Kais Saïed : « Aucun fauteur ne bénéficiera de l'impunité »    Bibliothèque nationale de Tunisie : La bibliothèque numérique «Cairn.info» désormais accessible    Bizerte : Une 8e édition du Forum mondial de la mer aux enjeux maritimes globaux    Génocide contre Gaza : L'Union des avocats arabes appelle ses membres à la mobilisation    Météo : un samedi nuageux avec des températures en hausse    Nuages, chaleur et vents : une météo contrastée ce samedi en Tunisie    Une municipalité espagnole interdit Ramadan, l'Aïd et les célébrations musulmanes des espaces publics    Sébastien Delogu : reconnaître l'Etat de Palestine, un impératif politique et moral    La VAR bientôt de retour : la FTF dévoile ses réformes majeures    À Sousse, l'agression brutale d'un chien suscite l'indignation, le suspect arrêté    Le PDL alerte l'Unicef et ONU Femmes sur la détention arbitraire d'Abir Moussi    Famine à Gaza : 4 nouveaux martyrs en 24 heures    Aucun cas de Chikungunya détecté en Tunisie, selon un expert en virologie    Le militantisme silencieux ne protège pas    Entrée en vigueur des droits de douane US : l'huile d'olive tunisienne cherche de nouveaux débouchés    Zied El Heni appelle à un front national pour sauver la Tunisie    Décès du comédien égyptien Sayed Sadek    Noureddine Taboubi reçoit Zied Dabbar après l'attaque contre l'UGTT    Ahmed Jaouadi : Un accueil présidentiel qui propulse vers l'excellence    GPT-5 d'OpenAI lancé : la nouvelle révolution de l'intelligence artificielle est là    Risque-t-il d'y a voir une pénurie d'oeufs dans les marchés?    L'inscription en ligne est ouverte pour les élèves, collégiens et lycéens tunisiens au titre de l'année scolaire 2025-2026    Lente reprise, inflation tenace : les prévisions du Fonds monétaire arabe pour la Tunisie en 2025 et 2026    Météo en Tunisie : températures entre 30 et 34 au niveau des côtes et des hauteurs    Pénurie, hausses des prix et retards de paiement : les pharmacies tunisiennes en difficulté    Tunisie : un juge révoqué placé en détention pour corruption présumée    Nomination d'un troisième mandataire judiciaire à la tête de Sanimed    Chkoundali : malgré une baisse de l'inflation, les prix de plusieurs produits de première nécessité ont augmenté    CSS : Ali Maâloul et 7 nouvelles recrues débarquent !    Entrée en vigueur des surtaxes de Trump : le monde cherche un compromis    Passeports diplomatiques : l'Algérie impose des visas aux Français    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit Ahmed Jaouadi    « Arboune » d'Imed Jemâa à la 59e édition du Festival International de Hammamet    JCC 2025-courts-métrages : l'appel aux candidatures est lancé !    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    30ème anniversaire du Prix national Zoubeida Bchir : le CREDIF honore les femmes créatrices    Ahmed Jaouadi décoré de l'Ordre du Mérite sportif après son doublé mondial    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Consulat tunisien à Benghazi : ouverture officielle !    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Par Hadi Sraïeb : « L'économie de rente : Source de tous nos malheurs ? »
Publié dans Tunisie Numérique le 16 - 09 - 2020

Largement promue dans les publications des institutions internationales (BM et FMI), la notion de rente appliquée à l'étude des économies en développement connait un regain d'intérêt pour ne pas dire un succès inespéré auprès de certaines élites! Un succès qui demeure cependant ambigu car l'usage même du terme "rente", -concept importé de l'économie politique (revenu du propriétaire de la terre)-, est censé désormais servir à lui seul de cadre unifié, descriptif et explicatif, à la crise systémique que connait notre économie (inefficience et inégalité).
Cette approche très en vogue ces derniers temps, se présente comme un nouveau paradigme mettant en évidence des mécanismes de captation de valeur à l'œuvre (législatifs, institutionnels, politiques) qui conduisent au bout du compte à une croissance bridée et atone, déséquilibrée, puissamment inégalitaire.
