Le premier ministre égyptien, Essam Charaf, a appelé, lundi 10 octobre, à une réunion d'urgence du gouvernement, au lendemain des affrontements entre chrétiens coptes et forces de l'ordre qui ont fait vingt-quatre morts au Caire, a rapporté la télévision d'Etat. Au moins quarante personnes ont été arrêtées dans la nuit après ces heurts qui ont aussi fait plus de deux cents blessés, selon les autorités. Dans la nuit, M. Charaf avait appelé chrétiens et musulmans “à la retenue”. “Ce qui se passe, ce ne sont pas des affrontements entre musulmans et chrétiens, ce sont des tentatives de provoquer le chaos et la sédition”, avait dit le premier ministre sur sa page officielle sur Facebook. Il avait en outre estimé qu'il s'agissait d'un “complot pour éloigner l'Egypte des élections”, les premières de l'après-Moubarak, qui débuteront le 28 novembre. INQUIETUDES Un peu plus tôt lundi, Ahmed Al-Tayyeb, grand imam d'Al-Azhar, la plus haute institution de l'islam sunnite en Egypte, a appelé à des discussions en urgence entre les membres de la Famille égyptienne, une organisation réunissant des religieux musulmans et chrétiens. Plusieurs ministres européens ont exprimé leur inquiétude lundi. Berlin, par la voix de son ministre des affaires étrangères, Guido Westerwelle, s'est dit “très préoccupé” par ces violences. Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, s'est déclaré “très préoccupé et alarmé” tandis que la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton a rappelé que la liberté religieuse “est absolument fondamentale”. Le ministre des affaires étrangères italien, Franco Frattini, a dénoncé de son côté des “violences très graves” contre la communauté chrétienne d'Egypte et souhaité “une condamnation unanime” de l'UE. La ministre des affaires étrangères espagnole, Trinidad Jimenez, a évoqué “une situation inquiétante”. AFFRONTEMENTS MEURTRIERS Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir en Egypte depuis le renversement d'Hosni Moubarak, a décidé d'instaurer un couvre-feu place Tahrir et dans le centre du Caire. D'après la télévision d'Etat trois militaires font partie des victimes. Les manifestants, protestant contre une attaque visant une de leurs églises, ont lancé des cailloux et des engins incendiaires sur les forces de l'ordre et incendié quatre véhicules au moins. Les chrétiens accusent des islamistes radicaux d'avoir partiellement démoli une église dans la province d'Assouan la semaine dernière. Sur un pont du Caire, des centaines de personnes des deux camps se sont affrontées dimanche armées de bâtons, selon des témoins. Les troubles ont par la suite gagné la place Tahrir. “NOUS AVONS PLUS QUE JAMAIS BESOIN D'UNITE” Des milliers de manifestants y ont brocardé le maréchal Hussein Tantaoui, président du CSFA. “Le peuple exige la chute du maréchal !”, scandait la foule sur la place où, selon un journaliste de Reuters, l'armée est intervenue en chargeant à la matraque. Des coptes sont également descendus dimanche dans les rues d'Alexandrie pour protester contre l'attaque de leur église, scandant eux-aussi des slogans hostiles au CSFA et à son chef, longtemps ministre de la défense d'Hosni Moubarak. Les autorités égyptiennes ont promis la tenue d'une enquête pour déterminer les causes des violences. “Nous avons plus que jamais besoin d'unité”, a déclaré le ministre de l'information, Osama Heikal. Les manifestants demandaient le renvoi du gouverneur, à qui ils reprochent de n'avoir pas su protéger leur lieu de culte. MONTEE DES TENSIONS CONFESSIONNELLES Les coptes, qui représentent de 6 à 10 % des Egyptiens, s'estiment discriminés dans une société en grande majorité musulmane. Ils ont été visés par plusieurs attentats, en particulier celui du Nouvel An contre une église à Alexandrie (23 morts). Le 7 mai, 15 personnes avaient été tuées et plus de 200 blessées au Caire lorsque des musulmans avaient attaqué deux églises, affirmant qu'une chrétienne convertie à l'islam était détenue dans l'un des lieux de culte. L'Egypte connaît depuis plusieurs mois une montée des tensions confessionnelles, alimentées notamment par des querelles de voisinage et des différends sur la construction d'églises.