les solutions de facilité qui vont remettre le dinar sur un trend haussier. Il les a qualifié de "pseudo solutions", ou "fausses solutions" de type : 1. Instaurer des bureaux de change privés pour récupérer les devises du marché parallèle. Une solution plus déstabilisante pour la balance commerciale que pour le marché parallèle en devises. 2. Faire une Amnistie de change : Cette solution reste une solution de court terme, dans la mesure où elle résout un problème de stock de devises mais n'est pas une solution pour accroître le flux de devises. 3. Instaurer des contrôles sur les importations : historiquement, ce genre de mesure n'a jamais été très efficace. Certes,les importations vont chuter par la voie officielle mais elles vont transiter via le canal de la contrebande et du coup, alimenter la corruption. Trois options se présentent aujourd'hui : 1. Continuer à soutenir le dinar, dans un contexte d'inflation élevée, de déficit budgétaire explosif, de dégradation des ratios d'endettement et de déficit record de la balance des paiements. C'est le cas de la Tunisie aujourd'hui, où le dinar est relativement stable depuis plus de trois mois. Si les politiques macroéconomiques ne changent pas, le taux de change du dinar d'aujourd'hui n'est pas soutenable. Cette option n'est pas acceptable, car les pressions sur le taux de change finiront par pousser le dinar vers la baisse, puisque les réserves en devises ne sont plus dans une situation confortable (près de 9 milliards de dollars en 2010 contre 4,5 milliards de dollars en 2017. 2. Soit maintenir un Taux de change fixe et adopter des politiques appropriées (politiques monétaire et budgétaire restrictives) qui est une option douloureuse. Ces politiques ont un coût social qui n'est pas facile à gérer. La question est : sommes-nous capable de gérer ce coût social ? 3. Soit laisser glisser le dinar, puisque une politique monétaire laxiste et des dérapages budgétaires ne peuvent que déboucher sur une forte baisse du dinar. Cette option pourrait pousser le pays dans un cercle vicieux où le dérapage inflationniste exerce des pressions baissières sur le dinar qui à leur tour alimentent l'inflation via l'inflation importée. MK Nabli a aussi critiqué les analyses qui estiment que la dépréciation n'a aucun effet sur la balance commerciale puisque aussi bien les exportations que les importations sont inélastiques à la variation du taux de change. MK Nabli rappelle que l'expérience internationale a montré que les dépréciations auront systématiquement un effet sur la balance commerciale à condition que qu'elles soient d'une part en terme réel et d'autre part en terme significatif. Ce qui n'est le cas en Tunisie. En effet, l'inflation a augmenté à un rythme très proche du rythme de dépréciation du dinar. Du coup, il n'y a pas eu, pour le moment, de dépréciation en terme réel. Messages de la Fin : La stabilité du dinar est à rechercher dans l'assainissement des finances publiques, dans la baisse du déficit de la balance des paiements et la maîtrise de l'inflation et non pas dans les "fausses solutions" (amnistie de change, bureau de change, limitation des importations …) La Tunisie ne peut pas continuer à poursuivre la même politique budgétaire des dernières années. Il faut ajuster les différentes composantes des dépenses publiques. La situation est très délicate, car si nous arrivons à assainir les finances publiques et à ramener le déficit budgétaire à un niveau faible, nous pourrons avoir une politique monétaire plus accommodante. Sinon, tout le poids de l'ajustement sera supporté par la politique monétaire. Et nous serons dans ce cas, obligés de subir des taux d'intérêts plus élevés pour réussir l'ajustement.