Logiques de captage et contrôle de la création de valeur qui déboucheraient en cascade sur: la montée inexorable de l'économie informelle, les crispations corporatistes, la raréfaction « artificielle » des opportunités. En d'autres termes, les pratiques de rétention ou de recherche de rente (rent-base, ou rent-seeking) omniprésentes dans la plupart des circuits et secteurs économiques auraient conduit à l'impasse dans laquelle s'est enfermée l'économie, ses acteurs comme ses pouvoirs politiques.
Force est de reconnaître que cette démarche (la partageant en partie moi-même) a une part de vérité qui trouve sa justification dans l'observation des difformités et turpitudes que connait le fonctionnement de notre économie depuis des décennies et qu'a révélé au grand jour la crise révolutionnaire.
Mais que dit cette approche théorique au juste ?
L'économie de rente (plus exactement du profit protégé) s'organise autour d'un faisceau de relations de connivence (pour ne pas dire incestueuses) entre les tenants de l'Etat et diverses entités économiques (individuelles ou collectives) pré-constituées, relations qui ont pour effet d'exclure de potentiels prétendants ou challengers!
Au lieu de laisser libre cours aux dynamiques d'une économie ouverte fondée sur la « libre concurrence et non faussée », pouvoir politique et forces économiques conviennent d'un échange de bons procédés: Octroi de privilèges, prébendes et protections contre légitimation du pouvoir afin d'en assurer la pérennité !
Pour reprendre le vocabulaire de l'économie néo-classique, l'Etat organise toutes sortes de barrières à l'entrée (agrément, licence, autorisation et autres protections) et supervise l'accès différencié à de multiples ressources qu'il s'agisse de marchés publics, d'octroi de crédits bancaires, de subventions ou bien encore de dérogations et de niches fiscales.
Les contreparties, à ces faveurs le plus souvent légales, avons-nous dit, oscillent entre soutien passif ou actif mais tout de même d'allégeance sans faille à la politique menée par les gouvernants.
Au total, ce type d'arrangements et d'accommodements conduit donc, à un modèle économique bridé et entravé, qui empêche toute initiative nouvelle de se déployer par la fermeture délibérée de l'accès aux marchés, et ce, par le truchement de toutes sortes d'artifices « asymétriques » réglementaires, financiers et fiscaux! Pour ne citer qu'un seul exemple édifiant : 80% des fonds européens de la mise à niveau des années 1995-2000 sont allés à 20% des « demandeurs » (sic).
Le paradigme de l'économie du profit protégé ne semble pas alors très éloigné de l'interprétation économique de la corruption et du népotisme, bien que souvent ses adeptes s'en défendent !
Quoiqu'il en soit et à regarder de plus près, la dynamique de l'économie de marché capitaliste crée des rentes de situation (constitution de positions dominantes acquises par accumulation et concentration) mais qui auraient, -selon ce paradigme-, vocation à disparaître sous l'effet de la concurrence, si de facto l'Etat cessait de faire perdurer toutes sortes d'entraves artificielles au bénéfice de quelques-uns ayant de leur côté fait acte de vassalité. Mais voilà, toute l'histoire économique moderne contredit ce postulat !
Il s'agit bien cependant de l'axiome central sur lequel se fondent les adeptes de l'économie de rente, terme jugée plus politiquement correct qui opportunément évite l'usage de notions telles que kleptocratie ou ploutocratie plus tendancieuses et suspectes mais dont la proximité ou la parenté apparaît plus qu'évidente. Ce serait donc la « faute » unilatérale du pouvoir politique et de sa bureaucratie qui auraient, au fil du temps, perturbé le jeu naturel des forces du marché! Exit le rôle des lobbys et des subtilités de la « Nesbah » !
Il est fort dommage cependant que cette approche pêche par excès de naïveté et de candeur. Elle fait la part belle à une vision naturaliste de l'économie comme si celle-ci était composée d'individus entreprenants ayant pour règle hétéronome et commune à leurs interactions « la libre concurrence et non faussée » !
Or, le propre même de la vitalité de l'économie moderne repose sur la dynamique de valorisation et d'accumulation différenciée des capitaux. Très tôt dans l'histoire, apparaissent de grands groupes qui par leur puissance et leur pouvoir de marché obtiennent des facilités que les gouvernements des pays dont ils sont issus ne peuvent, sans dommages, accorder à d'autres. Il en va ainsi des Compagnies des Indes Orientales, puis plus tard de la constitution de champions nationaux et plus près de nous les GAFA et autres BATX.
Que dire aussi des Zaibatsu japonais ou des Chaebol coréens, conglomérats favorisés par leurs Etats, qui ont constitué le fer de lance de ces économies entraînant dans leur sillage une multitude de PME et de sous-traitants ! Toutes ces économies ont connu grâce à leurs grands groupes des trajectoires enviables, à l'exception de périodes de retournement conjoncturels ou structurels.
C'est donc la loi économique du genre (accumulation-concentration) à laquelle aucun Etat ne peut véritablement résister, sauf à vouloir en limiter la portée, dans des circonstances exceptionnelles.
On connait le destin pathétique de la première loi anti-trust qui date déjà de 1890 sans véritable effets, ni même de celles qui l'ont suivi, pas moins d'une vingtaine ! C'est dire la force irrésistible du mouvement général d'accumulation qui tend vers toujours plus de concentration et son corollaire le renforcement du pouvoir de marché.
L'économie tunisienne échapperait-elle à cette loi d'airain ?
Selon le postulat des adeptes de l'économie du profit protégé, une économie plus concurrentielle, débarrassée des entraves illégitimes et contre productives permettrait l'essor de l'initiative privée et le déploiement d'un nouveau tissu plus dense de TPE-PME, réduisant du même coup l'économie informelle.
S'il est vrai que des dispositions réglementaires et bureaucratiques entravent l'entrée sur certains segments de marché à de nouveaux acteurs dynamiques, le principe n'est pas généralisable, ni a fortiori souhaitable !
En son temps, les protections douanières avaient permis la constitution d'embryons de branches et de filières.
Il resterait par conséquent à s'assurer que la levée des obstacles au cas par cas s'inscrit bien avant tout dans une stratégie économique nationale prédéfinie, trouvant toute sa plénitude dans un plan stimulant et incitatif, précisant les priorités collectivement acceptées.
Il ne peut en être autrement, car les enjeux nationaux débordent largement la stricte question de la création de valeur! Lever les obstacles sans la moindre régulation autre que celle de la libre concurrence, de façon indifférenciée, quelle que soit la branche ou sous branche d'activité, conduirait inévitablement à des gaspillages de ressources et à des situations de concurrence sauvage (cut-throat compétition)...aux limites de l'anarchie !
La grande erreur de l'approche du « profit protégé » est précisément de croire que tous les segments ou sous segments de production de biens comme de services sont à des degrés divers des « marchés contestables », autrement dit en langage plus abordable, des marchés concurrentiels sans le moindre obstacle empêchant ou entravant. C'est tout de même faire peu de cas de l'importance du ticket d'entrée dans certaines activités, de la nécessité d'atteindre des économies d'échelle ou d'envergure dans d'autres.
Une théorisation donc, quelque peu trompeuse, qui laisse croire qu'à peu près partout des places seraient à prendre (les marchés libérés seraient source de multiples opportunités réduisant du même coup chômage et économie informelle) comme si les centaines de milliers de demandeurs d'emplois (formels et informels) avaient tous pour ambition et vocation à devenir des entrepreneurs.
Plus ennuyeux encore, cette approche prête le flanc, certes de manière involontaire, au discours démissionnaire « créer votre propre emploi » !
Ce que fait, à juste titre, cette thèse du « profit protégé » est de dénoncer, à demis mots et sous couvert du verbiage technique, les collusions illégitimes entre les pouvoirs politiques et des forces économiques, mais des connivences jamais documentées ni nommées.
On ne peut donc que l'en remercier même s'il convient d'aller beaucoup plus loin
Hadi Sraieb, Docteur d'Etat en économie du développement
Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.